OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pas d’Internet “civilisé” pour les Barbares de l’Info! http://owni.fr/2011/05/31/pas-dinternet-civilise-pour-les-barbares-de-linfo/ http://owni.fr/2011/05/31/pas-dinternet-civilise-pour-les-barbares-de-linfo/#comments Tue, 31 May 2011 08:30:47 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=65328 J’ai écrit ce texte un peu barge, ce pronunciamiento gonzo, à la demande de mon camarade blogueur Chacaille. Ce cher Frater Guillaume d’outre-Léman, qui défend la figure du “Moine reporter bénévole”, lance avec ses amis suisses une fière Trirème baptisée “Ithaque”. Un journal au long cours, non-profit et citoyen, qui entend aller “moins vite plus loin”. Avec de la chair et de l’humanité dedans, du récit, du reportage, des idées et de la BD… Le premier numéro de cet ovni journalistique et littéraire sort des presses. Vous pouvez vous y abonner ici sans peur d’être déçus. C’est beau, c’est gonzo. Je suis fier d’être de l’aventure ! Voici donc en guise de Teaser ce “Manifeste des Barbares de l’Info” qui sera en der du numéro 1 et que je brûlais de publier envers et contre l’Internet “civilisé” (et le journalisme qui va avec). Surtout après la farce grotesque de l’eG8 organisée à Paris par l’Histrion à talonnettes de l’Elysée…

Nous sommes les barbares de l’info

Nous sommes les nouveaux Barbares de l’Info.
Journalistes renégats et mercenaires du clavier, jeunes forçats du Web et vieux déserteurs du papier, blogueurs sans entraves et citoyens libre-penseurs. Jeunes précaires courant de stages en CDD renouvelables, rédacteurs trentenaires prêts à tout donner mais privés de la carrière qui portait leurs aînés, quadra et quinqua déclassés, trop vieux, trop exigeants, pas assez petits chefs pour trouver notre place dans les usines à produire de l’information low-cost que tendent à devenir les journaux.

Nous avons pris le maquis du web et ne croyons plus à la presse telle qu’elle était. C’est décidé: nous ne suivrons plus les règles du jeu des professionnels de la profession…enfin juste ce qu’il faut pour vivre ou survivre de notre métier et fomenter la révolution de l’info ici et maintenant. Sans trop se prendre trop au sérieux évidemment ;). Ceci est un manifeste gonzo-journalistique inutile mais irrépressible, qui n’engage que ceux qui le suivront à leur manière. Quand ils le pourront où ils le pourront. Mais avec la foi communicative des conquérants d’une nouvelle ère informationnelle.

Pour commencer, nous croyons aux Dieux de l’Information et de la technologie au nom du Libre Partage du savoir. Nous pensons toujours que la compréhension de l’actualité et de l’histoire en train de se faire est un facteur indispensable d’éducation, d’élévation et de progrès. Et que la liberté indéfectible de la presse est l’un des premiers fondements de la démocratie.

Nous plaçons la mission d’informer, bien avant le commerce du papier et de la réclame qui dévoient de plus en plus le métier au nom de sa seule survie. Et qu’à ce titre les médias ne sont pas des entreprises comme les autres mais un bien public, qui devrait et pourrait être “non profit” et financé comme tel par l’impôt, le biais de fondations ou la trop vite enterrée “licence globale” (consistant à taxer les opérateurs télécoms faisant juteux commerce des contenus que nous, journalistes et citoyens, produisons).

L’Internet et le journalisme n’ont pas à être “civilisés”

Nous sommes convaincus que la révolution numérique n’est pas une menace pour la presse, mais une chance historique pour elle de renaître en offrant à tous la possibilité de participer au média, en interaction avec des journalistes professionnels.

Nous croyons aussi que l’Internet n’a pas à être “civilisé” comme l’a souhaité un président de la République (qui lui ne l’est pas, civilisé), en ce sens que ceux qui y produisent ou y échangent du savoir n’ont pas la même conception du droit et de la liberté d’informer.

Alors, aujourd’hui, à ce moment clé de l’histoire des technologies et de l’information, nous sortons de l’ombre de l’Undernet. Dans les “grands” journaux qui coulent au son de l’orchestre comme autant de Titanic, chez les “pure player” qui se lancent comme autant de radeaux de l’info, sur les blogs et Twitter, ici et ailleurs…nous occupons le terrain de l’internet laissé vacant par la fin de l’ère Gutenberg.

Spartacus venus des contrées numériques, nous déferlons, toujours plus nombreux et dans une joyeuse anarchie, sur les limes de la vieille Rome médiatique. Entendez-vous cette clameur libre et sauvage ? Nous voulons informer ici et maintenant, partout et nulle part, sans entraves, envers et contre tous les pouvoirs, politiques et économiques, pour le bien commun et la morale publique. L’information est un droit et un devoir essentiel à la démocratie, on l’a dit, et à ce titre nous la considérons comme un service public qui ne doit pas être dévoyé par la logique des “story teller” et des mercanti. Et oui, fous que nous sommes, nous croyons encore en ces notions antiques aujourd’hui oubliées ou dévoyées ! Ici là même, sur ce blog en forme de radeau numérique. Mais, aussi sur le pont de cette Trirème joliment baptisée “Ithaque”. Et bien d’autres esquifs nommés Mediapart ou OWNI… nous souquons ferme, mais à notre rythme, moins vite, pour porter plus loin l’estoc au cœur de l’Empire. Nous sommes journalistes de métier ou non, bretteurs et rhéteurs des mots, amoureux de l’écrit c’est sûr. Nous entendons pratiquer l’”Informatio” au sens où l’entendait les anciens. En vénérant l’héritage narratif de Joseph Kessel et les enquêtes au long cours d’Albert Londres. En faisant nôtres le “nouveau journalisme” littéraire de Tom Wolfe, le gonzo-journalisme foutraque et brillant de Hunter S.Thompson et le journalisme Underworld USA de Bob Woodward qui se rappelle à notre souvenir ces temps-ci. Un journalisme dont on ne trouve plus vraiment trace dans la vieille presse.

Face aux tristes clercs de la pseudo-objectivité journalistique à l’anglo-saxonne, nous brandissons l’étendard de l’honnêteté subjective. Nous aimons décrire le réel par hyperbole, avec mauvais esprit et poésie, sans aller contre la vérité des faits. En allant moins vite plus loin contre l’accélération du monde turbo-numérique, nous voulons ralentir pour vous raconter des histoires hunniques “dont les mots, comme les poings, fracasseraient les mâchoires” comme disait Cioran. En expérimentant tous les styles et en nous servant de toutes les nouvelles technologies.

Nous sommes légions, nous sommes de toutes les générations. Mais nous avons dix ans ou quinze ans à peine. L’âge de la nouvelle Utopie informationnelle de l’Internet qui a mis à bas Gutenberg et Mac Luhan, les Dieux anciens de l’imprimé et de la lucarne hypnotique.

Les graines du chaos re-créatif

Haw Haw ! Une décennie déjà que la nouvelle trinité des trois W a semé les graines du chaos destructeur et ré-créatif au cœur d’un quatrième pouvoir que l’on pensait imprenable.

Emportés par ce nouvel élan digital qui offre à tout à chacun les outils et la parole, ici et maintenant, nous mettons en application ce programme: “Don’t hate the media, become the media” en réponse au “Journalistes partout, Info nulle part”.

Hey Ya Hey nous entarterons les encartés, professionnels de la profession trustant colonnes et micros, projecteurs et caméras ! Tribuns autosatisfaits et éditocrates autoproclamés, vous monopolisiez depuis des générations la parole et l’écrit ? Vous régniez sans partage sur la pseudo-République de l’actualité ? C’est terminé. Il faut maintenant compter avec ce nouveau journalisme bravache et sauvage, littéraire et non standardisé, romantique et nullement pragmatique venu de l’avenir et du passé. Sur le Réseau, nous sommes comme des poissons dans l’eau. Face au bombardement cathodique dominant, nous sommes comme une embuscade dans la jungle médiatique, nous créerons “un, deux, trois Vietnam de l’Info”, comme l’annonçait le programme fondateur de “Libé” en 1973. Vous dictiez au bon peuple ce qu’il fallait penser de l’actualité depuis le confort de vos salons parisiens ? Mécréants que nous sommes, nous raillerons votre évangile en pratiquant le journalisme des faits, par-delà les écrans de nos ordinateurs. Mais en diffusant ce que nous avons appris des événements sur tous les écrans numériques. Et du bon vieux papier aussi. Car nous aimons encore le parfum de l’encre fraichement imprimée. Vous aviez banni de vos rangs les déviants et les affranchis qui prétendaient pratiquer un journalisme du réel…ou de l’irréel ? Ils sont de retour par la magie du Web et ils ont faim de raconter la vie: celle des vrais gens, avec des morceaux d’humain dedans. De plonger au cœur de l’histoire immédiate en train de se faire, au plus près des événements.

Nous mordons avec des mots

Journalistes civilisés, votre idéal patricien c’était foin de panache et d’engagement, point de sens critique ni d’investigation, de la tiédeur et de la crypto-objectivité s’il vous plait ! Surtout ne soulevez pas le tapis de l’actualité, ne cherchez pas à déterrer de vieilles affaires. Rendormez vous, les entreprises sont gentilles, le financement des partis politiques est légal, la guerre est chirurgicale, le business est le business, les saletés doivent rester cachées. Positivez l’info: please du people, des paillettes et du story-telling. N’allez pas voir derrière le miroir, Dieu sait ce qu’un maudit fouineur y aurait trouvé ! Prétoriens de l’ordre informationnel établi vous êtes toujours, comme il se doit, forts avec les faibles et faibles avec les puissants. Bons chiens de garde et gentils toutous courtisans, assurés de ripailler au banquet du pouvoir…Mais nous ne voulons plus de votre “Pax Mediatica”. Maintenant nous mordons avec des mots. Nous ne sommes pas nés pour être domptés. Nous sommes des journalistes sauvages et plébéiens, pas des petits soldats de l’info bêtes et disciplinés.

La voie du Gonzo

Nous voulons suivre la voie de notre bon maître Gonzo, le Doc Thompson, pour qui un bon petit reporter se devait d’avoir “le talent du maître journaliste, l’œil du photographe artiste et les couilles en bronze d’un acteur d’Hollywood”. Nous pensons avec ce cher Hunter citant Faulkner qu’il arrive que “la meilleure fiction soit bien plus vraie que n’importe quel type de journalisme”. Que de plus en plus souvent “les faits sont des mensonges” serinés par des story tellers pour être copiés-collés à l’infini par des scribes robotisés. Et que pour atteindre la vérité, il faut se fier à son instinct sauvage et se laisser porter par la danse chamanique des mots “comme une balle de golf d’un blanc étincelant sur un fairway où le vent ébouriffe les paquerettes” .

Entendez-vous cette rumeur venue des tréfonds de l’internet ? Les temps changent. La roue de l’Histoire informationnelle a tourné. En 2007, lorsqu’une poignée de vétérans du métier a déserté les rangs de la vieille presse sclérosée pour lancer les premiers sites d’info en ligne hors système avec de jeunes recrues venues de barbarie numérique, on se gaussait de ces blogs à peine améliorés rédigés par des gueux et des proscrits qui prétendaient rivaliser avec la grande presse : “Jamais ces Rue89 et autres Mediapart ne tiendront plus d’un an”, entendait-on à Paris dans les allées du pouvoir journalistique. Bien sûr il y eut des morts. Bakchich, le vilain petit Canard numérique. Mais aussi des naissances. Owni et son info digitale venue d’ailleurs… Mais pendant ce temps là, les “grands” journaux, ces Tigres de papier, ont vu leur royaume imprimé s’effriter année après année. Ils ont vu leurs ventes et publicité pourrir et s’effondrer sur pied. A force de sacrifier aux dieux médiocres du marketing éditorial. A force de proposer toujours la même soupe standardisée, de coller au “temps de cerveau disponible”, d’oublier que notre métier est d’abord celui de l’offre. A force aussi d’avoir peur de l’Internet, cette nouvelle démocratie de l’info participative, sociale et citoyenne. A force de mépriser ces OS du Web qui étaient seuls à maîtriser les arcanes de la technologie, la vieille aristocratie décadente du papier est totalement passée à côté de la révolution numérique. Elle est aujourd’hui au bord du précipice et sur le point de tomber dans les poubelles de l’histoire. C’est ainsi.

La fin des anciens

Voilà donc qu’un vent de panique s’est mis à souffler sur la belle ordonnance des phalanges de l’Empire. Ce n’est pas encore la débandade généralisée. Mais les signes de la fin des temps anciens sont là. L’ordre médiatique établi vient de connaître son désastre de Teutoburg: pour la première fois, un messager venu des forêts sombres de l’Undernet, j’ai nommé WikiLeaks, a dicté son agenda aux plus grands journaux de la Planète. On a vu le New York Times, le Guardian, le Spiegel et Le Monde se rendre docilement à l’oracle barbare des 250.000 câbles diplomatiques américaines rendus publics par Assange. Plus rien ne sera comme avant. D’autres “Zones Autonomes d’Information” vont naître ici et là, frapper de leur clavier et disparaître avant d’être écrasées pour renaître ailleurs dans les failles de l’Empire, suivant les préceptes “TAZ” du cyber-prophète libertaire Hakim Bey.

Bientôt d’autres “journalistes et hors la loi”se lèveront et rivaliseront de diatribes magiques et hallucinées dans la lignée du grand Chaman des mots, ce cher Hunter. Et les jeunes forçats du Web briseront leurs chaînes sur l’air du “qu’est ce qu’on attend pour mettre le feu à l’Info !”. Les lecteurs suivront ou non. Qui nous aime nous suive ! Ils suivront. Ils ont déjà déserté en masse le papier et la télé pour le Web, l’info-burger pour la bio-diversité des sites indé, des réseaux sociaux et des blogs. Bientôt l’on entendra ce qu’il restera des Césars médiatiques d’autrefois, lancer le cri d’Auguste: “Varus qu’as tu fais de mes légions ?”. Rome ne brûlera pas mais l’Empire s’effondrera de lui-même face à la nouvelle République des médias par tous et pour tous. C’est écrit.

Maître Gonzo ;)


Article initialement publié sur le blog Sur mon Écran Radar, sous le titre “Pas d’Internet “civilisé” pour les Barbares de l’Info !”

Illustrations CC FlickR: PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par Dunechaser, Paternité par Abode of Chaos

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Moine-reporter: le bénévolat comme business model http://owni.fr/2011/05/19/moine-reporter-le-benevolat-comme-business-model/ http://owni.fr/2011/05/19/moine-reporter-le-benevolat-comme-business-model/#comments Thu, 19 May 2011 16:47:25 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=63201

Mon invité du jour est suisse et aime l’art du contrepied (rien à voir je sais ;). Alors que les blogueurs réclament salaire au même titre que les journalistes envers et contre l’économie de la gratitude – Guillaume Henchoz, plus connu des pratiquants de Twitter sous le pseudonyme de @Chacaille défend lui l’idée que l’on peut pratiquer le journalisme comme un art monastique et bénévole, en parallèle -et non en marge- d’une activité salariée. Cela ne plaira pas forcément aux professionnels de la profession repliés dans un corporatisme qui n’a pas vu venir, avec l’internet, la révolution de l’information par tous et pour tous. Mais Guillaume a la foi communicative et l’enthousiasme des moines-soldats. Enseignant de métier à Lausanne, il est lui même blogueur et rédacteur en chef d’ “ITHAQUE”, un joli projet de journal associatif animé par des journalistes bénévoles, professionnels ou citoyens, avec du réel, du gonzo et de la BD dedans. Le premier numéro de cette revue journalistique au long cours (quatre numéros par an) qui entend aller “moins vite et plus loin”, paraîtra début juin sous la forme d’un beau berlinois de 20 pages papier. J’ai décidé de m’embarquer dans l’aventure en livrant une chronique en forme de charge contre le journalisme “civilisé”: “Nous sommes les nouveaux barbares de l’Info”. Mettant en application sa conception de l’économie du troc conventuel, Guillaume m’a offert en échange ce billet sur la figure du moine-reporter que vous allez lire et commenter de ce pas !

C’est un petit encadré de rien du tout dans le magazine de l’Association suisse des journalistes (Edito), qui m’a fait d’abord tousser, puis réfléchir. “ITHAQUE”, un journal foutraque et gonzo que l’on s’apprête à lancer entre amis (pros ou non), y est épinglé au titre que ses rédacteurs ne sont pas rémunérés. “L’avenir dira si le bénévolat est lucratif pour un journal – pour le métier de journaliste, c’est plutôt la mort!- Et si ça fonctionne longtemps !”, conclut l’article. Guts ! Passons rapidement sur le fait qu’une publication qui tire à 3.000 exemplaires quatre fois par an puisse faire tiquer à ce point la profession et concentrons nous sur l’essentiel : derrière cette critique du bénévolat, il y a quelque chose de fondamental. Un vieux réflexe corporatiste qui me froisse horriblement. Parce que je ne me paie pas, je serais donc incapable de produire un travail journalistique de qualité ? Et en prime j’aurais la mort de toute une profession sur le dos ? Passées les premières crispations engendrées par la lecture du petit article, je me suis demandé comment je pouvais illustrer et expliquer simplement mon mode de fonctionnement. C’est ainsi que l’image du moine-reporter m’est apparue. Une vision, quoi.

Notre abbatiale

“ITHAQUE” fonctionne un peu sur ce modèle. Un groupe de reporters s’est formé, dont certains exercent d’autres activités que le journalisme. Il y a également des journalistes à temps partiel et des journalistes indépendants, qui complètent leurs revenus avec des petits boulots à droite et à gauche. Le canard constitue un peu notre abbatiale. On s’y retrouve pour communier quatre fois par année. Notre credo, “moins vite, plus loin”, nous permet d’avancer pépère, de gratter ce qui nous démange et de chercher des poux dans la tonsure de qui on veut, en prenant le temps d’effectuer de longs articles.

Le moine-reporter prend place parmi les figures qui sont apparues récemment dans la pratique journalistique, où le fait de posséder ou non une carte de presse n’est pas (plus ?) déterminant. Je pense ici au “journaliste-citoyen” (ouille, le gros mot) ou encore à nos petits copains les “forçats de l’info“. Qu’on le veuille ou non, la personne qui tient sa chronique idéologiquement prescriptive, celle qui publie les pévés du Conseil général de sa commune sur son blog et l’autre là, qui bâtonne des dépêches toute la journée, font partie du paysage. Oui, vous avez raison, c’est un peu plus compliqué que cela : il y a d’excellents journalistes-citoyens et de brillants reporters de desk. Il y a même des journalistes d’avant le web qui se mettent à utiliser avantageusement les outils technologiques mis à leur disposition. Mais le constat s’impose de lui-même et on ne va pas trop s’y étendre tant le sujet est ressassé aux quatre coins de la blogosphère : le journaliste historique n’est plus  le seul prescripteur de l’information. Si la Toile a d’abord offert des tribunes à quiconque le souhaitait, elle a ensuite permis à de nombreuses personnes, dont je fais partie, de se bricoler une sorte de formation.

Pratiquer le journalisme… et autre chose

En lisant, en écrivant, en bidouillant, en échangeant, je me suis petit à petit formé à la pratique du journalisme. J’ai appris à réaliser des entretiens, brosser des portraits, lire entre les lignes un communiqué de presse, partir sur le terrain, tout cela grâce et à travers le web. Je n’ai jamais fréquenté une école de journalisme et n’y mettrai certainement jamais les pieds. Oh, bien sûr, je fréquente des journalistes – j’ai même fait deux gosses à une reporter encartée – mais je plaide la bonne foi : tout a commencé avant que je ne la rencontre. Les mauvaises langues diront que je fais du journalisme par les marges. Ce n’est pas mon sentiment. En fait, le journalisme est au cœur de mon activité professionnelle. J’ai juste un business plan un peu compliqué.

Pendant mes études, je me suis frotté à la rubrique culturelle du journal de mon université. J’ai aussi fait de la radio sur le campus. Par la suite, j’ai pigé pour un magazine spécialisé dans les médias – le même qui nous tombe dessus aujourd’hui – et j’ai tenu un blog qui reste un peu en friche depuis que je me suis lancé dans l’aventure d’”ITHAQUE”. J’ai toujours pratiqué le journalisme et autre chose : des études, un travail de libraire, puis mon boulot d’enseignant. Je ne me considère pas comme un journaliste-citoyen à proprement parler, parce que je ne défends pas une idéologie particulière. Les convictions qui m’animent et le drapeau que j’agite ne concernent que la pratique journalistique que je souhaite défendre : de la lenteur, une focale assumée et identifiable pour le lecteur, le récit d’histoires vraies telles qu’elles se sont offertes à mes sens. Honnête à défaut d’être objectif. Artisan-moinillon plutôt que chevalier blanc de la profession.

Quand d’autres cherchent à percer dans les rédactions quitte à bouffer du desk, circoncire des dépêches ou encore engloutir un reportage en 3.000 signes, j’opte pour un modèle différent. Je trouve de quoi boucler le mois dans une activité professionnelle à taux réduit, mais qui rapporte (enfin…en Suisse, parce qu’en France les salaires d’enseignant ne sont franchement pas folichons…) et qui me laisse le temps de travailler sur de longs reportages. Mes sujets, je les choisis. De l’angle au nombre de signes. Des illustrations à la police. Je fais ce que je veux. Ce que j’aime. Je prends mon temps. Je l’ai souvent fait pour le web, et maintenant, je m’apprête à transposer cette pratique sur “ITHAQUE”, sur du papier.

Mon obole pour pratiquer ce métier

A y regarder de près, ce modèle journalistique d’un nouveau genre est déjà en vogue dans de nombreux autres secteurs avec lesquels notre journal collabore. On ne demande pas à un écrivain de s’adonner exclusivement à l’exercice littéraire. De nombreux plumitifs ne se frottent à la littérature qu’une fois complies passées. De même, n’importe quel dessinateur vous confessera avoir travaillé à la poste ou comme livreur afin de pouvoir se dégager un salaire décent. Le monde de l’édition, de la littérature à la bande dessinée, ne fait vivre qu’un petit cercle d’auteurs. Les autres doivent s’inventer des modèles économiques où il est question de travailler en mercenaires ou d’exercer une activité complètement déconnectée de leur travail d’écriture ou de dessin. Pourquoi ne pourrait-on pas user de ce modèle dans le journalisme ? Si c’est le prix à payer pour exercer une activité journalistique en marge des médias mainstream, je m’acquitte volontiers de cette obole !

Frater Guillaume


Article initialement publié sur Sur Mon Ecran Radar.

Photos Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par Roy Stead et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par Fergal Claddagh

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Duprat, l’histoire de l’extrême-droite que les médias ne racontent pas http://owni.fr/2011/05/15/duprat-lhistoire-de-lextreme-droite-que-les-medias-ne-raconte-pas/ http://owni.fr/2011/05/15/duprat-lhistoire-de-lextreme-droite-que-les-medias-ne-raconte-pas/#comments Sun, 15 May 2011 14:00:41 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=62743 C’est un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître. Que ceux qui n’étaient pas nés dans les années 60-70, qui n’ont pas vécu l’onde de choc de l’après-mai 68 ne comprendront sans doute pas ou regarderont d’un œil narquois. Un temps de passion politique extrême où étudiants et lycéens se divisaient en deux camps : fafs contre bolchos, nationalistes et néo-fascistes contre trotskystes et maos, Fac d’Assas contre Sorbonne et Nanterre. Où hordes rouges et noires s’affrontaient, casquées, à coup de barres de fer pour rejouer la révolution russe, la guerre d’Espagne, celle du Vietnam…ou carrément le Front de l’Est. Un temps où l’Internet n’existait pas, où les jeunes n’avaient pas la télé, où la politique se vivait avec les tripes et l’intellect, où l’information et la propagande passaient par la presse, les affiches et les tracts, où le théâtre-monde se résumait au quartier latin. L’Orient était Rouge contre « O, O, Occident ! »

Je n’ai pas connu directement cette époque sépia où les choses étaient si simples : les bons contre les méchants. Mais trop jeune pour avoir participé à ces batailles homériques (et forcément mythifiées) que nous contait nos aînés, membres de la famille ou dirigeants politiques des organisations gauchistes de l’époque, je l’ai vécu par procuration. J’ai voulu, comme tant d’autres, revivre et prolonger la geste politique des « années de rêve », ces histoires de manifs et de baston que l’on se transmettait de génération estudiantine en génération: étudiant au mitan des années 80, je me suis engagé radicalement contre la montée de l’extrême-droite…forcément à l’extrême-gauche. Là où il y avait du service d’ordre et du sport. Et j’ai moi aussi rejoué cette gué-guerre si dérisoire et pourtant incontournable quand on vivait l’engagement avec son temps : gauchos contre fachos, JCR contre rats noirs du GUD, courses poursuites, descentes musclées des Fafs à Tolbiac, embuscade à Jussieu et contre-descente à Assas, jeu de cache-cache avec les flics, casques et battes de baseball. Les manifs anti-Devaquet de 1986. La violence comme seul langage bête et primal alors que paradoxalement on verbalisait tant la politique au café-clope. Mais on ne dialogue pas avec un fasciste : en général il cogne le premier et dans nos petites têtes il fallait bien gagner la bataille de la rue au cri de « F comme Fasciste, N comme Nazi », si on ne voulait pas la perdre dans les urnes.

Duprat : l’éminence grise des fachos nouveaux

: A l’époque la bête immonde était la bête qui monte qui monte…et pour la première fois depuis « Radio-Paris ment Radio-Paris est allemand », elle s’adressait à la France entière pour cracher sa F-haine de l’autre. Le borgne avait mis un beau costume pour passer à la télé, troqué son bandeau de parachutiste tortionnaire contre un œil de verre et un costume-cravate bleu horizon. Sa bouche tordue crachait ces mots

Il y a 1 million de chômeurs c’est 1 million d’immigrés de trop.

La Shoa ? « Un point de détail de l’histoire ». 6 millions de juifs assassinés ? « C’est un sujet sur lequel les historiens ne sont pas d’accord », etc…Si je vous raconte tout cela, c’est que ces mots écœurants mais très calculés avaient été mis dans la bouche de Le Pen par un homme de l’ombre : François Duprat. Le Mephisto-Phélès oublié qui présida à la création du Front National, « l’homme qui réinventa l’extrême-droite » en fédérant, sous une flamme tricolore bien plus présentable que la croix celtique, toutes les phalanges de l’ordre noir : nostalgiques du Maréchal Pétain et néo-facistes, anti-communistes viscéraux, nationalistes-révolutionnaires païens, catholiques intégristes, barbouzards et monarchistes de l’Action Française…ces sept familles de l’extrême-droite que tout séparait.

La légende noire de Duprat, mort le 18 mars 1978 dans un mystérieux attentat à la voiture piégé, ressurgit aujourd’hui par la grâce d’un formidable web-documentaire signé par l’historien Nicolas Lebourg et le réalisateur Joseph Beauregard et coproduit par Le Monde.fr, l’INA et 1+1 Production: François Duprat, une histoire de l’extrême-droite française.

Marine Le Pen : irrésistible icône télégénique

Ce n’est pas un hasard si ce documentaire, initialement tourné pour la télévision, a été refusé par toutes les télés. Ses auteurs ont du le réécrire au format webdocumentaire pour lui donner une audience via Lemonde.fr qui a eu l’intelligence de le mettre en ligne sans hésiter. Car cette enquête va là où les autres médias ne vont plus : derrière la lucarne aveugle du petit écran, aux racines du mal.

Tout le contraire de France 2 qui a diffusé lundi 9 mai un portrait très people et superficiel de Marine Le Pen dans Complément d’enquête. Où il était question de l’enfance de la blonde, de son amour filial pour papa, du traumatisme de l’attentat qui a visé le domicile familial, du départ de maman la vilaine qui a posé nue dans Playboy, du flambeau qu’elle a repris blablabla…La télé ne résiste pas à la fille Le Pen, une locomotive à audience, créditée de plus de 20 % des voix et que certains sondeurs voient déjà au second tour des présidentielles dans un « 21 avril à l’envers ». Pas plus qu’elle n’a résisté à son père. Au risque de l’institutionnaliser définitivement et de l’aider dans son entreprise de Lepénisation des esprits. Son discours n’est-il pas plus raisonnable ? Ne trouve-t-il pas écho aujourd’hui dans celui de la droite dite républicaine ? Ses thématiques favorites, l’immigration et la sécurité, ne sont-ils pas aujourd’hui « des sujets de société » qui seront au centre de la campagne électorale ? Des interrogations certes contrebalancées par un reportage en caméra cachée qui montre le vrai visage du FN, celui de toujours : racisme, anti-sémitisme, tentation d’un régime fort et fasciste. Mais qui reste en surface…comme toujours à la télé.

D’où vient le FN ? d’où vient l’entreprise Le Pen Père & fille ? Quel est le projet secret de leur parti depuis sa création en 1972 ? Qui était François Duprat et quel rôle politique, intellectuel et financier occulte a-t-il joué dans l’ombre du « Chef » ? Pour comprendre l’ambition actuelle de Marine Le Pen – et mieux la combattre – il faut donc savoir qui était ce Duprat mort il y a plus de trente ans, démêler le vrai du faux, la légende de la réalité. C’est à cette tâche que se sont attelés Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard. En remontant le temps, en s’aventurant derrière les apparences, par delà l’histoire officielle, dans ces zones d’ombres délaissées des projecteurs de l’actualité…

Ou comment un jeune homme, né en 1940 dans une famille « viscéralement de gauche », tombe du côté obscur de la force. Frappé d’une illumination fasciste, ces mots de Maurice Bardèche :

Il faut être intellectuel et violent.

Il s’engage du côté des proscrits du Paris de la fin des années 50 : ex-collabos, anciens miliciens, vieilles canailles anti-sémites et jeunes néo-fascistes, militants de l’Algérie française et soldats perdus des guerres coloniales, tous ralliés sous la bannière terroriste et anti-communiste de l’OAS.

Un parcours de Jeune Nation au FN en passant par Occident

On suit François Duprat de Jeune Nation à Occident dans les années 60, d’Ordre Nouveau à la création du Front National dans les années 70. Le dispositif original du Webdoc épouse la personnalité double et trouble de Duprat : l’histoire officielle et l’homme de l’ombre, que l’on visionne en parallèle en faisant tourner les facettes d’un cube-écran. En appui (indispensable pour les profanes), une belle frise chronologique interactive très didactique. Duprat jeune nationaliste exalté ? Agent des renseignements généraux dès l’origine, retourné par la police en échange de sa libération après sa participation au complot pro-OAS de Jeune Nation répond le miroir occulte. Une année de baroud au Congo aux côtés des mercenaires de Mobutu ? Grillé à Paris, Duprat est venu « se faire oublier » et produit du mythe « afin que plus personne ne puisse démêler le vrai du faux du faux du vrai ».

Camarade des Madelin, Longuet, Devedjian , Novelli et Robert sous la bannière d’Occident? C’est lui qui a balancé leurs noms aux flics après une descente à la Fac de Rouen en 1967 qui laissera sur le carreau un jeune gauchiste, fils de commissaire, le crâne fracturé à coups de clé à molette. L’anti-sionisme pro-palestinien ? Un vrai anti-sémitisme structurel qui en fait le principal agent du révisionnisme, le porte-voix des négationnistes.

La création d’Ordre Nouveau ? Une machine à recycler les fascistes précités dans les rangs de la droite « républicaine », pendant que les jeunes nervis du mouvement servaient de milice auxiliaire à la police pour lutter contre les gauchistes (qui eux attaquèrent par centaines un meeting fasciste à la Mutualité en mai 1973, menant à la dissolution symétrique d’Ordre de Nouveau et de la Ligue Communiste). L’argent du mouvement ? Il vient de l’internationale des dictateurs fascistes sous l’œil bienveillant de la CIA. Sa mort violente dans l’explosion de sa voiture ? On a parlé du Mossad…mais Duprat entretenait des liens étroits avec la CIA et « les services » français (à une époque où le ministre giscardien Robert Boulin « se suicidait » en se noyant dans 10 cm d’eau). Le mystère demeure entier, le secret bien gardé: les auteurs du documentaire se sont vu refuser l’accès à certaines archives du ministère de l’Intérieur plus de trente ans après les évènements comme le raconte l’excellent blog Droites Extrêmes du Monde.fr.

Pour en savoir plus sur Ordre Nouveau et ces années de plomb made in France, ce petit doc vidéo Youtube est fort instructif:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La stratégie de Marine Le Pen, fruit des théories de François Duprat

Comme antidote à cette engeance fasciste je vous recommande « Mourir à trente ans », le très beau film de Romain Goupil tourné de l’autre côté de la barricade. Ici l’attaque du meeting d’Ordre Nouveau par des centaines de jeunes de la Ligue Communiste qui se heurtent aux CRS… impressionnant:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le Pen dit lui-même de Duprat avec un sourire en coin : « c’était un personnage sulfureux ». Mais il vient saluer la mémoire du « martyr » chaque 18 mars sur sa tombe avec la vieille garde des nationalistes-révolutionnaires, qui, eux, saluent le bras tendu. Loin, bien loin de l’image respectable que tente de donner sa fille au mouvement pour tenter de conquérir le pouvoir « à l’italienne »… Le parti fasciste italien MSI, créé par des fidèles de Mussolini s’est rebaptisé Alliance Nationale dans les années 80. Il est arrivé dans les allées du pouvoir sous ce déguisement avec la clique de Berlusconi. Mettre en veilleuse les bras tendus et les cranes rasés, montrer un visage bleu-blanc-rouge plus respectable que la croix celtique sur fond noir, contaminer la droite sur le terrain des idées, la forcer à aller sur les mêmes thèmes racistes et sécuritaires, puis à nouer des alliances électorales pour gagner et gouverner ensemble…

C’est tout la stratégie de Marine Le Pen. C’était tout le projet théorisé par le marionnettiste François Duprat qui a mis ses mots et ses idées extrémistes dans le discours du Front National et dans la tête de millions de français.

Mais pour découvrir cette histoire occulte de l’extrême-droite française et voir ressurgir l’ombre de Duprat sur l’actualité politique d’aujourd’hui, il ne faut pas compter sur la télé. Heureusement, Internet ouvre aujourd’hui de nouvelles fenêtres sur cet envers de l’actualité, cette histoire underground qui fait l’Histoire et que les grands médias ignorent aveuglement. Au nom du « temps de cerveau disponible » et d’une supposée loi de l’offre et de la demande qui dicte aujourd’hui son stupide tempo marketing et publicitaire à l’information. Heureusement, il y a ce nouveau format, formidable, qu’est le web-documentaire qui permet de s’affranchir des storytellers et de toucher un public envers et contre la machine Audimat à décérébrer. Merci à Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard pour leur travail salutaire qui devrait bientôt trouver un prolongement sous la forme d’une biographie du fasciste Duprat à paraître aux Editions Denoël.

Article publié initialement sur le blog Mon écran radar, sous le titre : “François Duprat, une histoire de l’extrême-droite”: ce webdoc qui va là où la télé ne va pas.

Photo FlickR CC : L’imaGiraphe ; Cyrus Farivar ; staffpresi_esj ; Pierre-Marie Le Diberder (licence GNU).

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http://owni.fr/2011/05/15/duprat-lhistoire-de-lextreme-droite-que-les-medias-ne-raconte-pas/feed/ 0
Quand Google règnera sur la posthumanité… http://owni.fr/2011/03/19/quand-google-regnera-sur-la-posthumanite/ http://owni.fr/2011/03/19/quand-google-regnera-sur-la-posthumanite/#comments Sat, 19 Mar 2011 16:00:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=50523

Palo Alto, Californie, 2018. Sergey « Brain » est l’empereur d’un monde connecté. Google est partout, anywhere, everywhere, anytime. Il a mis à genoux Microsoft, le géant déchu du logiciel qui a initié la grande révolution numérique. Et aussi Apple, dont feu le PDG Saint Jobs, a eu la naïveté de croire que son œuvre perdurerait par la seule magie du bel objet technologique et du buzz marketing. S’il avait su…Le business ultime n’était pas dans le design et l’ergonomie mais dans les contenus, la connaissance. L’avenir n’était pas dans la création d’un univers fermé, mais dans la numérisation de l’univers… Google a mis KO ses concurrents mais aussi toute l’économie traditionnelle. La Firme règne sur les médias, les télécommunications, les énergies nouvelles, les biotechs.

Des milliards investis dans la techno-médecine, la cybernétique et le génie génétique

Deux milliards d’individus se connectent chaque jour sur ses serveurs. Google est un Dieu de l’information. Il gère des pétabits de données personnelles venues des quatre coins du monde. Dispense l’information comme un fluide vital à une humanité en pleine transformation. Google évangélise. Sa nouvelle religion : la courbe exponentielle du progrès que rien ni personne n’arrêtera. Sa promesse aux fidèles : le salut sur Terre, l’immortalité enfin, ce vieux rêve du pauvre homo sapiens terrorisé par sa fin biologique inéluctable. À coups de milliards de dollars, investis dans la techno-médecine, la cybernétique et le génie génétique, Google est en train de donner naissance à l’homme 2.0, un humain augmenté, sauvé par le mariage avec la machine. Les cures de cellules souches et les nano-robots commencent à réparer en profondeur ce que les liftings et le botox ne faisaient que camoufler grossièrement en surface et de manière trop éphémère. Bientôt le cancer ne sera qu’un mauvais souvenir. Les femmes programment l’ADN de leurs futurs bébés, écartant laideur, tares, maladies, privilégiant la beauté lisse et photoshopée des magazines. La grande sélection a commencé. Google a pris la tête du Projet Transhumaniste.

Google a aussi un projet caché : la Singularité. Une intelligence artificielle « sensible », qui boit comme un vampire tout le savoir de l’humanité pour mieux veiller à sa destinée, prendre en charge son bonheur. Ce projet est soutenu sans réserve par le gouvernement des États-Unis d’Amérique qui domine le monde avec son ennemi économique et géostratégique numéro un, l’empire turbo-capitaliste chinois. La vieille Europe est laminée, appauvrie, exsangue faute d’avoir investi dans la révolution numérique. Le chômage explose, la révolte gronde. La crise grecque du tournant des années 2010 annonçait le début de la fin. Aujourd’hui ses habitants affolés émigrent ou appellent à la révolution bioéthique et technologique contre leurs gouvernements décadents accrochés aux vieilles lunes de la bioéthique, dans l’espoir de rejoindre le camp des vainqueurs. Celui de la prospérité, celui du bonheur éternel, celui de Google.

Serguey a peur, moi aussi

Mais Sergey est inquiet. D’abord son ami Larry, avec qui il a créé Google à la fin du XXe siècle n’est plus là pour voir leur cyber-rêve global se concrétiser. Il a été assassiné par un terroriste bioludite en sortant de sa Tesla Car pour acheter des donuts. Ce taré a expliqué : « Je suis en mission pour tuer l’Antéchrist et sauver l’humanité. » Il y a aussi ces illuminés chrétiens qui s’immolent par le feu. Et leur alliés basanés d’Al-Qaeda, toujours là, qui tentent de faire exploser les fermes de serveurs ultra-sécurisées avec leurs bombes suppositoires quasi-indétectables. Et ce vieux fou pathétique et mourant de Murdoch qui les excite depuis son lit d’hôpital sur Fox News – tout ce qui reste de son empire de médias… Sans parler de Bill Gates, qui est devenu la mère Teresa des pauvres en Afrique , parle de bonté, nique des filles en boubou dans des cases, et consacre le maigre temps qui lui reste à claquer tout son pognon pour sauver la vieille humanité inutile et obsolète qui n’aura pas accès au grand Projet.
Maintenant le moindre expert en IA de seconde zone porte un gilet pare-balles et bénéficie d’une protection rapprochée. C’est la guerre entre l’obscurantisme pré-numérique et et le progrès transhumain… Et Sergey a peur, il est terrorisé à l’idée de mourir avant d’avoir éradiqué en lui le programme de la maladie de Parkinson annoncée par son patrimoine génétique :

Sergey Brain ne voulait pas finir comme Howard Hugues, malade et dément, richissime et parano. Il voulait continuer à vivre. Faire des choses complexes, comme poursuivre le remodelage du monde. Il voulait continuer à façonner l’humanité et vivre comme un chef d’État. Il voulait aussi faire des choses simples comme du trapèze ou baiser sa femme. L’idée de tout perdre le rongeait littéralement (…) Sergei pensait en priorité à sauver sa peau. En bon transhumaniste, il bandait en considérant la courbe exponentielle de la science. Le progrès serait un jour synonyme d’immortalité pour l’espèce humaine…

Coucou, tu veux voir mes circuits intégrés ?

Un techno-thriller qui pose les bonnes questions

Voilà, c’était en résumé le meilleur des Googlemonde, un futur possible très proche, tel qu’il est raconté dans Google Démocratie. Ce formidable roman d’anticipation, qui résonne des dernières avancées technologiques et des grandes inquiétudes éthiques qui leur sont associées, sort cette semaine chez l’éditeur Naïve. Ses auteurs sont David Angevin (qui a notamment signé Dans la peau de Nicolas, la fausse autobiographie de Sarkozy) et Laurent Alexandre, chirurgien urologue et fondateur du site Doctissimo. J’ai pris un vrai pied en le lisant avec un peu d’avance sur vous (le privilège du blogueur). Mais ceci n’est pas un billet sponsorisé ;) Juste une critique coup de cœur. J’ai d’autant plus halluciné en lisant ces quelque 400 pages que j’y ai retrouvé beaucoup de mes propres interrogations sur le pouvoir qui est désormais entre les mains de Google. J’ai suivi l’irrésistible ascension de la Firme en tant que journaliste depuis ses débuts en 1998. En observateur conquis et naïf.
Mais ces dernières années, ces derniers mois j’ai un peu pris peur en prenant conscience que Google était en train non seulement de numériser notre monde, mais aussi notre vivant. J’ai été très inquiet en entendant son (ex) PDG, Eric Schmidt déclarer : “Ce que nous essayons de faire c’est de construire une humanité augmentée, nous construisons des machines pour aider les gens à faire mieux les choses qu’ils n’arrivent pas à faire bien.” J’en ai fait ce billet : “L’homme augmenté selon Google, vers une transhumanité diminuée”. Voilà ce que j’écrivais le 4 octobre dernier :

Google est DÉJÀ un véritable prolongement de nous-mêmes, une extension, un pseudopode numérique de notre cortex. Google est dans votre tête, vous connaît mieux que quiconque à force d’enregistrer vos moindres faits et gestes sur le web. Avez-vous déjà essayé de vivre sans Google ? (…)Vous ne pourrez plus vous passer de Google, sauf à être un homme “diminué”. C’est en tout cas le projet assumé des dirigeants de “La” Firme. Sergey Brin, le fondateur de Google, a récemment dit qu’il voulait faire de sa création “le troisième hémisphère de notre cerveau”

À croire que les auteurs de Google Démocratie ont aussi lu mon blog en se documentant ;) Mais comme Sergey Brain, je dois être salement mégalo haw haw :D

Je suis un être humain, pas un transhumain

On peut aussi lire Google Démocratie comme une nouvelle resucée du “Big Brother” d’Orwell ou du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. Mes saines lectures de jeunesse. Mais c’est assumé par les auteurs. Et leur livre vaut bien mieux que cela. Ce techno-thriller cyberpunk est non seulement plaisant à lire, mais il pose vraiment les bonnes questions. Perso, les transhumanistes et leur trip de sélection aryenne à la Mengele me font sacrément flipper. Surtout quand leur message raisonne de manière irraisonnée dans le projet de s dirigeants de la Firme la plus puissante du monde. Je dois être vieux, old school, mais je n’ai pas peur de mourir : « Je suis un humain, pas un post-humain, ni un transhumain. Je fume (un peu), je bois (un peu), je vis, j’aime, trop vite, trop fort comme beaucoup d’entre nous. Life is good. Mais comme vous, je vais mourir un jour et Google n’y pourra rien… » (je m’autocite encore ;) Et quand je lis en préface de Google Démocratie ces mots attribués à un employé de Google…

Nous ne scannons pas tous les livres de la planète pour qu’ils soient lus par des hommes. Nous scannons ces livres pour qu’ils soient lus par une intelligence artificielle.

… j’y crois, je suis fasciné et quelque part techno-enthousiaste je vous le confesse…mais je suis aussi pris de vertige. Forcément. Et je pense à Michel Serres pour qui « un nouvel humain est né » : le philosophe « voudrait avoir dix-huit ans puisque tout est à refaire, tout reste à inventer. » Il vient de signer un texte magnifique d’optimisme dans Le Monde pour nous dire d’avoir confiance en l’homme, avec le progrès. Mais je pense aussi à Michel Houellebecq qui annonce l’obsolescence de l’humanité dans tous les sens du terme. Et aussi à une autre voix, celle du philosophe slovène Slavoj Zizeck qui annonce « la fin des temps » dans son dernier essai. Ecoutez-le ici sur France Culture : il pense que le capitalisme a atteint son stade ultime et pousse désormais l’humanité à sa perte. À moins que l’on ne soit déjà entré avec Google et quelques autres dans la post-humanité, dans la singularité, un nouvel empire machine construit pour bien plus de mille ans…

Google Démocratie, par Laurent Alexandre et David Angevin (399 pages, 21 euros, parution le 9 mars chez Naïve)

P.S : vous n’y croyez pas ? Les propagandistes du culte transhumaniste, dont on retrouve l’origine-source ici sur le site de la Singularity University [en] ou là avec le Manifeste des Extropiens de Max Moore, sont déjà à l’œuvre. Par exemple dans le dernier clip de Lady Gaga comme nous l’expliquent nos amis blogueurs et complotistes ;) des Agents Sans Secret. Jugez-en plutôt par vous même en vous concentrant sur l’intro :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Billet initialement publié sur Mon écran radar

Images CC Flickr Sasha Nilov et FORSAKENG

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Newsosaures, une espèce (presque) éteinte http://owni.fr/2011/02/16/newsosaures-une-espece-presque-eteinte/ http://owni.fr/2011/02/16/newsosaures-une-espece-presque-eteinte/#comments Wed, 16 Feb 2011 11:00:08 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=46899 Ce n’est pas un scoop, les journalistes ont tendance à déprimer en ce moment devant le clavier gris sale et l’écran blafard de leur ordinateur. Adieu reportages et longs voyages, notes de frais somptuaires, déjeuners et bouclage bien arrosés… C’est la crise coco ! On compte les crayons, il faut produire de la news en série sur “tous les écrans de votre vie” comme disait le visionnaire Jean-Marie Messier. Sans oublier de sortir le journal papier. Car ces bonnes vieilles rotatives tournent encore pour des lecteurs qui se font rares.

Les rangs sont également de plus en plus clairsemés dans les open spaces des salles de rédaction. Et ces crève la faim de pigistes sont désormais persona non grata. Alors on s’organise de manière Tayloriste en attendant l’heure des robots-journalistes. C’est le printemps, il fait beau dehors ? Ah bon. Dans les quotidiens parisiens on bronze au néon… Pas moyen de prendre le soleil au prétexte de faire un micro-trottoir ou de couvrir une manif (sait-on jamais le joli mois de Mai approche). “On pisse de la copie comme des poulets en batterie”, me disait récemment un confrère entre deux cachetons de Guronsan et de Tranxène. Mauvaise mine le confrère. Pas comme les gars de la télé… Mais enlevez leur le maquillage aux hommes troncs et aux super bimbos des chaînes d’info. Et vous verrez : c’est l’Enfer des Zombies cathodiques, comme dans un film de Romero !

La faute à qui tout ça ? “A la crise de la presse et à la concurrence des nouveaux médias numériques”, ont répondu en substance 115 confrères exerçant dans 27 pays européens dans le cadre d’une enquête menée par Burson-Marsteller. Tu parles d’une nouvelle. Et d’un échantillon représentatif…Quant au fait que ce sondage soit mené par une agence de relations publiques et bien on dira que c’est assez symptomatique…C’est vrai, la profession n’a jamais été très douée pour l’introspection et l’auto-analyse objective. C’est bien connu : les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. Mais bon regardons quand même de plus près les résultats de ce nouveau sondage Mediapocalyptique.

Plume en plastique dans plaie en carton

Alors voilà : 81 % des journalistes interrogés confirment “subir des restrictions budgétaires”.

Ah okay okay c’est pour cela qu’il n’y a plus que des Bic orange, pas de stabilo, et plus du tout de carnet de notes aux fournitures… Si ça continue on va devoir piquer des ramettes de papier A4 à l’assistante de direction. C’est ça ou les cahiers de nos mômes… Et mes abonnements à “FHM”, aux “Inrocks” et à “Sport illustrated” ils sont passés où ? Finito, Niente, Kaputt… Maintenant il faut tout justifier : une note de frais ? Avec qui ? Pourquoi ? Où ? Le secret professionnel, la protection des sources… Il ne connaît pas le mec de la compta. Résultat on ne peut plus déjeuner tranquille avec ses potes ou sa copine aux frais du journal. Dur, dur la crise. Un reportage à Las Vegas ou Tokyo ? “Mmmm pourquoi pas…c’est qui la boite qui t’invite ?”, demande benoîtement le rédacteur en chef. Oui c’est sûr, pas évident dans ces conditions de “porter la plume dans la plaie”, d’aller voir “derrière le miroir” comme disait l’autre. Mais bon à la guerre comme à la guerre : dites madame l’entreprise, on sera en business class au moins ? Il est 4 étoiles l’hôtel j’espère ?

28% des journalistes s’attendent à des réductions d’effectifs.

C’est sûr il ne fait pas un temps à mettre un journaleux dehors. C’est pourtant très tendance en ce moment. Un plan social par là, une clause de cession par ici, ou à défaut un licenciement économique sur mesure… Si même les grands quotidiens du soir sont menacés de dépôt de bilan faute de trouver 50 millions d’euros sous le paillasson, plus personne n’est à l’abri. Prenez mon pote Pedro (appelons le Pedro, il cherche du boulot). Une vingtaine d’années de carte de presse, dix ans dans un grand journal de la presse parisienne, un poste de rédac chef adjoint en presse magazine, c’est lui qui fait tourner la boutique pendant que son boss se la coule douce. Et puis un beau jour :

Dis donc Pedro tu veux venir dans mon bureau ? T’as vraiment fais du super boulot… mais là je ne vois pas bien ta place dans le futur organigramme rapport à la réorganisation du travail qui se prépare.

Exit mon poteau, sur le marché aux esclaves à 45 ans passés. Trop vieux, trop cher, trop grande gueule… trop consciencieux aussi dans son travail (la vérification à plusieurs sources, la déontologie tout ça quoi…) quand il faut pisser à la seconde de la News numérisée sur tous les écrans fixe et mobile sans se poser trop de questions. Bref, pas le genre de profil qui se vend bien en ce moment chez les forçats de l’info.

C’est sûr confirme l’enquête Burson Marsteller, 47 % des journalistes estiment qu’ils “ne peuvent plus se contenter d’être simple rédacteur”.

Fini de se la couler douce à écrire un papier aux petits oignons : 41 % des sondés confirment “être devenus des multi-spécialistes et écrire plus d’un sujet par jour”, 20 % se plaignent d’avoir moins de temps pour rédiger un article, moins de temps aussi pour explorer de nouveaux angles… Et 20 % toujours, regrettent de “devoir espacer leurs rendez-vous avec leurs sources”. Au final, 27 % des sondés estiment que “le contexte actuel nuit à la qualité de leur travail”

Bande de feignasses va ! Ce que cherchent les entreprises à produire de l’information (appelons les comme cela, ce ne sont plus des journaux), ce sont des “journalistes Shiva” (comme la divinité avec plein de bras), des mutants capables de tweeter une info en direct live, puis d’envoyer un “Exclusif” pour le site web du journal, avant de faire un “trois questions vidéo”, puis de rentrer dare-dare à la rédaction pour faire un bon papier à valeur ajoutée, avec du recul et de l’analyse dedans. Tu as enfin fini ? C’est reparti pour un tour ! A ce rythme, si tu as plus de 50 ans et que tu clopes encore, tu es bon pour un aller direct chez le cardiologue avant de passer sur le billard comme mon copain Boris (appelons le Boris il cherche peut-être encore du travail le maso). Cela tombe bien : il faut faire de la place aux djeun’s qui n’en veulent !

Blogs : la menace fantôme

Il faut dire que certains plumitifs “old school” ne se sont pas franchement mis à l’heure du grand chambardement digital, confirme le sondage Burson-Marsteller. “Pour 17 % des journalistes, les médias digitaux sont la plus grande menace qui pèsent sur les médias traditionnels”.

La pire des menaces ? “Les blogs” pour 27 % des journalistes interrogés (les cons, ils n’ont rien compris), les nouvelles technologies de recherche de l’info (Google is Evil !) pour 14 % des sondés, Facebook et Twitter pour respectivement 13 % et 10 %. Hé oh les gars réveillez vous ! Gutenberg est mort il y a bientôt 600 ans et la Loi de Moore est passée par là. L’info se dématérialise et circule sur le réseau à la vitesse de la lumière pour atterrir sur des millions d’iPhone et bientôt d’iPad. Exit les rotatives, les bouclages à pas d’heure, l’encre qui tâche les doigts et le crissement du journal à l’heure du café… C’est comme ça. D’ailleurs ça ne fait ni chaud ni froid aux jeunes confrères qui produisent de la copie online comme à l’usine. Cela tombe bien, ce sont eux qui ont le profil pour la “newsroom” digitale de demain.

Vous avez plus de 40 ans ? Vous n’êtes pas “plug and play” avec le nouveau système éditorial qui permet de mettre en ligne vos papiers sur tous les supports ? L’info en temps réel sur Twitter vous fait flipper et vous n’avez pas de blog ? Mauvaise(s) réponse(s) cher confrère : vous êtes le maillon faible ! C’est Darwinien : soit vous évoluez et vous vous adaptez à la grande mutation numérique, soit vous disparaissez avec les autres “Newsosaures” de la vieille presse.

Heureusement qu’il y a Burson-Marsteller pour vous guider sur le chemin des nouvelles espèces ! Filiale du géant de la Pub WPP, notre agence de RP prend très au sérieux son rôle “d’accompagnement” des journalistes déboussolés par le grand chambardement digital :

Dans ce contexte, les agences doivent être encore plus vigilantes pour fournir aux journalistes des infos sur mesure, des angles originaux et pertinents, ainsi que toujours plus de contenus multimédias et digitaux (…) Chez Burson-Marsteller nous mettrons tout en œuvre pour développer plus intensément notre partenariat avec les journalistes et les aider à répondre au mieux à cette nouvelle donne

peut-on lire en conclusion logique de l’enquête maison.

Pas bégueules et toujours prêts à faire plaisir, 93 % des journalistes interrogés déclarent que “leur” agence de RP “joue un rôle clé dans leur quotidien”, 47 % indiquent même avoir “intensifié leurs contacts avec les professionnels de la communication” et 18 % leurs témoignent “une confiance accrue”

Bizarre moi quand j’étais petit, on m’a appris au contraire qu’il fallait rester polis avec les pro de la com mais toujours garder respectueusement ses distances… Rien de personnel mais on ne fait pas le même métier. C’est ainsi depuis la nuit des temps journalistiques.

Avènement de l’homo numericus

Que penseraient nos amis Albert Londres et Hunter S. Thompson (des habitués de ce blog) de la tournure des évènements numériques dans les rédactions ? Que du mal bien sûr. Mais il parait que ces vieux cons appartiennent à une branche quasi-éteinte, car non rentable, de l’espèce journalistique. D’ailleurs au train où vont les choses, les derniers représentants de ce Rat Pack qui portait haut et fort les couleurs du récit et de reportage ne devraient pas survivre à l’avènement de l’homo numericus. C’est Darwinien puisqu’on vous le dit. En forçant à peine le trait, voilà ce que je lis ici ou ces derniers temps chez mes jeunes confrères “digital native” qui ont tout compris au journalisme de demain et veulent du papier (passé) faire table rase :

Arrêtez de nous emmerder avec vos vieilles histoires, le lecteur veut de la “short news” et des “data” sur tous les écrans !…

Mais dites donc, le lecteur en question serait-il devenu totalement con, incapable de faire l’effort de lire plus de deux feuillets rapport à son “temps de cerveau disponible”?  Pour ma part, je pense au contraire que la presse est en train de mourir de son manque d’exigence, d’inventivité, de parti pris et de grain de folie journalistique ! Je l’ai déjà expliqué dans ce billet en forme de plaidoyer pour le journalisme de récit et dans cet hommage au gonzo-style de Doc Thompson. Bon il est vrai que j’agite un peu le chiffon rouge avec ce genre de pronunciamento nostalgico-réac non dépourvu de mauvaise foi ;-). Mais que voulez vous, j’ai horreur du conformisme ambiant et de l’eau tiède objectiviste dans lequel baigne aujourd’hui le business de l’info… le lecteur aussi je crois.

Une chose est sûre, avec mes quelques amis dinosaures rescapés de l’ère Gutenberg, nous n’avons pas encore démissionné du clavier et nous sommes loin, très loin, d’avoir signé notre dernier papier, notre dernier billet… Et vous voulez un vrai scoop ? Le numérique ne nous fait pas du tout peur, c’est au contraire une opportunité historique de réinventer le journalisme, plein cadre ou hors cadre, avec de belles histoires, de la chair et de l’humain dedans. Ici et ailleurs, ici et maintenant !

Article initialement publié sur le blog de JC Feraud, Sur Mon Ecran Radar

Crédits photo FlickR CC : inju / GiantsFanatic / goodwines

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Ellroy et les femmes, sa “malédiction” est la nôtre http://owni.fr/2011/02/14/ellroy-et-les-femmes-sa-malediction-est-la-notre/ http://owni.fr/2011/02/14/ellroy-et-les-femmes-sa-malediction-est-la-notre/#comments Mon, 14 Feb 2011 07:30:44 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=44840

Bonsoir à vous autres pédérastes, sniffeurs de colle, punks, maquereaux, clodos et renifleurs de petites culottes ! Vous auriez pu rester chez vous pour vous adonner à vos vices habituels – le sexe, la drogue, les obsessions – mais vous êtes venus m’écouter moi qui suis né dans les sources du pêché

Lundi soir, le grand cirque Ellroy passait par Paris, tout en sexorama fiftie’s, vociférations réactionnaires et injures à caractère sexuel, moulinets de bras, ricanements et roulements d’yeux furibards. Représentation unique: “James Ellroy lu par James Ellroy”. L’immense écrivain (1m90 à la toise, 15 romans déglingués au compteur sans compter les nouvelles) était venu vendre son dernier livre, “La Malédiction Hilliker”, sous-titré “mon obsession des femmes”, devant une foule acquise et fascinée par le numéro de ce fou furieux semblant tout droit sorti d’un de ses romans de la trilogie américaine…

Il y avait donc ce James Ellroy cabotin, showman imparable, white-trash graphomaniaque…

Grand échalas de droite aux allures de colonel des Marines dément, montant sur la scène du théâtre Marigny comme on monte sur un putain de ring. Mais il y avait aussi ce petit garçon de 10 ans au regard perdu, cherchant encore sa mère assassinée à travers toutes les femmes de sa vie, plus de 50 ans après le début de la “malédiction”… qui a commencé à lire, scander son texte comme une incantation en forme d’autobiographie exorciste.

La salle médusée s’est tue, son éditeur François Guérif de Rivages a fermé les yeux comme on écoute une prière, et les deux interviewers de service, Arnaud Viviant et Eric Naulleau, ont communié avant l’épreuve (le mot n’est pas trop fort) du jeu de questions-réponses avec l’intransigeant auteur du “Dahlia Noir”, de “LA Confidential”, d’”American Tabloïd”.

Zoom arrière. Le 22 juin 1958, Geneva Hilliker Ellroy, la rouquine, est retrouvée morte, martyrisée, dans un terrain vague près du lycée d’Arroyo dans le quartier populaire d’El Monte à Los Angeles. “Evidemment c’est moi qui ait causé sa mort”, lâche le gamin de 62 ans, émouvant comme jamais. 1954, “Jean Hilliker prenait des bitures au bourbon et balançait du Brahms à plein tubes sur l’électrophone.

Armand Ellroy était abonné à des feuilles à scandale et à des magazines pornos”.

Le petit James a six ans, ses parents divorcent. James part vivre avec sa mère, femme libre, infirmière fumant clope sur clope, collectionnant les hommes mais pleine de tendresse pour son garçon…et bien sûr prend le parti de son père, qui voyeur, va espionner “Jean” derrière la fenêtre en train de faire l’amour avec un inconnu. James est fasciné par ce paternel looser, comptable minable “au sourire d’escroc” qui “avait une queue de quarante centimètres, elle dépassait de son caleçon” et prétendait avoir “trombiné” Rita Haiworth, “La Roja”…

Amoureux transi de sa mère et “petit-fils de pasteur en rut”, il est voyeur idem: “Je fais semblant de dormir. Elle sort d’un nuage de vapeur d’eau, et nue, se frotte avec une serviette. J’entrouvre à peine les paupières et je mémorise son corps pour la dix milliardième fois”. Mais il lui voue aussi cette haine inoculée par son père comme une toxine: trois jours avant l’assassinat de Geneva Hilliker, il profère la fameuse malédiction en souhaitant sa mort…

Dès lors, “le monde où je vis est celui qu’Elle m’a laissé et qu’Elle à travers elles m’a donné, assène le géant dégingandé au regard d’enfant sur la scène du théâtre Marigny.

Sorti en 1996, “Ma part d’Ombre” était une tentative désespérée pour tenter de retrouver le meurtrier de sa mère avec l’aide du flic à la retraite Bill Stoner. Il en sortira un hommage bouleversant, des retrouvailles presque apaisées avec “Jean”. Près de 15 ans plus tard, “La Malédiction Hilliker” est un numéro d’auto-analyse virtuose, égotique et obsessionnel sur l’air qui m’aime me suive, rien à foutre de ce que vous pourrez penser. Avec un seul objet: “pour que les femmes m’aiment”, écrit-il sans masque en ouverture du livre… les Femmes de sa vie, et les autres, toutes les femmes, et non plus sa mère unique et déifiée.

« Jean Hilliker aurait 95 ans aujourd’hui. La Malédiction est vieille de cinquante-deux ans. J’ai passé cinq décennies à chercher une femme pour détruire un mythe». Place à l’obsédé sexuel onaniste mais “sooo romantic”: “Je m’allonge dans le noir, je ferme les yeux et je réfléchis. Avant tout, je pense aux femmes. Assez souvent, je tremble et je sanglote. Mon coeur se gonfle au moment où des visages de femmes se fondent dans des aventures imaginaires…” Et c’est parti sur le grand huit des femmes de sa vie à un train d’enfer.

Entrée en matière avec cet extrait:

Un document témoigne de ma fixation précoce. Il est daté du 17 février 1955. Il précède de trois ans la Malédiction. C’est un tirage sur papier Kodak en noir et blanc, qui représente un terrain de jeu. Une cage à poules, deux toboggans et un bac à sable encombrent le premier plan. Je suis debout, seul, sur la gauche. J’ai l’air d’une grande perche, les cheveux en bataille. Il est évident que je suis un gamin perturbé. Quelqu’un qui ne me connaît pas me classerait tout de suite môme à problèmes qui en bave tous les jours. J’ai des yeux de fouine. Ils sont braqués sur quatre fillettes, qui forment un groupe sur la droite de l’image. La photo regorge d’enfants qui jouent allègrement avec divers objets. Mais moi, je suis recroquevillé sur moi-même, absorbé par mon examen. J’observe ces gamines avec une intensité ahurissante. A cinquante-cinq ans de distance, je vais relire mes propres pensées.

Je crois que c’est ma mère qui a pris cette photo. Un adulte impartial aurait recadré la scène pour en exclure le gamin caractériel.

Auto-flagellation bien protestante de petit blanc dingo prédestiné selon lui-même à se biturer, à se droguer, à s’introduire chez les femmes pour les reluquer et voler leurs dessous ?

C’est ainsi. Ellroy en joue aussi quand il raconte avoir commandé une paire de lunettes à rayon  X dans un “Comics” en dressant “la liste de toutes les filles de l’école et de l’église que je pourrais voir nues”. Les lunettes arrivent, vissées sur les yeux, James lorgne comme un fou sa voisine Sandy et sa mère en train de poser des guirlandes de Noël dans le jardin d’à côté. Evidemment Rien, une arnaque…grosse désillusion à l’arrivée sous le regard méprisant de  Sandy faisant tourner son doigt sur sa tempe pour dire: “il est diiiingue”.

Mais fort heureusement, il y aura cette baby-sitter allemande de 17-18 ans, “grassouillette et couverte d’acné” et “semblant tout droit sortie des Hitler Jugen” qui lui “suce la bite” à 9 ans révolus. Précoce le gamin.

Suivront donc cinq décennies d’errance (les 10 première années à boire, se défoncer, pratiquer le vol avec effraction, mater les femmes…) à poursuivre la Femme cardinale, figure centrale de son oeuvre qui feront de lui un immense écrivain, à travers toutes les femmes. A commencer par Elisabeth Short, le “Dahlia Noir”, une jeune starlette assassinée en 1947 dans des conditions atroces, projection assumée-fantasmée de Geneva Hilliker.

Homme impossible à vivre, totalement cintré, jaloux, égocentrique, partant dans des diatribes hallucinées, puis fondant en larmes comme un enfant, “Je t’aime, j’ai peur”…elles le surnomment “mad dog”. Il est de droite, fan intransigeant de Beethoven…pourquoi les choisit-il libres, gauchistes, aimant le rock, lui demande Arnaud Viviant. “J’ai l’esprit ouvert”, répond il sans rire. La vérité c’est que faute d’avoir tué le père, il les aime toujours à l’image de sa mère. Dans l’obsession amoureuse. Cela donne ce rêve éveillé avec Joan, la “déesse rouge” (encore), la femme centrale qui l’a quitté sans crier gare (on la comprend un peu) il y a quelques années:

“Je vois Joan avec des hommes étranges. Elle répète des mouvements sensuels qu’elle a inventé pour moi. Je la vois baiser avec ses anciens amants. Je la vois draguer des Noirs. Je la vois surfer sur internet à la recherche de types montés comme des bourricots…” , écrit-il dans cette langue folle que n’aurait pas renié Céline.

Mais aujourd’hui à l’issue de l’écriture de ce livre qui l’a “dévasté” dit-il, l’ado sexagénaire grimpant toujours “la Montagne de l’Amouuur” comme un dératé, le chien fou semble presque apaisé: “Voilà cinq décennies que je fais mon numéro d’enfant unique/orphelin/coureur de jupons/mari à temps partiel”…Il est temps de se poser Mec. Et voilà que James Ellroy dédicace ce quinzième roman à Erika Schickel, son actuelle compagne. “Voilà ce qui me stupéfie : j’aime Erika au-delà de toutes mes espérances”, écrit le supposé misogyne et sociopathe.

Etes-vous Misogyne ?

Aïe Arnaud Viviant a eu la mauvaise idée de lui poser la question: “C’est la question la plus stupide que j’ai entendu en trente ans de carrière”, répond l’écrivain rock star jouant à peine la colère feinte. Eric Naulleau est plus chanceux en lui demandant si d’aventure “La malédiction Hilliker” ne constituerait-elle pas l’introduction idéale à toute son oeuvre pour les novices qui ne sauraient par où commencer avec ce monstre vivant de la littérature noire : “C’est la question la plus intelligente que l’on m’a posé depuis le début de ma tournée européenne”…

La psychanalyse ? “Je vois un psychothérapeute, c’est un piètre substitut à la prière”. Haw Haw quel numéro d’acteur ! Une dernière pour la route: L’écriture ?”Depuis plus de trente ans, je recherche obstinément la perfection à travers toutes ces femmes prototypes qui m’ont mené à LA Femme”. La salle de Marigny en redemande. Mais le show Ellroy est terminé, il est temps de prendre congés: “On y va ?” lance-t-il à François Guérif, son “meilleur éditeur à travers le monde”. Une séance de signatures à la volée pour la foule des fans enamourés. Et Adios, une dernière provocation en direction de “ces enculés de français existentialistes qui adorent ce trou du cul d’Obama” et  le fou furieux se carapate.

Au menu de son séjour parisien: une discussion avec Guérif au sujet de son prochain roman, un “nouveau volet” après le quatuor Los Angeles (“Le Dahlia Noir”, “Le Grand Nulle Part”, “LA Confidential” et “White Jazz”)…La suite de la trilogie américaine (“American Tabloid”, “American Death Trip”, “Underworld USA”) attendra.

Alors c’en est vraiment fini de son obsession oedipienne des femmes, la notre, celle de tous les hommes cherchant LA Femme pour en finir avec Maman ? Faut croire: “Avec ce livre j’ai fais ma révolution du coeur, elle est en moi, elles sont toutes en moi et je vis avec”, assure James presque apaisé. Jusqu’à la prochaine fois. Car la rouquine Geneva est toujours là sur cet autel littéraire qu’un petit garçon de 10 ans inconsolable et torturé par la culpabilité lui a dressé livre après livre: “J’écris des livres pour consoler le fantôme qu’elle est devenue. Elle est omniprésente et toujours insolite. les autres femmes sont faites de chair et leur sang”. C’est bien le mot de la Fin.

Jean-Christophe Féraud

Article Initialement publié sur Mon Écran Radar

Crédit Photo Flickr CC : Mark Coggins / Tomi Kukkonen / Mao Paolis /

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Le regard Möderne de Bazooka http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/ http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/#comments Thu, 03 Feb 2011 11:16:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=45109 Jeunes gens de l’ère Numerik, saviez-vous qu’il y a plus de trente ans d’autres jeunes gens portaient un Regard résolument Möderne sur le monde ? Sans Mac, sans palette graphique ni Internet, à la colle et au ciseau, à la sérigraphie et à la ronéo, ils inventèrent un graphisme délibérément CyberPunk et Növo.

Prenant d’assaut le “Libération” baba cool des Seventie’s, le collectif Bazooka emmené par Kiki Picasso s’empara de la Une du journal pendant plusieurs semaines, multipliant les provocations Punk et Dada…

Anarchy in Libé, croix gammées et épingles dans le nez, esthétique fleurant bon la Propaganda des années 30 et le surréalisme socialiste, art de rue façon émeute white riot…Profondément marqué par le pop-art de Warhol et Roy Lichtenstein, et surtout par l’esthétique de la furia Punk déferlant d’outre-Manche, ces jeunes gens mödernes d’hier ont inspiré à leur tour toute une génération d’artistes underground des années 80 (MissTic notamment) jusqu’à aujourd’hui.

J’en parle, car leur univers visuel m’a profondément marqué ado, à la Une de “Libé” ou de “L’Echo des Savanes”, sur les affiches de concert et au Forum des Halles où trainaient toute la faune keupon du tournant des années 80. J’en parle aussi parce que d’une certaine manière, je retrouve un peu de l’esprit Bazooka chez mes jeunes amis d’Owni, où Vendredi c’est toujours Graphisme.

J’en parle enfin parce le travail de Kiki, Loulou et les autres est en vedette à la Villa Medicis de Rome dans le cadre de l’exposition “Europunk” (La culture visuelle en Europe 1976-1980). “Libé”, évidemment, y consacre un article avec ce diaporama en prime. Quelque 550 objets ont été rassemblés auprès de collectionneurs privés ou musées. Certains sont célèbres, tel le fameux portrait de la reine d’Angleterre les yeux barrés de la mention «God Save The Queen» créé par Jamie Reid pour les Sex Pistols. D’autres sont plus underground comme ces dessins, collages, fanzines et affiche de concerts réalisés par Bazooka.

“Dictature graphique”

Une de "Libé" sur la RAF (1977)

Pour autant, les graphistes destroy de Bazooka n’ont jamais vendu leur âme au veau d’or de l’Art Business. Christian Chapiron (Kiki Picasso), Jean-Louis Dupré (Loulou Picasso), Olivia Clavel (Electric Clito), Lulu Larsen, Jean Rouzeau et les autres sont tous sortis des fameux ateliers graphiques des Beaux Arts au mitan des années 70…ceux là mêmes où leurs aînés soixante-huitards avaient révolutionné une première fois l’art graphique avec leurs affiches du joli mois de mai. Après s’être fait les dents sur le fameux magazine “Actuel” de Jean-François Bizot, ils lancent dès 1975 leur Bazooka Production qui donnera naissance à une foule de fanzines bien barrés: “Bien dégagé autour des oreilles”, “Activité sexuelle normale” etc…

En 1977, c’est l’explosion Punk et nos jeunes gens mödernes deviennent carrément tendance: “Charlie”, “L’Echo des Savanes”, “Metal Hurlant”, “Hara Kiri”…tout la presse chevelue se les arrache pour se donner un coup de jeune: collages, sérigraphies, imagerie nazie ou soviétique détournées…tout est bon pour semer le chaos. Kiki Picasso parle de “dictature graphique” ! Concept poussé jusqu’au bout lorsque Serge July, toujours à l’affut des nouvelles tendances à la bonne ou mauvaise idée (c’est selon) de les contacter pour illustrer “Libé”. Choc des cultures entre ex-Maos et punks anarchisants bien décidés à foutre la merde chez les journaleux gauchos. Il en sortira quelques Une mémorables et surtout “Un Regard moderne”, un mensuel résolument novateur à tout point de vue, “Növo” comme on disait à l’époque, qui durera six mois…Las de leurs provocations, “Libération” finira par expulser les squatteurs graphiques.

La légende est née. Mais à la fin des années 70, le groupe éclate et les membres de Bazooka poursuivent chacun leur aventure individuelle, tombant un peu dans l’oubli au cours des sinistres années 80 marquées par la vulgarité clinquante de la Pub TV et des années fric. Mais en 2002, Loulou Picasso a relancé “Un Regard moderne” sur Internet et a ressuscité à sa manière le vieux collectif en l’ouvrant à Kiki Picasso et Olivia Clavel. De son coté Jean Rouzaud, qui fut exclut de Bazooka pour “conformisme”, travaille aujourd’hui à Radio Nova… On en est là.

Provocation-récupération, digestion par la société de consommation, consécration sous les ors de la République à la Villa Medicis…la boucle No Future est bouclée.

Cela mérite bien une bande-son made in 1977: “Anarchy in UK” des Sex Pistols:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et voici ce que cela donne version punk “made in France”.
“Hysterie Connective” de Metal Urbain (1978), un titre que l’on trouve précisément sur la compilation “Des Jeunes Gens Modernes” parue en 2008. Cela une bonne idée de l’ambiance musicale dans laquelle travaillaient les gens de Bazooka:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et pour conclure, voilà bien entendu une petite rétrospective en images du travail de Bazooka:

…et en bonus, cette rare apparition télé du collectif Bazooka (retrouvée par feu l’excellente émission “L’Oeil du Cyclone sur Canal +) où l’on voit Jean Rouzaud se défendre de faire de la bande dessinée (“en BD il y a des règles, pour nous il s’agit de ne surtout pas les respecter”), Lulu Larsen assurer “attendre la prochaine catastrophe aérienne pour en faire un dessin” ou encore Loulou Picasso expliquer “dessiner des images comme on en chante dans le rock”. Action !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sinon Kiki et Loulou Picasso ont toujours un blog où l’on peut voir leur travail passé et récent. Allez y faire un tour…35 ans après les débuts de Bazooka, ils sont toujours résolument Mödernes !

>> Article publié initialement Sur mon écran radar

Voir aussi l’entretien entre de Loulou Picasso et L.L. de Mars à propos de Bazooka

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http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/feed/ 15
La e-mémoire: rêve transhumaniste ou cauchemar déshumanisé? http://owni.fr/2011/01/17/la-e-memoire-reve-transhumaniste-ou-cauchemar-deshumanise/ http://owni.fr/2011/01/17/la-e-memoire-reve-transhumaniste-ou-cauchemar-deshumanise/#comments Mon, 17 Jan 2011 12:20:45 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=42747 En fondant la Bibliothèque d’Alexandrie en 288 avant JC, Alexandre le Grand nourrissait le projet fou de conserver tout le savoir de l’humanité depuis l’invention de l’écriture à Sumer et Babylone. Sous l’empire romain et au plus haut de sa gloire, cette merveille de l’Antiquité compta jusqu’à 700.000 volumes sur papyrus et parchemins…avant d’être détruite et pillée par les disciples chrétiens du dernier des Ptolémée en l’an 642 comme le raconte le récent peplum Agora. Les savants et philosophes furent expulsés et toute cette mémoire partit en fumée, plongeant le monde dans l’éclipse intellectuelle et scientifique du bas moyen-âge. A l’époque nulle copie de sauvegarde n’était disponible…

Mais quinze siècles plus tard, le saut technologique quantique permis par la révolution numérique rendrait presque palpable le rêve de garder pour l’éternité la mémoire de chaque être humain né sur cette Terre !

L’homme est poussière et retournera à la poussière, mais ses souvenirs resteront gravés sur silicium dans une quête si humaine d’éternité. Les pharaons et Alexandre en rêvaient…Microsoft va le faire.

C’est en tous cas le projet fou de Gordon Bell, un chercheur vétéran de la firme qui a entrepris en 1998 de numériser tous ses écrits, puis d’archiver sur disque dur chaque jour de sa vie en photographiant, scannant, enregistrant méthodiquement tout ce qu’il voyait, mangeait, lisait ou ressentait. Baptisé MyLifeBits (Mes bouts de vie), cette vaine tentative de se constituer une e-mémoire est devenue un livre, qui vient de sortir en France chez Flammarion sous le titre Total Recall. Une allusion bien sûr au film de Paul Verhoeven adapté d’une nouvelle du grand Philip K.Dick (We can remember it for you wholesale).

Sauf que dans le film, la société Rekall vend des faux souvenirs qu’elle implante dans la mémoire de ses clients. Alors que Gordon Bell et son assistant Jim Gemmell prétendent vous aider à vous constituer votre propre mémoire électronique avec un véritable manuel : « imaginez que vous ayez accès, d’un simple clic, à toutes les informations reçues au cours de votre vie », résume l’incontournable Bill Gates qui préface le livre.

Se souvenir jusqu’à ne plus pouvoir vivre

Mais avant d’en arriver là, il vous faudra donc :

1. vous équiper du matos nécessaire (ordinateur, scanner, smartphone faisant appareil-photo-vidéo-GPS…)
2. numériser et sauvegarder maniaquement toutes vos archives personnelles (carnets d’adresse, documents administratifs, photographies, livres lus, musiques écoutées, mails échangés etc…)
3. vous convertir (ainsi que vos proches, votre employeur etc…) au « lifelogging », à savoir l’enregistrement en continu de votre quotidien sous forme de photos, fichiers audio, vidéos, parcours GPS…)
4. Et ce n’est pas le moins fastidieux, organiser soigneusement votre « e-mémoire » en classant le tout suivant une arborescence chronologique parfaite.

Explication rapide dans cette vidéo promotionnelle made in Microsoft:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Oui, imaginez un truc de dingues qui vous empêche finalement de vivre votre vie, de goûter l’instant présent, de savourer le fragile instant de bonheur d’une caresse de soleil sur le visage au premier jour du printemps car vous serez trop occupés à shooter les premiers bourgeons sur les arbres, ces gosses qui jouent devant vous, cette grappe de jeunes filles en fleur, tout en parlant tout seul pour noter-enregistrer vos impressions ! Qui n’a pas expérimenté l’impression de passer à côté de l’instant à force de trop vouloir le capturer en photo ou vidéo ?

Bien sûr Gordon Bell nous promet pour bientôt une automatisation de ce fastidieux processus de sauvegarde mémorielle à force de mini-caméra incorporée aux vêtements, de GPS intégré à votre terminal portable préféré permettant de restituer fidèlement vos impressions et vos sentiments, de retracer vos moindres pas.

Mais au fait à quoi rime tout cela ? Que fera-t-on vraiment de cette masse de souvenirs numérisés ? L’auteur avoue avoir stocké 261 gigaoctets sur son unité centrale, plus une centaine d’autres gigaoctects sur des serveurs extérieurs…Plus qu’il n’en aurait fallu pour sauver la bibliothèque d’Alexandrie consacré à un seul homme, si brillant soit-il ? N’est-ce pas un peu vain et pathétique ? Sauf à en faire un happening artistique et politique comme Hasan Elahi, qui soupçonné à tort d’activités terroristes aux etats-Unis, a décidé d’enregistrer sa vie en life-logging. Un geste militant en forme de pied de nez à la surveillance dont il est l’objet. A lire ici sur OWNI.

La numérisation : abolition du choix ?

Et un souvenir numérique vaut-il vraiment un vrai souvenir palpable ? La sensation d’un joli galet rond roulant dans votre main en souvenir d’un weekend en amoureux avec la femme de votre vie… est-ce que cela peut-être digitalisé ? Est-ce que cela tient sur une clé USB ? Et puis comment gérer cette fantastique masse de données sans l’oublier…ou devenir fou de nostalgie, obsédé par le passé, incapable de vivre dans l’instant présent ?

Dans une récente critique consacrée à ce livre Total Recall, Le Monde évoquait la nouvelle de Borgès “Funes ou la mémoire”: ou comment un jeune homme acquiert par accident le don de mémoire totale et en perd la raison, incapable de penser et vivre sa vie au présent tout en gérant ses souvenirs infinis…

Alors faire œuvre de mémoire oui, bien sûr. Mais pas de manière industrielle, robotisée, déshumanisée…Dans ce récent billet, Autant en emporte nos images, je disais ma nostalgie de la photo argentique qui obligeait à choisir minutieusement l’instant, la pose, l’exposition, la vitesse d’obturation pour faire LE cliché souvenir qui vous fera sourire encore dans 20 ans: « nous prenions des clichés pour garder le souvenir d’une bulle spatio-temporelle de bonheur, laisser un témoignage de nos fragiles existences, transmettre la mémoire familiale, témoigner de l’histoire en train de se faire…bref sourire à la vie et dire merde à la mort… ».

Aujourd’hui ce n’est plus pareil, ça change, ça change comme chantait Boris Vian dans la Complainte du Progrès :

Prendre non pas une, mais dix mais cent photos sans y penser. Les transmettre en quelques secondes d’un appareil numérique ou d’un smartphone sur l’écran d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un téléviseur. Faire défiler paresseusement des centaines de clichés, stockées sur son PC, cocher ce qui nous plait, retoucher le cliché comme un chirurgien photoshop de l’image, diffuser une beuverie d’un soir ou un souvenir de vacances sur le réseau d’un clic et l’oublier immédiatement…

Pardon je m’autocite encore.

Le risque d’une e-surveillance consentie

Mais tout à son scientisme geek béat, Gordon Bell balaye, zappe presque toutes ces interrogations :

Total Recall va bouleverser le fait même d’être humain. A terme, l’avènement de ce programme constituera pour la prochaine génération un changement aussi important que l’ère numérique l’a été pour la notre.

Et nous revoilà partis dans le délire flippant de la « transhumanité » cher à Google, le meilleur ennemi de Microsoft…il n’y a pas de hasard. « Ce que nous essayons de faire c’est de construire une humanité augmentée, nous construisons des machines pour aider les gens à faire mieux les choses qu’ils n’arrivent pas à faire bien (…) Google veut-être le troisième hémisphère de votre cerveau », prophétisait récemment le patron de la Firme, Eric Schmidt. J’en parlais dans ce billet.

Pire l’auteur, qui dit avoir eu l’idée de MyLifeBits pour se « débarasser totalement du papier », élude carrément la question centrale de la possibilité d’une e-surveillance de nos vies numérisées par l’Etat et ses pseudopodes policiers arpenteurs du Net: « Comment ne pas craindre, par exemple, que le gouvernement nous espionne par le biais de nos e-souvenirs ? », se demande-t-il benoîtement. Comment en effet ne pas craindre d’être fliqué jusque dans notre intimité mémorielle quand déjà les caméras de surveillance scrutent nos villes et nos vies comme autant d’yeux inquisiteurs (voir la carte des 1300 nouvelles caméras prévues en 2011 à Paris sur OWNI?

Et bien Gordon Bell et son co-auteur Jim Gemmel ne craignent pas Big Brother et son Brave New World. Normal, ils travaillent pour Microsoft. Ils nous promettent la main sur le coeur un Little Brother qui serait chacun d’entre nous:

La face démocratique d’une société de surveillance globale dans laquelle les moyens d’enregistrement, au lieu d’être aux mains d’une autorité centrale unique, sont partagés entre des millions d’individus.

Tu parles Charles, moi je préfère garder mes souvenirs pour moi. Et si possible sous forme de vraies choses analogiques: une photo prise à Paros dans les Cyclades un été 1990 où le bleu Klein de l’azur claque sur la blancheur des maisons chaulées; le galet rond d’Etretat dont je vous parlais plut haut; un brin de lavande cueilli un jour en montagne par ma fille aînée; une mèche des cheveux blonds de sa cadette; un instant à deux rayonnant de lumière sur le toit de la maison Gaudi à Barcelone…et tant d’autres choses palpables, exhalant un parfum de douce nostalgie, un moment de bonheur, de grâce ou d’amour que jamais la numérisation ne pourra exprimer autrement que par une pâle copie fantôme.

“Après votre mort, le corpus d’informations ainsi constitué permettra même la création d’un « vous » virtuel. Vos souvenirs numériques et les traits de votre personnalité, sous forme fossilisée, formeront un avatar avec lequel les générations futures pourront converser”, fantasment les auteurs.

Ou comment accéder au désir si humain d’immortalité, le vieux rêve d’Alexandre et de Pharaon, la boucle est bouclée. Pour ma part, je ne sais si j’ai envie de finir sous forme d’hologramme 3D, radotant méthodiquement ma vie fossilisée dans un cimetière numérique. Je préfèrerais je crois laisser des choses de moi comme un jeu de piste, des écrits, des photos, des vidéos façon puzzle. A exhumer patiemment, sûrement pas en un clic. Si cela intéresse l’un de mes descendants ou quelqu’un d’autre. Et si demain surtout, on a encore la patience de donner le temps au temps des souvenirs…

Billet publié originalement sur le blog Sur mon écran radar sous le titre “Total Recall”, votre vie numérisée pour l’éternité ?

Photos FlickR CC : Amy Halverson ; Jurvetson ; Tony Hall.

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Les Ramones, l’analogique par excellence http://owni.fr/2011/01/13/les-ramones-l-analogique-par-excellence/ http://owni.fr/2011/01/13/les-ramones-l-analogique-par-excellence/#comments Thu, 13 Jan 2011 07:41:54 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=42183 Retrouvez cet article et bien d’autres, sur OWNImusic.

“Hey Ho Let’s Go !”…

Bientôt trente ans que leurs trois accords primitifs et supersoniques ont cueilli comme un uppercut le jeune keupon dingo que j’étais. Et le “One two three four” séminal qui lançait invariablement la machine sonique infernale des Ramones me donne toujours autant envie de pogoter comme un crétin… à 44 ans sonnés haw haw

Drôle de manière de commencer l’an 2011 que de vous parler d’un groupe fondé voilà plus de 35 ans, séparé il y a pile poil 15 ans et dont les membres fondateurs Dee Dee, Joey et Johnny sont tous trois occupés à descendre des bières au Paradis des punk-rockers.

Joey (de son vrai nom Jeffrey Hyman), le chanteur moins demeuré qu’il ne paraissait, s’est fait bouffer par un méchant crabe en 2001. Dee Dee (Douglas Colvin), bassiste et authentique voyou, a été retrouvé tout bleu une piquouze dans le bras en 2002 après une énième détox ratée. Johnny (John Cummings), le guitariste qui jouait plus vite que son ombre, a rejoint ses deux faux-frères en 2004, cancer bis repetita. Seul survivant de la formation originale, le quatrième Ramone, Tommy, qui tapait sur ses fûts comme un bûcheron a quitté le groupe dès 1978 (et poursuit aujourd’hui une paisible carrière de producteur de country… bluegrass). Une vraie série noire qui signait la fin d’une époque No Future.

Mais que viennent donc faire ces loosers proto-punks magnifiques sur ce blog en forme de “Chroniques du Big Bang Numérique”. Pas très raccord avec cette deuxième décennie de XXIème siècle. Plus analogiques que les Ramones ? Tu meurs ! Aucune accroche d’actu, les faux frères (pour les mal-comprenants Ramone était un pseudo-patronyme ;) ne risquent pas de se reformer… sauf dans un foutu film de Zombies de Romero. Et leur musique ? Préhistorique. Limités techniquement l’improbable quatuor a fait de cette faiblesse une force: renouer avec le rock primal des origines en le boostant au surf-garage et au doo-wop des sixties. Leurs morceaux c’étaient en général trois accords bègues joués à la vitesse de la lumière, guitare et basse omni-présente formant un mur du son à faire pleurer Phil Spector (qui les menaça d’une arme sur un enregistrement). Et cette voix de retardé “gabba gabba hey” irrésistible… Oh Joey. L’ensemble donnait une envie irrésistible de sauter en l’air en bousculant ses petits camarades et en souriant comme un abruti (pour les jeunes cette figure de danse s’appelle un Pogo.

Ils ont inventé le mot “Punk”

Un bon Ramones se déguste sur galette vinyle avec le son crade et les craquements vintage de rigueur. Oubliez ces saloperies de lecteurs MP3 totalement apocryphes. Ils ne restituent qu’une scie musicale métallique et froide là où la musique doit être brute, baignant dans son jus de l’époque. Bref moins numériques que les Ramones tu meurs aussi ! Ce groupe de prolos du Queens new-yorkais biberonné aux Stooges d’Iggy Pop et aux Beatles (si si) a juste INVENTE le mot Punk (“vauriens”) et l’attitude rien à foutre de rien qui va avec.

Et ce en trois albums fondateurs sortis à un rythme de mitraillette: The Ramones (1976), “The Ramones Leave Home” (1977) et “Rocket to Russia” (1977). Et une série de concerts immémoriels au fameux club CBGB où ils cotoyaient Patti Smith, Richard Hell et ses Voïvoids, j’en passe et des meilleurs. Sans leur furia new-yorkaise pas d’explosion Anarchy in the UK à Londres, pas de Sex Pistols ni de Clash. Et putain quel look…inimitable et tant imité. Un sacré leg à la mode des années 2000: jean’s slims troués, basquettes converse pourries, cuirs noirs et coupes au bol dans les yeux. On trouve même aujourd’hui des T-shirt portant l’aigle des Ramones chez H&M ou Uniqlo. De la marge underground à la récupération mainstream…cela faisait quelques royalties en plus pour ces vieux punk qui ne furent jamais des millionnaires engraissés par le rock business.

La nostalgie camarade

Les Ramones c’était la famille Pierrafeu jouant tête baissée de la Fender avec une massue, frange grasse dans les yeux. Foin d’échantillonnage et de réédition remastérisé qui tiennent avec ces quatre fous furieux de l’ère proto-digitale.
Alors comment expliquer cet étrange rétropédalage régressif au moment où tout blogueur un peu sérieux dégaine sa prophétie digitale annuelle, après le marronnier internet rétrospectif de rigueur. Et bien l’envie, la fulgurance irrépressible, la liberté du blogueur justement. Mon confrère blog-star Guy Birenbaum et quelques autres compères générationnels comme l’érudit KMS m’ont récemment encouragé sur Twitter dans ce projet de billet.

Bon c’est sûr, ce n’est pas avec ces grands échalas venus d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître que je vais faire de l’audience…

Mais “I don’t Care, I donnn’t Caaare” comme le chantait Joey. Que veux-tu, la nostalgie ça ne se monnaie pas camarade. Elle m’a chopé, la garce, à la faveur d’un cadeau d’avant Noël offert par mon frangin Fred, qui tout en me traitant de sale Geek, sait bien mon vieux penchant pour le rock paléolithique. Le bougre. Je déballe le papier kdo, et merde, je lis sur la jaquette du livre: “Mort aux Ramones” signé Dee Dee, le dit Ramone shooté fièrement (si j’ose dire) sur scène sa FenderPrecision en bandoulière. Et là tout me revient. La troisième, le lycée, mes quatre lads Sylvain, Cédric, Jérôme et Marc, la fièvre keupon du samedi soir… version petits-bourgeois se la jouant destroy (moins un cinquième Punk au premier degré, Pascal, qui lui a fait une OD en vrai). Mais l’amour de cette musique en forme de shoot d’énergie pure était 100 % sincère.

A quinze ans on a tous pris le Punk-Rock des Ramones et des Pistols comme une putain de Li-bé-ra-tion. A l’époque, trois chaînes télé qui se battent en duel (heureusement il y avait “Les Enfants du Rock” de Philippe Manoeuvre qui préface évidemment le bouquin de Dee Dee), pas encore de radio libre (heureusement il y avait Radio 7 concédée par Giscard pour faire patienter les jeunes), et bien sûr pas d’internet, de smartphones et de réseaux sociaux pour s’épancher, délirer et échanger avec ses amis boutonneux. Le téléphone, vraiment fixe pour le coup, était sous bonne garde parentale là haut dans l’entrée. Alors on se retrouvait #IRL à chaque fois que l’on pouvait pour écouter cette incroyable musique. Le “One, two, three, four” lancé par Dee Dee c’était quelque chose qui vous faisait vous sentir libre et vivant et vous donnait envie de tout exploser. Destroy vraiment pour le coup. Écoutez plutôt:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Victor Hugo Punk

Quelle claque isn’t it ? Mais revenons au livre de Dee Dee: “L’un des trois meilleurs bouquins rock de tous les temps” assène le préfacier de rigueur Philippe Manoeuvre. Et en plus traduit par Virginie “Baise Moi” Despentes, la seule plume made in France capable de restituer la fureur et l’obscénité d’une vie de Ramone. Un bouquin en forme de testament sorti en 2001 juste avant l’ultime bad trip de l’auteur (et en 2003 en France au Diable Vauvert) qui renvoie dans sa sincérité et pour la poésie de la rue au tout récent et très beau “Just Kids” de Patti Smith… hum Rimbaud en moins. Quoique. Le livre de Dee Dee débute lui aussi au fameux Chelsea Hotel, “ce que j’ai pu me défoncer dans cet hôtel, et aujourd’hui je suis là pour décrocher”, écrit le Ramone. Et d’envoyer, philosophe, cette phrase définitive comme s’il sentait la grande faucheuse venir :

Si jamais il existe une quelconque logique dans cette vie, alors je voudrais beaucoup la connaître.

Recoller les morceaux de sa pauvre vie en miettes, “renvoyer en enfers tous les souvenirs merdiques“, mais aussi entretenir la mémoire des Ramones et faire oeuvre de transmission avant de passer l’arme à gauche… Dee Dee le fait tout seul comme un grand, dès le début du livre, en pourchassant une libellule dans sa chambre qui devient le dragon imaginaire des femmes de sa vie. Celui de sa mère alcoolique qui était du genre à le poursuivre avec une batte de baseball (d’où la chanson “Beat on the Brat”, bastonne le morveux).

Et celui de sa petite amie mauvais génie Connie bien sûr, qui, était du genre à vouloir l’égorger avec un tesson de bouteille avant de lui dire “Va te faire enculer” en guise de bonne nuit. “C’était en 1974, ou en 1975. Connie était go-go danseuse, j’étais un Ramone. On était tous les deux des junkies”

“Mort aux Ramones” commence ainsi, passe par la prostitution pour la came, les bas-fonds de New-York façon Selby, avant le salut en forme de punk-band, les concerts, les disques, les tournées… le mépris des puristes du rock boursouflé et l’enthousiasme des Kids jusqu’à aujourd’hui qui allaient faire des Ramones une légende toujours vivante du rock’n roll. Je n’en suis qu’aux premières pages du livre alors je m’arrête là et je reviendrai ici pour vous rendre ma fiche de lecture une fois l’objet digéré.

Mais voilà ce qu’en dit Philippe Manoeuvre:

Une superbe tentative de Victor Hugo Punk (…) du Jules Vallès branché 220 volts (…) un livre à l’image de son rock: décapé, désossé, drit au but, phrases de quinze mots aussi courtes que définitives, pas moyen de reprendre son souffle avant la conclusion vicieuse du petit chapitre, tout est restitué en direct, baffes, lignes, shoots, marques d’amplis et accidents de bagnole…une vie.

Ca donne foutrement envie de lire n’est-ce pas ? Dee Dee était un voleur, un toxico, un bagarreur capable de rédécorer votre appart à coup de batte pour un mot de travers. Mais c’était aussi une belle gueule et un gentil garçon. Derrière sa basse il était aussi le compositeur des principaux tubes des Ramones, un peu éclipsé par la voix du géant myope édenté Joey. Voilà en sa mémoire “I wanna be a good boy”. Il aura essayé toute sa vie…sans succès:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les Ramones vous font penser à des personnages de cartoon ? Bingo. Voilà en bonus leur apparition dans un épisode des “Simpsons”. Plus crétins que nature dans une reprise de “Happy Birthday”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et en deuxième bonus, je ne resiste pas au plaisir de vous offrir cet hommage de l’ex-Pixies Franck Black: “I heard Ramona Sing”…Une chanson dans laquelle il explique que les Ramones ont changé sa vie, “I heard Ramona Sing, and I heard everything, the speed they’re travelling…”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voilà bonnes gens c’était un fragment d’histoire des Ramones, une nouvelle réminiscence de l’ère analogique que j’avais envie de partager avec vous pour tirer un pont entre hier et aujourd’hui. Un pur moment de bruit et de fureur comme on n’en fait plus à l’heure du marketing musical standardisé et de la dématérialisation du rock et de ses poussières d’étoiles passées. Comme l’écrit Philippe Manoeuvre, l’industrie musicale, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, peut dormir tranquille sur ses lauriers fanés:

Qu’on se rassure: dans le rock du troisième millénaire, on ne verra plus trop de voyous comme ce monsieur Dee Dee Ramone.

Belle épitaphe No Future que je fais mienne pour conclure ce billet. Sur sa pierre tombale, Dee Dee a fait plus sobre: “OK…I got to go now” (merci à l’incollable Ulrich pour cette chute encore plus rock’n roll).

*Pour en savoir plus sur les Ramones et leur discographie voir cet article très complet de Wikipedia et le site officiel post-mortem du groupe : Ramones World.

Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

Illustrations CC FlickR Affendaddy, Michael Markos

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Plus analogique que les Ramones? Tu meurs! http://owni.fr/2011/01/09/plus-analogique-que-les-ramones-tu-meurs/ http://owni.fr/2011/01/09/plus-analogique-que-les-ramones-tu-meurs/#comments Sun, 09 Jan 2011 14:00:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=29444

“Hey Ho Let’s Go !”…

Bientôt trente ans que leurs trois accords primitifs et supersoniques ont cueilli comme un uppercut le jeune keupon dingo que j’étais. Et le “One two three four” séminal qui lançait invariablement la machine sonique infernale des Ramones me donne toujours autant envie de pogoter comme un crétin… à 44 ans sonnés haw haw :D

Drôle de manière de commencer l’an 2011 que de vous parler d’un groupe fondé voilà plus de 35 ans, séparé il y a pile poil 15 ans et dont les membres fondateurs Dee Dee, Joey et Johnny sont tous trois occupés à descendre des bières au Paradis des punk-rockers.

Joey (de son vrai nom Jeffrey Hyman), le chanteur moins demeuré qu’il ne paraissait, s’est fait bouffer par un méchant crabe en 2001. Dee Dee (Douglas Colvin), bassiste et authentique voyou, a été retrouvé tout bleu une piquouze dans le bras en 2002 après une énième détox ratée. Johnny (John Cummings), le guitariste qui jouait plus vite que son ombre, a rejoint ses deux faux-frères en 2004, cancer bis repetita. Seul survivant de la formation originale, le quatrième Ramone, Tommy, qui tapait sur ses fûts comme un bûcheron a quitté le groupe dès 1978 (et poursuit aujourd’hui une paisible carrière de producteur de country… bluegrass). Une vraie série noire qui signait la fin d’une époque No Future.

Mais que viennent donc faire ces loosers proto-punks magnifiques sur ce blog en forme de “Chroniques du Big Bang Numérique”. Pas très raccord avec cette deuxième décennie de XXIème siècle. Plus analogiques que les Ramones ? Tu meurs ! Aucune accroche d’actu, les faux frères (pour les mal-comprenants Ramone était un pseudo-patronyme ;) ne risquent pas de se reformer… sauf dans un foutu film de Zombies de Romero. Et leur musique ? Préhistorique. Limités techniquement l’improbable quatuor a fait de cette faiblesse une force: renouer avec le rock primal des origines en le boostant au surf-garage et au doo-wop des sixties. Leurs morceaux c’étaient en général trois accords bègues joués à la vitesse de la lumière, guitare et basse omni-présente formant un mur du son à faire pleurer Phil Spector (qui les menaça d’une arme sur un enregistrement). Et cette voix de retardé “gabba gabba hey” irrésistible… Oh Joey. L’ensemble donnait une envie irrésistible de sauter en l’air en bousculant ses petits camarades et en souriant comme un abruti (pour les jeunes cette figure de danse s’appelle un Pogo;).

Ils ont inventé le mot “Punk”

Un bon Ramones se déguste sur galette vinyle avec le son crade et les craquements vintage de rigueur. Oubliez ces saloperies de lecteurs MP3 totalement apocryphes. Ils ne restituent qu’une scie musicale métallique et froide là où la musique doit être brute, baignant dans son jus de l’époque. Bref moins numériques que les Ramones tu meurs aussi ! Ce groupe de prolos du Queens new-yorkais biberonné aux Stooges d’Iggy Pop et aux Beatles (si si) a juste INVENTE le mot Punk (“vauriens”) et l’attitude rien à foutre de rien qui va avec.

Et ce en trois albums fondateurs sortis à un rythme de mitraillette: The Ramones (1976), “The Ramones Leave Home” (1977) et “Rocket to Russia” (1977). Et une série de concerts immémoriels au fameux club CBGB où ils cotoyaient Patti Smith, Richard Hell et ses Voïvoids, j’en passe et des meilleurs. Sans leur furia new-yorkaise pas d’explosion Anarchy in the UK à Londres, pas de Sex Pistols ni de Clash. Et putain quel look…inimitable et tant imité. Un sacré leg à la mode des années 2000: jean’s slims troués, basquettes converse pourries, cuirs noirs et coupes au bol dans les yeux. On trouve même aujourd’hui des T-shirt portant l’aigle des Ramones chez H&M ou Uniqlo. De la marge underground à la récupération mainstream…cela faisait quelques royalties en plus pour ces vieux punk qui ne furent jamais des millionnaires engraissés par le rock business.

La nostalgie camarade

Les Ramones c’était la famille Pierrafeu jouant tête baissée de la Fender avec une massue, frange grasse dans les yeux. Foin d’échantillonnage et de réédition remastérisé qui tiennent avec ces quatre fous furieux de l’ère proto-digitale.
Alors comment expliquer cet étrange rétropédalage régressif au moment où tout blogueur un peu sérieux dégaine sa prophétie digitale annuelle, après le marronnier internet rétrospectif de rigueur. Et bien l’envie, la fulgurance irrépressible, la liberté du blogueur justement. Mon confrère blog-star Guy Birenbaum et quelques autres compères générationnels comme l’érudit KMS m’ont récemment encouragé sur Twitter dans ce projet de billet.

Bon c’est sûr, ce n’est pas avec ces grands échalas venus d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître que je vais faire de l’audience…

Mais “I don’t Care, I donnn’t Caaare” comme le chantait Joey. Que veux-tu, la nostalgie ça ne se monnaie pas camarade. Elle m’a chopé, la garce, à la faveur d’un cadeau d’avant Noël offert par mon frangin Fred, qui tout en me traitant de sale Geek, sait bien mon vieux penchant pour le rock paléolithique. Le bougre. Je déballe le papier kdo, et merde, je lis sur la jaquette du livre: “Mort aux Ramones” signé Dee Dee, le dit Ramone shooté fièrement (si j’ose dire) sur scène sa FenderPrecision en bandoulière. Et là tout me revient. La troisième, le lycée, mes quatre lads Sylvain, Cédric, Jérôme et Marc, la fièvre keupon du samedi soir… version petits-bourgeois se la jouant destroy (moins un cinquième Punk au premier degré, Pascal, qui lui a fait une OD en vrai). Mais l’amour de cette musique en forme de shoot d’énergie pure était 100 % sincère.

A quinze ans on a tous pris le Punk-Rock des Ramones et des Pistols comme une putain de Li-bé-ra-tion. A l’époque, trois chaînes télé qui se battent en duel (heureusement il y avait “Les Enfants du Rock” de Philippe Manoeuvre qui préface évidemment le bouquin de Dee Dee), pas encore de radio libre (heureusement il y avait Radio 7 concédée par Giscard pour faire patienter les jeunes), et bien sûr pas d’internet, de smartphones et de réseaux sociaux pour s’épancher, délirer et échanger avec ses amis boutonneux. Le téléphone, vraiment fixe pour le coup, était sous bonne garde parentale là haut dans l’entrée. Alors on se retrouvait #IRL à chaque fois que l’on pouvait pour écouter cette incroyable musique. Le “One, two, three, four” lancé par Dee Dee c’était quelque chose qui vous faisait vous sentir libre et vivant et vous donnait envie de tout exploser. Destroy vraiment pour le coup. Écoutez plutôt:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Victor Hugo Punk

Dee Dee Ramone

Quelle claque isn’t it ? Mais revenons au livre de Dee Dee: “L’un des trois meilleurs bouquins rock de tous les temps” assène le préfacier de rigueur Philippe Manoeuvre. Et en plus traduit par Virginie “Baise Moi” Despentes, la seule plume made in France capable de restituer la fureur et l’obscénité d’une vie de Ramone. Un bouquin en forme de testament sorti en 2001 juste avant l’ultime bad trip de l’auteur (et en 2003 en France au Diable Vauvert) qui renvoie dans sa sincérité et pour la poésie de la rue au tout récent et très beau “Just Kids” de Patti Smith… hum Rimbaud en moins. Quoique. Le livre de Dee Dee débute lui aussi au fameux Chelsea Hotel, “ce que j’ai pu me défoncer dans cet hôtel, et aujourd’hui je suis là pour décrocher”, écrit le Ramone. Et d’envoyer, philosophe, cette phrase définitive comme s’il sentait la grande faucheuse venir :

Si jamais il existe une quelconque logique dans cette vie, alors je voudrais beaucoup la connaître.

Recoller les morceaux de sa pauvre vie en miettes, “renvoyer en enfers tous les souvenirs merdiques“, mais aussi entretenir la mémoire des Ramones et faire oeuvre de transmission avant de passer l’arme à gauche… Dee Dee le fait tout seul comme un grand, dès le début du livre, en pourchassant une libellule dans sa chambre qui devient le dragon imaginaire des femmes de sa vie. Celui de sa mère alcoolique qui était du genre à le poursuivre avec une batte de baseball (d’où la chanson “Beat on the Brat”, bastonne le morveux).

Et celui de sa petite amie mauvais génie Connie bien sûr, qui, était du genre à vouloir l’égorger avec un tesson de bouteille avant de lui dire “Va te faire enculer” en guise de bonne nuit. “C’était en 1974, ou en 1975. Connie était go-go danseuse, j’étais un Ramone. On était tous les deux des junkies”

“Mort aux Ramones” commence ainsi, passe par la prostitution pour la came, les bas-fonds de New-York façon Selby, avant le salut en forme de punk-band, les concerts, les disques, les tournées… le mépris des puristes du rock boursouflé et l’enthousiasme des Kids jusqu’à aujourd’hui qui allaient faire des Ramones une légende toujours vivante du rock’n roll. Je n’en suis qu’aux premières pages du livre alors je m’arrête là et je reviendrai ici pour vous rendre ma fiche de lecture une fois l’objet digéré.

Mais voilà ce qu’en dit Philippe Manoeuvre:

Une superbe tentative de Victor Hugo Punk (…) du Jules Vallès branché 220 volts (…) un livre à l’image de son rock: décapé, désossé, drit au but, phrases de quinze mots aussi courtes que définitives, pas moyen de reprendre son souffle avant la conclusion vicieuse du petit chapitre, tout est restitué en direct, baffes, lignes, shoots, marques d’amplis et accidents de bagnole…une vie.

Ca donne foutrement envie de lire n’est-ce pas ? Dee Dee était un voleur, un toxico, un bagarreur capable de rédécorer votre appart à coup de batte pour un mot de travers. Mais c’était aussi une belle gueule et un gentil garçon. Derrière sa basse il était aussi le compositeur des principaux tubes des Ramones, un peu éclipsé par la voix du géant myope édenté Joey. Voilà en sa mémoire “I wanna be a good boy”. Il aura essayé toute sa vie…sans succès:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les Ramones vous font penser à des personnages de cartoon ? Bingo. Voilà en bonus leur apparition dans un épisode des “Simpsons”. Plus crétins que nature dans une reprise de “Happy Birthday”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et en deuxième bonus, je ne resiste pas au plaisir de vous offrir cet hommage de l’ex-Pixies Franck Black: “I heard Ramona Sing”…Une chanson dans laquelle il explique que les Ramones ont changé sa vie, “I heard Ramona Sing, and I heard everything, the speed they’re travelling…”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voilà bonnes gens c’était un fragment d’histoire des Ramones, une nouvelle réminiscence de l’ère analogique que j’avais envie de partager avec vous pour tirer un pont entre hier et aujourd’hui. Un pur moment de bruit et de fureur comme on n’en fait plus à l’heure du marketing musical standardisé et de la dématérialisation du rock et de ses poussières d’étoiles passées. Comme l’écrit Philippe Manoeuvre, l’industrie musicale, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, peut dormir tranquille sur ses lauriers fanés:

Qu’on se rassure: dans le rock du troisième millénaire, on ne verra plus trop de voyous comme ce monsieur Dee Dee Ramone.

Belle épitaphe No Future que je fais mienne pour conclure ce billet. Sur sa pierre tombale, Dee Dee a fait plus sobre: “OK…I got to go now” (merci à l’incollable Ulrich pour cette chute encore plus rock’n roll).

*Pour en savoir plus sur les Ramones et leur discographie voir cet article très complet de Wikipedia et le site officiel post-mortem du groupe : Ramones World.

Article initialement publié sur “Sur mon écran radar”

Illustrations CC FlickR Affendaddy, Michael Markos

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