OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La Suède, première “puissance musicale” du monde http://owni.fr/2011/05/29/la-suede-premiere-%e2%80%9cpuissance-musicale%e2%80%9d-du-monde/ http://owni.fr/2011/05/29/la-suede-premiere-%e2%80%9cpuissance-musicale%e2%80%9d-du-monde/#comments Sun, 29 May 2011 10:29:36 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=64832 Article initialement publié sur OWNImusic. Retrouvez le dossier dans sa totalité sur 60ème parallèle, un blog créé pour l’occasion.

En 1996, un chercheur suédois montrait [en] que la Suède était, juste derrière les États-Unis et la Grande-Bretagne, le troisième plus grand exportateur de musique du monde. L’année dernière, deux jeunes chercheurs américains se sont à nouveau penchés sur la question. Méthodologie différente, mais constat similaire [en] : rapportées à son PIB, les exportations musicales du pays font de la Suède la première “puissance musicale” du monde.

En 2010, un Suédois devenait [en] le premier compositeur à surpasser les mythiques Beatles, en plaçant simultanément quatre de ses chansons dans le top 100 du Billboard américain.

Depuis une petite dizaine d’années, des musiciens comme The Radio Dept, The Hives, Peter Bjorn & John, Lykke Li ou autre The Knife s’attirent les louanges tant de la presse musicale spécialisée que des blogs, et enchaînent de gigantesques tournées asiatiques, nord-américaines et européennes.

En 2002 naissait The Pirate Bay, site suédois de partage de fichiers “torrent”, devenu depuis la bête noire de tout ce que le monde compte de majors du disque. Quatre ans plus tard, c’était au tour de Spotify de voir le jour. Cette start-up de streaming musical est aujourd’hui en passe de réussir le pari fou : faire payer les internautes pour de la musique.

Ce ne sont que quelques-uns des nombreux indices qui m’ont poussé à aller voir de plus près ce qui se trame dans ce petit pays du Nord d’à peine 9 millions d’habitants. Le succès de la musique suédoise n’est-il du qu’au hasard ? À un effet de mode ? Comment peut-on expliquer un tel succès ? Est-il d’ailleurs si important qu’on le dit ?

La musique jette une lumière crue et singulière sur l’âme d’un peuple et d’une société. De toute part, on loue le modèle suédois, protecteur et efficace. Aujourd’hui, ce modèle se fissure : l’arrivée inédite de la droite au pouvoir, la montée du racisme et la remise en cause de l’état-providence sont autant de facteurs qui ébranlent ce qui faisait la Suède depuis 70 ans.

Durant deux semaines, j’ai plongé dans un pays parcouru de tensions et de soubresauts et tenté d’interroger le lien fertile entre une ville, un pays, et la musique de ceux qui les habitent. Quatorze jours d’immersion dans une des scènes musicales les plus vivantes et excitantes d’Europe, sous le 60e parallèle.

Lire le reportage dans son intégralité, sur le blog dédié.

Interview de Gunilla Norén, programmatrice musicale de l’Institut Suédois

Gunilla Norén, qui habite en France depuis 13 ans, s’occupe de tout ce qui relève de la musique à l’Institut Suédois de Paris, mais aussi des projets liés au design, ainsi que de la communication et des relations presse de l’Institut. Elle organise notamment le festival ÅÄÖ, une série de concerts parisiens entièrement dédiés à la musique suédoise.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le festival ÅÄÖ ?

Je coordonne le budget global et je gère la programmation en partenariat avec les salles de concert. On a fait la première édition fin septembre 2009. Le succès est allé en augmentant mais c’est normal, nos ambitions pour la première édition ainsi que notre budget étaient moindres. On a quand même eu 750 places vendues sur 900 possible. Pour la dernière édition on a demandé à deux nouvelles salles de participer, on a travaillé avec une agence de promotion, on a mis plus d’argent sur la promotion et sur la programmation. 1800 personnes sont venues en tout : 4 soirées étaient complètes, et la 5e, pourtant un lundi affichait une jauge de 280 places vendues sur 330 places possibles.

Comment ça se fait que ce festival a aussi bien marché, il y a un attrait de la musique suédoise en France ?

La Suède en général est en vogue depuis une dizaine d’années et les valeurs suédoises sont des valeurs qui commencent à exister en France. On trouve un miroir de la France dans la Suède. Je ne pense pas que ça va durer éternellement non plus, c’est un effet de mode. Mais depuis une dizaine d’années, la Suède est très appréciée par les Français, surtout pour sa culture contemporaine. Pas pour notre patrimoine, notre théâtre, notre architecture, on est pas comme l’Allemagne ou l’Italie qui peuvent jouer sur leurs patrimoines. Nous, nous misons tout sur la création moderne. On a certes de grands écrivains et de grands peintres, mais ils n’ont pas été aussi internationalement connus, parce qu’on était un petit pays du Nord. Aujourd’hui c’est différent, on voyage plus facilement. On était surtout un pays de paysans, avec une petite élite, une bourgeoisie très forte.

Vous avez le sentiment que les artistes suédois aiment la France ?

Les artistes suédois adorent Paris. La France en général, mais Paris c’est Paris! C’est très difficile de venir à Paris si on est pas soutenu. La France est connue comme un marché musical très compliqué à percer, contrairement à l’Angleterre et l’Allemagne ou on a beaucoup plus de facilité à pénétrer le marché.

Vous jouez ce rôle de promotion, vous avez déjà eu le sentiment d’avoir aidé un artiste suédois ?

Je vois que les artistes programmés en 2009 ce sont des artistes qui ont pu distribuer des CDs l’année suivante en France. Mon action n’est pas la seule raison, mais elle a participé. Ça a permis aux artistes de rencontrer des personnes importantes à Paris. Sinon il aurait fallu faire venir ces dernières en Suède.

Est-ce qu’il y a eu une évolution ces 5 dernières années dans l’attrait des Français pour la musique suédoise ?

J’ai l’impression qu’il y avait une certaine curiosité avant que je ne commence à m’occuper de la musique, il y a 3 ans. Après, ma stratégie c’est de faire de ce lieu un lieu où on sait qu’il y a une offre musicale de qualité et être un partenaire crédible pour les autres acteurs. Presque toutes les semaines il y a un concert d’artistes suédois à Paris !

Comment ça se fait qu’il y en ait autant ?

Montys Loco au Point Éphémère, festival ÅÄÖ 2009.

Je pense que c’est parce qu’il y a une qualité de l’offre. En Suède, on a vraiment de très très bons musiciens. La musique fait partie de notre quotidien, un peu différemment de la France. La musique est présente par tradition : à Noël, pour boire. Elle est très présente de manière générale : on est pas embarrassés si on chante mal. Les chorales à l’école, tout le monde y participait. On a des possibilités d’apprendre un instrument : tous mes amis, pourtant de classes moyennes, apprenaient un instrument. On a des cours de musique à l’école, pas seulement la flûte à bec : le piano, la guitare, la batterie, et on chantait les Beatles ! La musique fait partie de la culture en général.

En France il y a une culture générale très développée, plus développée comparativement, on apprend plein de choses. J’ai l’impression qu’en Suède on apprend plus à pratiquer. On a aussi des journées scolaires beaucoup moins longues, on a plus de temps pour les activités extra-scolaires, du coup on a le temps pour apprendre un instrument, monter son groupe de musique. Les Hives viennent d’une toute petite ville, ils disent que la raison pour laquelle on fait de la musique c’est qu’on ne voulait pas faire de sport, et dans notre ville c’était les deux seules options pour faire quelque chose.

J’ai l’impression qu’il y a une différence avec la France, en Suède beaucoup de groupes sont formés dans de toutes petites villes, alors qu’ici les groupes viennent de Paris, de Bordeaux, de Rennes…

C’est sans doute aussi parce qu’en Suède la classe moyenne est très répandue, il n’y a pas de différence entre ville et campagne comme en France.

L’éducation musicale en Suède est-elle vraiment importante ?

Depuis les années 90 on a fait beaucoup de coupes budgétaires du début des années 90, notamment dans l’offre de formation musicale. Quand j’étais petite les cours d’instruments étaient totalement gratuits, maintenant ça coûte un petit peu.

C’est plus facile de tourner et d’enregistrer un album en Suède ?

Non c’est très difficile de tourner en Suède parce qu’il y a très peu de salles. C’est peut-être ça qui pousse les artistes vers l’extérieur parce qu’ils ne pourraient pas survivre avec les salles qu’il y a en Suède. On est élevés comme ça, on a l’habitude de prendre une année sabbatique à l’étranger après le bac, on part aux États-Unis pendant le lycée, on connait tous des gens qui l’ont fait. Deux ou trois de mes meilleur(e)s amis ont passé une année aux États-Unis au moment du lycée. C’est complètement normal pour nous de partir à l’étranger, découvrir le monde. Parce qu’on a pas comme la France, qui est un peu victime de son succès, les Alpes, la Côte-d’Azur, la Corse, les Pyrénées, l’Atlantique… Si nous on veut être sur d’avoir du soleil, on prévoit une semaine quelque part. Il y a cette curiosité par nécessité et aussi parce qu’on apprend des langues étrangères très tôt. On a des émissions anglaises, on a beaucoup de films d’autres pays, toute la société est axée sur l’export des produits, pour ça il faut une école adaptée.

Articulation entre économie, éducation et musique importante ? Il faut une économie ouverte, donc une école ouverte sur le monde, donc tout le monde est ouvert un petit peu sur le monde ?

Je ne pense pas que ce soit LE facteur, mais ça participe.

Globalement, est-ce que les aides de l’État sont importantes ?

Oui bien sûr, mais par exemple, pour le Bureau Export France, il y a 50 personnes. En Suède, le même organisme n’emploie qu’une seule personne. Comparativement, on ne fait pas grand chose.

Le succès de la musique suédoise est pas du à un effort de l’État à l’intérieur du territoire ?

Si : je pense que le fait qu’il y ait beaucoup de musiciens, c’est en partie grâce à une politique étatique d’accès à la culture. Mais je ne pense pas que la Suède travaille beaucoup pour aider l’export. D’autres pays, c’est l’inverse, comme en France, qui aide davantage à l’export qu’à la pratique de la musique.

La société suédoise est un petit peu rigide, carrée, ça poussait les musiciens et de manière générale les artistes à produire quelque chose. Est-ce que vous partagez cette idée ?

Peut-être. Parce que chez nous le chaos n’est pas apprécié, alors qu’ici on dit souvent que le chaos participe à la création.

Est-ce que vous pensez qu’il y a un son suédois ?

C’est une question très difficile. Pour moi Phoenix est un groupe très français par exemple, mais il n’y a pas de son français. Daft Punk, c’est french-touch, mais ça pourrait aussi bien être américain ou anglais. C’est donc difficile à dire et surtout de généraliser parce que Anne Brun elle a des airs américaines, c’est très difficile à dire qu’il y a un air suédois. Si on les regroupe tous, on peut se dire qu’il y a un énorme attachement à la mélodie, qui a ses racines dans la tradition folklorique qui a toujours été très mélodieuses. C’est très attachant pour moi et on peut la retrouver dans la musique suédoise. Peut-être aussi un côté plus mélancolique, mais toute la musique suédoise n’est pas mélancolique ! Mais dans la folk ou la country américaine, c’est pas gai non plus !

Une autre caractéristique de la musique suédoise, c’est la forte présence des femmes leaders de groupe, qui est un peu plus prononcée qu’ailleurs.

La fameuse égalité homme-femme ?

Je pense que ça a fait ses preuves et que les femmes osent être celles qui créent. C’est un raccourci, je sais, mais je trouve qu’on éduque les petites filles à être celles qui prennent soin, et pas assez à elles, en tant qu’artistes, créatrices. Il peut y avoir quelque chose là dedans.

Une autre particularité qui me vient à l’esprit, c’est que il y a un créateur, une créatrice, et des musiciens autour qui changent : Nina Kinert, El Perro Del Mar, Anne Brun, Rebekka Karijord, tout ça ce sont des artistes dont le groupe change. Il y a aussi beaucoup d’artistes qui participent aux albums des autres : Ellekari, qui joue dans The Tiny, va aller chanter sur l’album d’Ane Brun, qui va aller chanter sur l’album de Nina Kinert. C’est une scène, un petit monde qui travaille ensemble.

On m’a beaucoup dit que les Suédois aimaient les nouvelles choses…

On adore les tendances. On est très doués pour adapter, pour mettre en place quelque chose auquel on adhère. C’est très anglais aussi, quand quelque chose est hype, hop ! Tout le monde l’adopte. Alors qu’en France, c’est plus « rouillé ». mais l’effet est beaucoup plus long, c’est aussi pour ça que c’est difficile de rentrer dans le marché français. La Suède fonctionne un peu comme l’Angleterre, avec des choses très hype et la semaine d’après on est déjà passés à autre chose.

En Suède il y a un mot qui a une connotation très très positive, qui est « unsvensk ». Ça veut dire « non-suédois », ça veut dire que tu es quelqu’un de cool, de créatif, d’original. Tu sors du lot, c’est bien, quand il s’agit de ta déco, du fait que tu as un comportement qui est lié aux tabous, que tu oses dire des choses…

Il y a quatre moyens de consulter ce reportage. Lire le long article principal, se laisser guider dans une Streetinterview ou consulter toutes les interviews réalisées…

Image CC Flickr klaraf ; emckinstry ; prettyuglydesign ; djenvert

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Le renseignement est aussi sur Facebook http://owni.fr/2011/04/26/le-renseignement-espion-est-aussi-sur-facebook/ http://owni.fr/2011/04/26/le-renseignement-espion-est-aussi-sur-facebook/#comments Tue, 26 Apr 2011 15:41:59 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=59028 Sur Facebook, les espions ne sont pas toujours prudents. En 2009, on retrouvait sur le compte de la femme de John Sawers, qui s’apprêtait à prendre la tête des services secrets britanniques, un grand nombre d’informations personnelles concernant leur famille, leurs lieux de vacances ou leurs fréquentations. Largement de quoi compromettre la sécurité du premier des espions de Sa Majesté. Heureusement, tous les professionnels du renseignement ne sont pas aussi imprudents, et beaucoup ont appris à travailler avec les réseaux sociaux, et notamment avec Facebook.

Aujourd’hui, avec ses 500 millions de membres revendiqués, l’entreprise fondée par Mark Zuckerberg est de loin le plus gros annuaire mondial. Ses membres y documentent leur vie sans relâche, formant un gigantesque amas de données et d’informations en perpétuelle actualisation.

Dès l’apparition d’Internet, les services de renseignement du monde entier – d’espionnage comme de contre-espionnage – se sont emparés de ce nouvel outil de communication et d’information. L’arrivée du web 2.0 « communautaire » il y a une demi douzaine d’années a-t-il renouvelé leur approche du renseignement sur la toile ?

« Les internautes y mettent tout : leur vie personnelle, leur CV, leur amis… »

« Les sites et les réseaux sociaux sont utilisés comme les réseaux sociaux ‘physiques’ : un réseau social électronique est d’abord un réseau social », explique le journaliste Jean Guisnel, auteur de Guerres dans le cyberespace, Services secrets et Internet. Il nuance cependant son propos :

les réseaux sociaux électroniques présentent des caractéristiques déterminantes. Les internautes y mettent tout : leur vie personnelle, leur CV, leur amis… Ces informations étaient très difficiles à recueillir par le passé. Il fallait du temps, de l’énergie et des moyens. Aujourd’hui, ce travail est facilité par les citoyens, qui ne mesurent pas les conséquence de ce qu’ils font.

Ainsi, au mois d’août dernier, l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une organisation américaine de défense des internautes, s’est procuré des documents émanant de diverses administrations des États- Unis. Parmi ces documents, un manuel pour les agents du FBI mentionne l’existence de comptes secrets sur Facebook pour récolter des informations.

La CIA n’est pas en reste. En 2005, l’agence a lancé l’Open Source Center, un portail qui compile et analyse les données présentes sur les blogs, les forums et les réseaux sociaux.

Une source suffisamment utilisée ?

Les grandes puissances diplomatiques ont été incapables de pressentir le formidable soulèvement des peuples arabes et s’interrogent depuis sur les raisons d’une telle cécité. Et si une partie de la réponse était à chercher sur Facebook ? À voir le rôle fondamental joué par ce réseau social dans l’éveil politique de la jeunesse égyptienne et tunisienne, on peut se demander si les services de renseignement y prêtaient suffisamment attention.

Le mea culpa a déjà commencé. Fin janvier, le directeur du cabinet de David Cameron a enjoint les services de renseignement a suivre de beaucoup plus près ce qui se tramait sur les réseaux sociaux : « avec l’utilisation d’Internet, la façon dont les mouvements de protestation se développent, c’est un monde totalement différent, a-t-il déclaré. Nous devons être beaucoup plus proches de ce monde là. »

Même son de cloche du côté israélien. Ronan Bergman, un expert des services secrets de l’État hébreu, a expliqué en avril 2010 à la BBC que surveiller les réseaux sociaux était le minimum de la part d’un service de renseignement : « Israël utilise l’énorme quantité d’informations personnelles mise en ligne pour identifier les gens qui peuvent [l'] aider ». Selon le quotidien panarabe Aschark Al-Awsat, Israël aurait déjà utilisé Facebook pour collecter des informations de la bande de Gaza et pour y recruter des informateurs.

Des militaires israéliens piégés par un profil aguicheur

A contrario, Facebook constitue une menace grandissante pour leurs homologues de l’intérieur, les services de contre-espionnage. De plus en plus d’individus possédant des informations stratégiques – cadres de grandes entreprises, scientifiques, soldats – utilisent Facebook de manière intensive. Cette nouvelle vulnérabilité inquiète le privé comme le public.

« Les grands groupes dont les salariés sont présents sur les réseaux sociaux sont autant de point faibles potentiels pour forcer une rencontre, créer des liens et soutirer des informations », précise Laurence Ifrah, criminologue spécialiste des cyberconflits et du renseignement sur Internet. « Ces dernières années, les terroristes islamistes utilisent de plus en plus Facebook », peut-on lire au détour d’un rapport déclassifié du département de la sécurité intérieure américain consacré au terrorisme et aux réseaux sociaux.

Israël ferait partie des premières victimes. Le Hezbollah aurait déjà obtenu des révélations de militaires israéliens en utilisant Facebook. Plus de 200 soldats et cadres de l’armée, piégés par un faux profil féminin aguicheur et particulièrement amical, ont communiqué des noms de soldats, du jargon militaire, des codes secrets et des descriptions détaillées des bases militaires.

Shin Bet, le service de contre-espionnage israélien, avait sonné l’alarme en 2009 : « Nous avons reçu de plus en plus de rapports selon lesquels des éléments terroristes utilisent Facebook pour contacter des Israéliens et leur proposer de fournir des informations classifiées. »

Un service secret qui fonctionne bien est un service secret dont on n’entend jamais parler. De l’immense champ de bataille pour le renseignement qui s’est ouvert sur Facebook, on n’entend que les très lointains échos. On devine pourtant que le renseignement, qu’il soit offensif ou défensif, a déjà intégré la nouvelle du web 2.0. Et la dynamique n’est pas près de s’arrêter. Pour Jean Guisnel « aucun de nos échanges dans le cyberespace n’est secret. Rien. Zéro ». Vous aurez été prévenus.


Billet initialement publié sur The Paris Globalist.

Crédits Photo AttributionNoncommercialShare Alike Some rights reserved by zen ; AttributionNoncommercialShare Alike Some rights reserved by Klaus M

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La scène suédoise sous l’oeil de Julien Bourgeois http://owni.fr/2011/03/24/la-scene-suedoise-sous-loeil-de-julien-bourgeois/ http://owni.fr/2011/03/24/la-scene-suedoise-sous-loeil-de-julien-bourgeois/#comments Thu, 24 Mar 2011 14:34:29 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=31282 Julien Bourgeois a 30 ans. Photographe depuis 2004 il est tombé amoureux de la Suède et de ses musiciens. Fasciné par la variété et le nombre d’artistes passionnants venus de ce pays Scandinave, il a décidé d’aller rencontrer ces artistes dans leur pays natal, et de les photographier dans un lieu qui leur était cher, dans lequel s’inscrivait leur démarche artistique. Un projet un peu fou…

Mais voilà, tout autant fasciné que lui par la vivacité et la qualité de la scène suédoise, j’ai moi aussi décidé d’aller rencontrer, en plein milieu du rude hiver suédois, ces artistes qui donnent à la pop contemporaines quelques unes de ses lettres de noblesse. Avant de pouvoir lire ce reportage sur OWNImusic, il était normal d’aller poser à Julien quelques questions…

Peter, Björn & John (c) Julien Bourgeois

Est-ce que vous pouvez vous présenter, vous et votre parcours ?

J’ai commencé par faire de la peinture, j’ai fait deux ans de beaux arts après mon bac à Dunkerque. Très vite l’enseignement de l’art assez figuratif m’a frustré. Je n’ai pas trouvé la technique que j’aurais aimé qu’on m’enseigne. Mais j’y ai découvert la photo : j’ai préparé les concours pour aller à l’école nationale de photo à Arles. J’y ai passé trois ans, j’ai terminé en 2004 et depuis je vis à Paris. J’ai commencé presque directement à faire du portrait, j’ai contacté quelques musiciens…

Vous avez tout de suite été attiré par la musique ?

Oui j’ai toujours été fasciné par la musique. J’achète des disques et je pouvais passer des heures à écouter de la musique, mais toujours en regardant les pochettes.

Il y avait déjà ce lien entre le visuel et la musique ?

Oui il y avait vraiment ça. J’étais très mauvais musicien. Quand j’étais ado j’avais un groupe, mais c’était juste pour s’amuser, j’ai jamais eu vraiment l’envie ni la capacité d’écrire des mélodies, je vois plus des images que des sons.

Comment en êtes-vous arrivé à travailler sur la Suède ?

C’est arrivé depuis mon diplôme jusqu’à maintenant. En travaillant avec pas mal de musiciens j’en ai rencontré quelques uns qui étaient suédois. L’institut suédois, à l’époque le centre culture suédois, faisait beaucoup de concerts, beaucoup de musiciens y jouaient. J’ai commencé à avoir des liens avec eux parce qu’ils me voyaient souvent dans les parages et je travaillais souvent avec des musiciens qu’ils défendaient.

Ça s’est passé comment, comment ce projet a-t-il commencé ?

Je discutais avec un ami journaliste qui me disait « j’aimerais faire un livre avec tes photos ». Je suis trop jeune pour faire une rétrospective (rires), mais l’idée du livre c’est un espace qui m’intéresse beaucoup, bien plus que l’exposition par exemple. Je me suis dit que ce serait intéressant et j’ai commencé à faire des listes d’artistes qui m’intéressaient. Je me suis rendu compte qu’il y avait peut-être 50 % de suédois. Ce qui était très mystérieux. Ce livre est parti de là, je voulais comprendre pourquoi il y avait autant de suédois qui m’intéressaient alors que je connaissais pas grand chose de ce pays. Ça restait un peu mystérieux, un pays enneigé et vague et c’est tout. Le projet est parti de là.

Vous avez contacté l’Institut Suédois et vous leur avez dit : je veux faire ce projet ?

Même pas. J’ai décidé que je ferai ce projet, j’avais économisé un peu pour le faire, je suis parti une semaine, j’ai pris quelques contacts avec des musiciens là-bas. Je suis parti 5 jours en mars dernier et le projet a été super bien reçu, les musiciens étaient d’accord pour participer. Je connais les gens de l’Institut Suédois de Paris à qui j’en avais parlé quelques jours avant de partir. C’est de là que tout est parti. Le livre je suis à la moitié du boulot porur l’instant.

En deux mot, ça va consister en quoi ?

Des images et des textes mais plus images, ce sera avant tout un livre de photos. Je demande aux musiciens de me montrer un endroit qui les inspire, qu’ils aiment, qu’ils ont envie de me montrer, de partager, pour essayer de comprendre le lien qu’il y a entre la Suède et puis tous ces musiciens. Pourquoi autant de musiciens, pourquoi est-ce qu’il y a de la musique parfois aussi pointue, mais qui s’exporte aussi bien… C’est assez curieux et très intriguant.

Avant de partir en Suède en mars, vous n’y aviez jamais été ?

Pas du tout. Je connaissais pas grand chose de la Suède, à part ce que Peter avait pu me raconter. En plus, il a un rapport assez particulier avec son pays, puisqu’il n’y habite plus depuis plus de 10 ans. Ce qu’il m’en racontait, c’était quelque chose d’exotique même pour lui.

Qu’est-ce qui ressort principalement de votre travail ? Est-ce que vous avez déjà un début de réponse pour expliquer pourquoi autant de groupes suédois s’exportent ?

J’ai déjà des éléments de réponse, puisque c’est une question que je leur pose à tous ou presque. Chacun a à peu près sa réponse. Il y en a beaucoup qui se recoupent. Pour beaucoup, leur pouvoir d’exportation vient de leur maîtrise de l’anglais ce qui est le plus évident. Les Suédois sont également assez fondus de nouveautés, ils aiment ce qui vient de sortir. La musique est aussi dans cette idée-là depuis quelques années : on recherche toujours le nouveau groupe qui va sortir, du coup les suédois sont très attentifs, toujours à la recherche du nouveau groupe. Du coup, il y a beaucoup de nouveaux groupes qui sortent parce qu’ils espèrent profiter de cette dynamique. J’ai trouvé aussi une grande cohésion de la scène musicale suédoise, tous les musiciens se connaissent.

Pendant longtemps la scène suédoise a été une communauté qui a pensé par le « nous » et pas par le « je » du coup tout le monde s’entraide. Si on regarde les notes de pochettes, tout le monde joue sur les disques de tout le monde. Je l’ai ressenti aussi en les contactant : quand j’en photographie un, il me met en relation avec un autre, et ainsi de suite. La scène est très liée, d’abord parce que c’est un petit pays mais aussi parce que les gens ne se tirent pas dans les pattes.

Mai (c) Julien Bourgeois

Il y a une certaine émulation ?

Oui, vraiment, je le ressens comme ça. Bien sûr, il y a des gens qui ne s’aiment pas entre eux, mais je pense que cette solidarité est très spécifique à la Suède.

C’est peut-être du au fait que le pays est petit ?

En tout cas il y a une scène beaucoup plus importante quand on la compare au nombre d’habitants. C’est énorme ! Tout le monde a fait de la musique quand ils étaient petits, je pense qu’il y a plus de musiciens en Suède qu’en France par rapport à la population.

Il y a une vraie différence en termes d’éducation musicale ? Elle est plus présente ?

Oui. Presque tout le monde apprend un instrument quand ils sont jeunes. Même si c’est juste le chant, ils apprennent à maitriser la musique. Ne serait-ce que les chants de Noël, tout le monde chante il n’y a pas de pudeur à chanter. Ça n’a pas l’air d’être aussi fastidieux que notre approche de la musique, qui est de marteler du solfège. C’est une approche assez naturelle qui je pense les prédispose à monter des groupes. Beaucoup de musiciens me disent que quand ils étaient jeunes, c’était le sport ou la musique : soit on fait du foot soit on monte des groupes. Donc certains deviennent footballeurs, d’autres musiciens !

Est-ce que vous pensez qu’il y a des facilités, en termes pratiques, d’être musicien en Suède ? Davantage qu’en France ?

Il y en a eu. Je pense que ça changé. Il y a eu beaucoup d’aides aux groupes pour avoir des locaux, pour répéter, il y a 15-20 ans. Tiens, fais de la musique, tu peux aller t’acheter des instruments, monter ton groupe, tu as un local pour répéter. Je pense que ça a développé beaucoup puisque ça correspond à la scène actuelle, les gens qui ont bénéficié de ça correspondent à ceux qui émergent maintenant ou qui ont émergé il y a 5 ans.

Il n’y a plus cette politique ?

Ça a été restreint et je pense que ça va l’être un peu plus encore parce que politiquement ça se resserre.

Est-ce que le caractère lisse, codifié, très normé de la société suédoise pousse les gens à s’exprimer, à extérioriser différemment, avec la musique ?

C’est vrai que vouloir sortir du carcan est un aspect qui doit susciter des vocations d’artistes. Je connais un peu le Japon, qui est encore plus fermé que ça, et qui du coup favorise des trucs complètement fous. La Suède a ce côté là, à une moindre échelle parce que ce n’est pas aussi fermé. Mais à mon avis ça pousse les gens à s’exprimer aussi. Ça a poussé aussi l’apparition d’Internet, de l’individualité, pouvoir se mettre un peu plus en avant.

Ils sont un peu tiraillés depuis quelques années. Est-ce que c’est la société qui prime sur la personne, alors que le monde fait que j’ai envie d’exister en tant que personne ?

Ce tiraillement se ressent, les gens ont vraiment envie de l’exprimer.

Est-ce que cet ancrage dans le territoire au sens physique du terme, même la situation géographique, le fait qu’il fasse très froid en hiver a une vraie influence sur la musique ?

Certains me disent que oui, que la Suède, comme depuis quelques années tous les pays nordiques, développe beaucoup de musique, d’art, parce qu’ils n’ont que ça à faire pendant 6 mois de l’année. D’autant plus qu’ils ont une culture musicale, c’est naturel pour eux d’aller vers la musique. Du coup, ça les amènerait dans cette direction, certains me l’ont dit en tout cas. Ça se confirme dans d’autres pays comme l’Islande, le Danemark ou la Norvège.

Pour certains ça ne joue pas du tout ?

Certains m’en ont jamais parlé, certains composent aussi bien l’été que l’hiver, d’autres voyagent beaucoup donc composent en voyageant.

Est-ce que le fait qu’ils aient de plus en plus de succès, qu’ils exportent, qu’ils tournent dans le monde entier, tout ça ne les éloigne-t-il pas un peu de la Suède ?

Jens Lekman ne vit plus en Suède depuis quelques années maintenant, presque 5 ou 6 ans. Un moment il en a eu marre de la scène suédoise, d’être estampillé suédois. Il est parti à New York, maintenant il vit en Australie, mais il revient en Suède ne serait-ce que pour enregistrer ses disques.

Il y a quand même ce lien…

C’est un lien un peu étrange, entre la répulsion et l’attraction. En tout cas il y revient. C’est un peu comme revenir chez soi, dans sa famille : on a la famille qu’on a on choisit pas, comme un pays. Parfois on a besoin d’y revenir, ne serait-ce que pour se dire : ‘je suis bien où je suis’ ou plutôt ‘ça me fait du bien de revenir aux sources’. Il y a plusieurs cas de figures, mais je pense que ceux qui se sont exportés reviennent quand même régulièrement.

C’est aussi un trait suédois que de vouloir partir…

C’est ce que Jens Lekman me disait : ce qui a pas mal changé en Suède c’est que les musiciens n’avaient pas honte, mais ils ne criaient pas sur les toits qu’ils étaient suédois. Leurs références étaient essentiellement américaines et anglo-saxonnes, être suédois n’était pas quelque chose dont il étaient spécialement fiers. Ils se sont mis à faire de la musique sans avoir honte et sans revendiquer spécialement des influences outre-Atlantique, et petit à petit ils ont commencé à se dire : ‘c’est chouette d’être suédois’, ça leur va bien finalement.

Ils ont toujours eu, même historiquement, cette impression d’être tout petit à côté de grands. Ça se ressent aussi dans l’art, dans la peinture, ils ont une culture artistique très tardive. La musique est assez révélatrice de ça aussi, le fait qu’ils s’exportent beaucoup depuis quelques années, ça montre qu’ils commencent à vouloir montrer leur « suéditude ». Je crois que ça a été un gros changement à ce niveau depuis quelques années.

Vous dites suéditude… Est-ce qu’il y a un son suédois ?

Je dirais que c’est la place que prennent les arrangements, en tout cas dans la scène pop indie : c’est à la fois très produit, je ne dirais pas lisse, mais presque. On recherche de la beauté, quelque chose de très proche du sentiment.

La Suède a eu très vite un accès très important à internet, qui s’est propagé très vite, est-ce que ça a eu un impact sur la musique ?

C’est certain. Ça a eu un impact sur la musique, surtout pour la faire connaître en dehors des frontières. J’ai l’impression qu’à un moment donné la reconnaissance musicale est venue presque plus de l’étranger que de la Suède, ce qui a fait que la scène a pu s’exporter dans le monde et « s’auto-apprécier » après ça. Je pense qu’ils ont eu besoin de la reconnaissance de l’étranger, ce qui est venu par l’Internet.

On parle beaucoup de la fin du modèle suédois. Est-ce que ça a un impact, ce changement sociétal ? Vous n’avez peut-être pas assez de recul puisqu’il faudrait être là depuis 15 ans… Mais est-ce que les artistes en parlent ?

Certains en parlent. J’en ai vu beaucoup très choqués par les résultats des dernières élections [qui ont amenées, une vingtaines de députés xénophobes au Parlement, ndlr.], je pense qu’ils ont du mal à comprendre. En étant des artistes dans un pays historiquement de gauche je pense qu’ils ont vraiment eu du mal à comprendre ça. Mais je ne sais pas quelle influence ça a sur la musique. Globalement ce ne sont pas des gens très engagés dans leur musique, ce qui ressort surtout c’est les sentiments, c’est d’exprimer ce qu’ils ressentent. Politiquement, je ne ressens pas beaucoup d’engagement politique dans la musique.

Il n’y a pas cet engagement politique de la musique comme il peut exister en France ?

Exactement. J’ai pas vraiment trouvé, bon peut-être que depuis quelques années tout allait assez bien en Suède, il n’y avait pas besoin de monter au créneau. Peut-être que ça va changer, c’est intéressant de voir les évolutions dans quelques années, si ça se retrouve dans la musique.

Nina Kinert (c) Julien Bourgeois

Est-ce que vous avez eu l’impression que les musiciens suédois utilisaient comme influence des choses suédoises et pas seulement anglo-saxonnes ?

Ils utilisent quelques trucs suédois, justement ce côté chorale qui apporte beaucoup aux arrangements, soutenir la mélodie avec beaucoup d’instruments, construire vraiment quelque chose autour de la mélodie. J’en parlais avec Peter Van Poehl qui me disait qu’il essayait souvent de trouver des arrangements proches des chœurs de l’armée du salut, des chants de Noël qui sont pour lui une grand inspiration, qui ne se retrouvent pas tels quels dans sa musique mais qui sont pour lui une base de travail.

Est-ce que vous pensez qu’il y a une mode de la pop suédoise ?

Oui je pense qu’il y en a une. Je pense que dans quelques mois ce sera le climax. On en entend de plus en plus parler et du coup c’est l’effet boule de neige, les gens s’y intéressent et commence à y trouver une pépinière d’artistes incroyable. Il y a même des labels qui vont chercher leur musique là-bas. La Suède est devenue un pays où trouver des talents. Un label français comme Fargo va chercher des artistes suédois pour signer du folk, comme ils signeraient des américains, pour à peu près la même musique d’ailleurs.

A propos des labels, il y en a beaucoup ? Qu’est-ce que vous pensez du travail de labels suédois comme Sincerely Yours ou Labrador ?

Ils sont assez bons, ce qui est intéressant aussi c’est que depuis quelques temps chaque artiste monte pratiquement son label pour sortir leur album, leur propre album. C’est assez symptomatique de la musique en Suède actuellement : beaucoup d’artistes ont trouvé un moyen de faire vivre leur musique en faisant des petits labels, en s’aidant beaucoup pour enregistrer les disques de chacun et en se refilant des plans pour exporter leur musique. Par exemple Almost Music, une boîte de promo française qui a aussi un volet label, a sorti beaucoup de suédois, soit qu’elle représente en tant que label soit juste en promo, grâce au bouche à oreille, les artistes suédois se disent ‘tu veux sortir ton disque en France ? Va parler à untel et ça ça marche très bien’.

Ils ont de bons relais en France ?

Oui, et entre eux il n’y a pas le côté ’si je lui donne le plan, ça va me passer sous le nez’. Ils sont assez partageurs malgré tout, ce qui apparemment est une force puisque ça a l’air de marcher comme ça.

En sortant un petit peu de l’indie, il se trouve que beaucoup de popstars mondiales ont recours à des suédois. Des gens comme Red One, Max Martin ont écrit une bonne partie des chansons de Lady Gaga ou de Britney Spears. C’est un volet complètement différent mais ça a peut-être les mêmes racines ?

Ça a les mêmes racines, ça vient aussi du fait qu’ils sont à fond dans les nouvelles technologies, à la pointe de tout ! Du coup même pour tout ce qui est de la pop variété ils vont savoir quel arrangement faire pour être au top. Du coup, les américains vont chercher leurs producteurs en Suède. On a eu la « French Touch » à un moment donné…

Est-ce qu’il y aurait une Swedish touch ?

Apparemment il y en a une, mais elle est peut-être moins évidente…

Moins incarnée aussi ?

Voilà. Ce qui est intéressant c’est que la Suède est le troisième pays exportateur de musique mais si on demande à quelqu’un dans la rue de citer un groupe suédois, il ne saura pas !

Alors qu’il y a des choses extrêmement connues…

Tout à fait, c’est assez symptomatique qu’ils n’aient pas de stars énormes. Il y a Robyn, qui explose depuis quelques temps, mais je pense qu’il y a plein de gens qui ne savent pas qu’elle est suédoise. C’est quand même énorme de se dire qu’ils exportent autant de musique sans avoir de gros vendeurs.

Il y a aussi pas mal d’artistes qui vont enregistrer leur album en Suède… Est-ce qu’il y a de très bons ingénieurs du son, de très bons studios ?

Oui, je pense que tout va de pair aussi. Comme leur scène s’est développée d’abord en Suède avant de s’exporter, ils sont pas allés à l’étranger pour enregistrer leur musique donc les ingés sons ont suivi. Il leur en fallait donc il y avait aussi une niche pour répondre au besoin de tous ces groupes qui sortaient.

En France, quand on fait du rock chanté en français on pense tout de suite à Noir Désir, Est-ce qu’il y a le même type de poids, par exemple ABBA? La sensation que j’ai eue c’est que les Suédois en ont un peu marre de cet héritage.

Oui, surtout que justement leur scène commence à être tellement foisonnante que pour eux c’est un peu étrange de la résumer à ABBA, Europe ou Roxettes. Ils citent souvent les Roxettes qui sont moins connus par ailleurs…

Abba, c’était quand même le coming-out suédois sur la scène musicale, qui existait pas vraiment avant…

En effet, je pense que ça a marqué un démarrage de la Suède comme pouvant être musicalement importante.

Est-ce que les artistes suédois ont l’impression d’être un pays exportateur, où il y a beaucoup de choses qui se passent ou est-ce qu’ils sont, comme beaucoup de Suédois, en retrait, très modestes ?

Il y a beaucoup d’humilité de ce côté là, et je pense que ce n’est pas feint. Ils le ressente vraiment comme ça : pendant des siècles ils se sont sentis petits et même si ça change, ils ont quand même ce côté humble qui reste prédominant.

Quand je leur dis que je fais un livre sur la musique suédoise, ça les intrigue, ils ne comprennent pas qui ça peut intéresser en dehors de Suède.

Votre souvenir le plus marquant relatif à la Suède ?

Pour l’instant c’est ma rencontre avec Jens Lekman. Ça s’est fait un peu comme ça, par chance. Comme il vit en Australie, il était de retour chez lui pour midsommar, un mois en juin / juillet, et il m’a invité chez lui dans sa famille à fêter midsommar. On a fait les photos ce jour là.

Il y avait un côté ancré dans la tradition…

Voilà, et puis les souvenirs que j’en ai, de découvrir la Suède de cette façon là, les traditions et puis tous les paysages… C’était un peu en dessous de Göteborg, dans la maison où il allait enfant. C’était la maison de son grand-père et toute la famille se réunissait là tous les ans pour midsommar, et là cette année encore, même si son grand-père est décédé. Il m’a emmené sur la tombe de son grand père, sur les falaises qui dominent l’océan, on a passé deux heures là, à attendre la bonne lumière. Ça reste encore pour moi un des meilleurs souvenirs jusqu’à maintenant. Avoir vraiment pu prendre le temps… Après une journée comme cela, je me suis dit que le projet valait le coup.

Il y a une double filiation : l’histoire personnelle et la tradition…

Exactement, alors que je pensais que c’était quelqu’un qui voudrait pas spécialement partager son côté suédois ni s’appesantir dessus. Apparemment il refuse pas mal de projets, on lui propose beaucoup de choses… Il avait envie de répondre positivement à ce projet parce qu’il avait carte blanche pour me montrer ce qu’il voulait et partager avec moi quelque chose qu’il avait envie de partager. Ça m’a vraiment touché ce rapport là, c’était très généreux.

C’est quelque chose que je retiens de mon voyage en Suède, c’est la générosité. Il y a une réserve, mais derrière… je trouve que c’est ça c’est souvent en deux temps. Quand on peut passer un peu de temps avec eux qu’on peut dépasser cette réserve ça devient énorme.

Sur la thématique de la scène musicale suédoise, vous pouvez également lire :

- L’interview de Lykke Li réalisée par OWNImusic

L’interview de Nina Kinert réalisée par Anastasia Lévy

Retrouvez une sélection de photos de Julien Bourgeois sur son site officiel

Photos : portraits (c) Julien Bourgeois, image de clé CC FlickR Copocchione

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http://owni.fr/2011/03/24/la-scene-suedoise-sous-loeil-de-julien-bourgeois/feed/ 1
Ebook: le cahier Loppsi 2010 http://owni.fr/2010/12/27/ebook-loppsi/ http://owni.fr/2010/12/27/ebook-loppsi/#comments Mon, 27 Dec 2010 20:20:10 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=40148 Si l’année 2009 a été marquée par l’adoption ô combien contestée de la loi Création & Internet, qui avait pour but de limiter le téléchargement illégal des œuvres d’art sur Internet, 2010 restera sans doute dans les mémoires comme l’année de la LOPPSI 2. C’est en effet par 305 voix contre 187 que la seconde loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure a été adoptée, mardi 21 décembre, par l’Assemblée Nationale.

Cette adoption du projet de loi en seconde lecture vient clore une année où l’on aura peu à peu découvert la teneur de ce que beaucoup ont appelé “un fourre-tout législatif”. Et pour cause, du permis à point à la pédo-pornographie en passant par la vidéo-surveillance, les peines plancher ou les écoutes téléphoniques, il y a de quoi s’y perdre dans les 46 articles qui composent cette loi à forte consonance sécuritaire.

Ce n’est pas faute d’avoir été avertis : le texte reflète largement l’inflexion sécuritaire adoptée par le gouvernement et la majorité depuis quelques mois, symbolisée par le discours de Grenoble, dont la LOPPSI 2 met en œuvre les principales annonces.

Le volet cybercriminalité n’est pas en reste, et entérine lui aussi ce virage sécuritaire, puisqu’il crée le délit d’usurpation d’identité (article 2) – désormais passible de deux ans de prison et de 20 000 euros d’amende – et introduit la possibilité d’une enquête administrative comme préalable à l’accès aux données publiques (article 30ter).

Mais c’est son article 4 qui a soulevé le plus d’inquiétudes et d’interrogations. Et pour cause : ce dernier ne met rien moins en place que le filtrage administratif d’Internet. Dans la version adoptée le 21 décembre par l’Assemblée Nationale, c’est par décret que l’autorité administrative peut établir une “liste noire” des sites à caractère pédo-pornographique dont les FAI doivent bloquer l’accès. Sans passer par la case judiciaire, ni donner à la CNIL ou au Parlement le moindre droit de regard sur la procédure.

Cette histoire n’est pas sans rappeler celle d’un amendement tristement fameux, déposé en 1996 par un certain François Fillon, et qui voulait déjà “filtrer” Internet.

Longtemps, la question d’une éventuelle intervention du juge est restée en suspens. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont martelé que le filtrage était au mieux inefficace – seule une action à la source peut espérer tarir la source des contenus pédo-pornographiques – au pire dangereux car liberticide.

A coup d’amendements, les députés et sénateurs, de droite comme de gauche, ont tenté de réintroduire l’autorité judiciaire dans l’arène du filtrage. OWNI est allé recueillir le point de vue de Virginie Klès, sénatrice (PS) qui prône l’abandon total du filtrage.

Lorsque le projet de loi est arrivé sur les bancs de l’Assemblée en seconde lecture, ils étaient peu nombreux à en débattre. Et ils étaient encore moins nombreux à maîtriser l’intégralité des enjeux et des problématiques soulevés par le texte et notamment son article 4. De quoi donner des munitions à ses opposants, notamment devant le Conseil constitutionnel.

Au delà d’Internet et du filtrage, la LOPPSI millésime 2010 donne un coup d’accélérateur sans précédent à la vidéosurveillance. A ceci près que ce terme a été remplacé par le très orwellien vidéoprotection.

Certains adversaires à la LOPPSI lui ont opposé son manque de moyens. Ce qui ne l’empêche pas de prévoir de doter les forces de l’ordre d’équipements dernier-cri, largement de quoi les transformer en “super-flics”. Car définitivement, la LOPPSI kiffe grave les nouvelles technologies.

La LOPPSI est en droite ligne avec l’ambiance politique du moment, qui veut qu’Internet ne soit qu’un nouveau lieu de délinquance, au risque de se priver d’un formidable levier de croissance, d’innovation et de création. Le texte repassera devant le Sénat en seconde lecture au premier trimestre 2011, et le Parti Socialiste a d’ors et déjà annoncé qu’il allait saisir le Conseil Constitutionnel. La vigilance est plus que jamais de mise.

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Qui sont les jeunes ? http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/ http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/#comments Fri, 17 Dec 2010 07:00:43 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=39484 Chômage, discrimination à l’embauche, retraites de plus en plus illusoires, peur du déclassement, précarité, taux de suicide élevé : “la jeunesse” est souvent au cœur des politiques publiques. Pourtant, cette notion n’a jamais été aussi floue.

Si la notion d’enfance apparaît dans le vocable politique et sociologique dès le XIXème siècle, la notion de jeunesse apparaît, elle, beaucoup plus tardivement, un peu avant les années 1950. C’est sous le régime de Vichy que sont mises en places les premières politiques en direction de la jeunesse, qui ont alors pour principal but de l’embrigader dans le régime autoritaire du maréchal Pétain. Mais dès les débuts de la IVe République, la jeunesse se voit dotée de son premier maroquin ministériel, en la personne d’Andrée Viénot, (SFIO) sous-secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports.

Au fil du temps, trois grandes classifications ont été retenues et ont cohabité dans le lexique politique. On trouve dans un premier temps une classification d’ordre physiologique, où la jeunesse est le moment où le corps se transforme pour devenir celui d’un adulte. Rapidement, cette définition laisse la place à une catégorisation plus institutionnelle, où la jeunesse est une “tranche” de la population française. C’est le type de découpage qui est par exemple retenu par l’INSEE, qui situe les jeunes entre 15 et 24 ans. Cette classification cohabite avec une démarcation plus diffuse, d’ordre plus générale : selon la sociologue de la jeunesse Véronique Bordes, la jeunesse serait considérée par beaucoup comme une période d’“imitation des générations précédentes ou d’expérimentation de nouvelles règles de vie”.

Perception de la jeunesse, jeunesse de la perception

Mais ce sont surtout les médias qui sont à l’origine de la construction des représentations actuelles de la jeunesse. Les années 70-80 marquent une vraie rupture, et la jeunesse est vite perçue comme un vecteur de danger et d’insécurité, tendance renforcée par l’instabilité qui apparaît dans certaines banlieues.

Les représentations de la jeunesse sont alors doubles : elle apparaît d’une part autonomisée de la société des adultes, ce qui engendre des tensions et des affrontements, et d’autre part comme un temps de socialisation et de formation, fortement différencié de celui des adultes, qui s’illustre dans la massification de l’enseignement (objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, stages Granet pour améliorer la formation professionnelle…).

C’est en fait tout le processus de socialisation qui a été bouleversé, explique encore Véronique Bordes :

Nous sommes passés d’un modèle d’identification à l’adulte par imitation et transmission (la reproduction) à une socialisation dont le processus est continu tout au long de la vie.  Cela suppose une adaptation à une société fragmentée en de multiples micro-mondes sociaux qui ont chacun leurs normes. Aujourd’hui, être socialisé signifie être capable d’avoir accès à des codes de langage, de comportement différents et savoir les utiliser de façon opportune.

“Progressivement, la jeunesse est passée d’un modèle de « l’identification» fondée sur l’héritage, associée à la figure du père, à un modèle de « l’expérimentation » où cette identité se construit au gré des expériences socialesexplique encore la sociologue.

Dans son livre Genèses De L’insertion – L’action Publique Indéfinie paru en 1999, Chantal Guerin-Plantin résume en 4 modèles nos principales représentations de la jeunesse :

  • Une “jeunesse citoyenne” : réplication des principes de la société adulte (partis politiques de jeunes, mouvement de jeunesse…)
  • Une jeunesse “dangereuse et en danger”, à l’origine de la majorité de la délinquance et de la criminalité.
  • Une jeunesse “messianique” : les jeunes sont en rupture avec la société, vecteurs de changement social.
  • Une jeunesse “fragile” : qui doit être protégée par divers mécanismes (censure, justice).

Bien souvent, la notion de jeunesse et la représentation qui en est faite sont trop réductrices, car une telle catégorie sociale homogène n’existe pas. L’enjeu de cette définition est pourtant au cœur des politiques publiques. Et les sociologues sont unanimes : pour repenser les politiques en direction de la jeunesse, il convient de repenser les représentations. Et il y a urgence, car le pessimisme et le mal-être de la jeunesse française sont à leur paroxysme. Olivier Galland, sociologue spécialiste de la jeunesse et auteur de « Les jeunes Français ont-ils raison d’avoir peur? » (éd. Armand-Colin) l’expliquait au Parisien pendant les manifestations contre la réforme des retraites :

Ce sentiment [de pessimisme] est partagé par toute la société française et la mondialisation l’a encore renforcé. Les jeunes sont, en outre, confrontés à un taux de chômage près de deux fois et demie plus fort que celui des adultes et, depuis trente ans, malgré tous ses efforts, la France n’a pas réussi à inverser cette tendance. D’autre part, le marché du travail est organisé autour de la fracture entre CDI et CDD et ce sont les jeunes, chez qui la proportion de CDD est beaucoup plus forte, qui supportent le poids de cette flexibilité. Enfin, en période de crise, ce sont les emplois précaires qui sont touchés les premiers, donc les jeunes sont en première ligne.

C’est également le sens d’une grande étude réalisée en 2008 par l’Express et la Fondation Pour l’Innovation Politique en interrogeant près de 20 000 jeunes de 16 à 29 ans sur trois continents pour connaître leur point de vue sur leur avenir. Le tableau qui y est brossé est très peu reluisant pour la jeunesse française, qui apparaît comme la plus amorphe, la plus inquiète et la plus déprimée des pays étudiés. Les jeunes Français(es) font grise mine face aux Américains ou aux Scandinaves : par exemple, quand 63 % des jeunes Américains sont convaincus que les “gens peuvent changer la société”, seulement 39 % des jeunes Français sont du même avis.

Commentant cette étude, François de Singly, professeur de sociologie à l’Université Paris-Descartes a d’ailleurs cette phrase glaçante :

Parmi tous les pays étudiés, seuls les jeunes Français considèrent que l’obéissance est une valeur plus importante à transmettre à leurs enfants que l’indépendance.

Tout un programme.

Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur la jeunesse et découvrez notre sondage autour de l’emploi des jeunes :

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Crédits Photo CC Flickr : Dunechaserbrizzle born and bred, -Charlotte Gonzalez-

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La Suède, un refuge à toute épreuve pour WikiLeaks? http://owni.fr/2010/10/23/la-suede-un-refuge-a-toute-epreuve-pour-wikileaks/ http://owni.fr/2010/10/23/la-suede-un-refuge-a-toute-epreuve-pour-wikileaks/#comments Sat, 23 Oct 2010 16:14:58 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=33137 Wikileaks récidive ! Le site spécialisé dans la publication de documents confidentiels vient de publier un peu moins de 400 000 fichiers sensibles impliquant l’armée américaine en Irak. L’organisation a même chargé OWNI de réaliser une application de crowdsourcing.

Après la diffusion de documents similaires concernant l’Afghanistan en juillet dernier, la plateforme et son fondateur Julian Assange ont provoqué la fureur du Pentagone. Les autorités américaines verraient d’ailleurs bien ce dernier derrière les barreaux, et son site définitivement mis hors d’état de nuire. Même s’il agit avec un luxe de précautions et que WikiLeaks est protégé par un réseau informatique ultra-sécurisé, Assange s’est très vite mis à la recherche d’un pays où son organisation serait protégée et pourrait échapper plus facilement aux autorités américaines.

C’est autour de l’Europe du Nord que l’éphèbe australien a choisi de graviter, afin de profiter de la législation locale, bien plus favorable aux médias qu’ailleurs. Si Assange a passé ces derniers jours à Londres pour préparer la publication de la dernière salve de documents, c’est d’abord depuis l’Islande qu’il a commencé à opérer. Il y était basé lorsqu’il a dévoilé “Collateral Murder”, la vidéo d’une bavure de l’armée américaine en Irak qui a causé la mort d’une dizaine de civils.

Mais c’est en Suède qu’Assange semble avoir trouvé un havre de paix et une législation extrêmement protectrice. Il l’a réaffirmé lors de la conférence presse qu’il a tenu ce matin :

“La Suède possède une des meilleures législation sur la presse au monde. Une loi ne vaut jamais plus que le papier sur laquelle elle est écrite, mais il y a un très fort soutien pour la liberté de la presse : il y a des gens qui cherchent vraiment à utiliser cette loi. Nous avons donc choisi d’y installer nos serveurs”

Problème : il y a quelques jours, les autorités suédoises lui ont refusé le titre de séjour dont il avait fait la demande en août dernier. La Suède est-elle vraiment le refuge rêvé pour l’Australien et son organisation ?

Le bouclier suédois

Il y a quelques mois, la tête pensante de WikiLeaks s’est tournée vers le Parti Pirate, et plus précisément son hébergeur PRQ, réputé peu regardant sur le contenu des informations qu’il héberge. Son patron Mikael Viborg a d’ailleurs donné un aperçu tonitruant de ses positions sur la liberté d’information et d’expression dans une interview accordée à Bakchich. Même si WikiLeaks entretient volontairement le flou autour de son hébergeur, on sait également qu’une partie de ses infrastructures est gérée par Bahnhof, une autre entreprise suédoise réfugiée dans un abri antiatomique en plein coeur de Stockholm.

Afin de maximiser sa protection, il avait même été question pour WikiLeaks d’héberger ses fichiers sur les serveurs du Parti Pirate dans l’enceinte même du Parlement, où le parti espérait obtenir des sièges aux dernières élections. N’ayant obtenu qu’un pourcent des voix, ce projet restera lettre morte.

Mais plus que des bonnes volontés, Julian Assange est surtout venu chercher une législation extrêmement protectrice.
En Suède, la liberté de la presse et le secret des sources font l’objet d’une législation ancienne et particulièrement protectrice. C’est en que fut proclamée pour la première fois la liberté de la presse en 1776, près de 25 ans avant la France et sa Déclaration des Droits de l’Homme. Aujourd’hui, les textes suédois régissant les droits des médias sont pleinement constitutionnels, déterminés par l’Acte sur la Liberté de la Presse (Tryckfrihetsförordningen), un des quatre principaux piliers de la Constitution Suédoise.

De fait, il est très difficile pour les autorités suédoises d’agir sur des serveurs localisés sur leur territoire. Concrètement, un site ne peut être fermé que si ses propriétaires ont été jugés coupables d’un crime, même si les données qui y sont contenues peuvent être utilisées dans le cadre d’une investigation. De plus, une action en justice contre un média constitutionnellement protégé ne peut être conduit que par le Chancelier, la plus haute autorité judiciaire du pays. Le procès en lui même se déroule devant une juridiction d’exception, spécialement désignée. En dehors de ce cas de force majeure et en vertu de la loi suédoise, toute personne qui contreviendrait au källskydd (protection des sources) risquerait jusqu’à un an de prison. C’est pour cette raison que le 14 août, le tabloïd suédois Aftonbladet annonçait en grande pompe sa collaboration avec Julian Assange, manière pour ce dernier de se placer sous la protection du plus grand quotidien du pays. Cependant, cette collaboration semble être aujourd’hui au point mort.

Pour être conforme aux textes suédois, l’atteinte à la liberté d’expression doit être justifiée par une menace pour la sécurité nationale. Beaucoup s’étaient demandé si ce cas de figure pouvait être invoqué si il était porté atteinte à la sécurité d’un état ami, comme les États-Unis. Il faut rappeler que dans le passé, la justice suédoise avait refusé de procéder à une enquête à la demande de la Russie sur un site rebelle tchétchène hébergé en Suède, au motif que les lois suédoises avaient vocation à protéger l’ordre public en Suède, “pas ailleurs dans le monde”.

Mais selon Oscar Swartz, fondateur de Bahnhof, c’est moins la nature même des lois qui a attiré WikiLeaks que la façon dont ces dernières ont été appliquées : “les juristes américains utilisent la loi de manière intransigeante et essaient par tous les moyens de mettre des bâtons dans les roues. Nous n’utilisons pas la loi de cette manière en Suède.”

Les Suédois avec WikiLeaks

WikiLeaks profite également d’une longue tradition de protection des médias et d’un climat très favorable dans l’opinion Suédoise, auprès de la jeunesse notamment. “La volonté du peuple suédois est avec nous” avait déclaré Julian Assange en août dernier. Voici ce qu’en pense Alexa Robertson, politologue et professeur à l’École de Journalisme de l’Université de Stockholm.

“En Suède, [Wikileaks] a un lien intéressant avec le Parti Pirate, qui est entré au parlement Européen aux dernières élections, notamment grâce au soutien des jeunes. Ces derniers supportent moins les comportements illégaux que la libre circulation de l’information, et désapprouvent le fait que le “capital” puisse dicter ce qui est publié. Il me semble que c’est pour cela que [WikiLeaks] reçoit un très large soutien de la part des jeunes, surtout de gauche. Mais pour compliquer les choses, ils bénéficieront peut-être aussi du soutien de l’extrême droite, comme pendant l’affaire des caricatures de Mahomet… En Suède, la question de la liberté d’expression et du droit de publier aboutit à des coalitions étranges”.

Le climat politique est également très favorable à Assange et ses comparses. Interrogé pour savoir si le pouvoir suédois allait intervenir à la suite de la publication des War Logs, le ministre suédois des Affaires Étrangères Carl Bildt avait écarté toute possibilité d’intervention, arguant qu’il appartenait au pouvoir judiciaire, et non exécutif, de trancher cette question. “Est-ce responsable de publier une information qui peut amener des gens à être tués ? C’est plus une question éthique qu’une question légale” avait-il même expliqué.

Un abri loin d’être à l’épreuve des balles

Plusieurs centaines de soldats suédois sont actuellement engagées aux côtés de l’US Army en Afghanistan… La publication de nouveaux documents concernant ce théâtre d’opération militaire pourrait rentrer en conflit avec la loi suédoise et mettre en cause la “sécurité nationale”. Difficile dans ce cas pour la Suède de refuser son aide aux États-Unis dans l’éventualité d’une action contre WikiLeaks. C’est sans compter le fait que dans les textes constitutionnels suédois, la liberté de la presse est limitée en cas de publication de documents confidentiels concernant la Suède : brèche qu’un avocat habile bien aidé par les circonstances peut mettre à profit.

La loi suédoise n’empêche pas les perquisitions et les investigations : il y a quelques semaines, les serveurs de PRQ ont été perquisitionnés, même si WikiLeaks ne semblait pas visé par la procédure. De même, la loi suédoise n’a pas été d’un grand secours pour les fondateurs de Pirate Bay, condamnés à un an de prison et dont le procès en appel vient de s’achever devant la cour d’appel de Stockholm. Et au delà des serveurs et des bases de données, la personne de Julian Assange n’est pas à l’abri des attaques, même en Suède. Les accusation de viol – qu’il continue de nier en bloc – formulées à son encontre en août dernier sont là pour rappeler qu’on est jamais autant exposé que lorsque on fait trembler le Pentagone.

Mais le principal problème de WikiLeaks est aujourd’hui l’obtention d’un certificat de publication, document délivré l’autorité de régulation audiovisuelle suédoise et indispensable pour bénéficier des protections légales s’appliquant aux médias. Le refus des autorités d’accorder à Julian Assange un permis de séjour va obliger WikiLeaks à désigner un responsable éditorial – condition essentielle pour obtenir le certificat de publication – résidant en Suède, qui sera responsable devant la justice de tous les documents publiés par la plateforme. Un poste à risque. Parallèlement, pour que la protection des sources soient effective, le site internet doit faire l’essentiel de son travail depuis la Suède. Or Les Warlogs d’Afghanistan et d’Irak ont été publié depuis Londres, et Collateral Murder depuis l’Islande.

Cela explique sans doute pourquoi les démarches pour obtenir ce fameux certificat semblent au point mort, comme l’a révélé en septembre un article de la Columbia Journalism Review. A ce jour, WikiLeaks ne figure pas dans la liste des sites internet protégés par les lois sur la liberté de la presse, et aucune demande n’a été enregistré par l’autorité de régulation suédoise.

Le refus des autorités suédoises de lui accorder son permis de séjour vient compromettre un peu plus la protection des sources dont pourrait bénéficier WikiLeaks. Espérons qu’ils disposent d’un plan de secours. Pourquoi pas l’Islande ?

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Crédits Photo CC Flickr : Natasha Friis Sackberg, Niklas Plessing.

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Système de retraites suédois: au Nord, rien de nouveau http://owni.fr/2010/10/11/systeme-de-retraites-suedois-au-nord-rien-de-nouveau/ http://owni.fr/2010/10/11/systeme-de-retraites-suedois-au-nord-rien-de-nouveau/#comments Mon, 11 Oct 2010 18:58:48 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=31201 « Le modèle suédois, c’est une illusion née à l’étranger » affirmait l’écrivain et dramaturge suédois Henning Mankell dans les colonnes du journal La Croix daté du 8 octobre. Une voix de moins en moins dissonante dans un pays qui apparaît plus que jamais affaibli par la xénophobie et la désintégration de son fameux modèle social.

Pourtant, ce fameux “modèle Suédois” – système de retraites en tête – n’a jamais été aussi populaire. Grâce à la crise, mais aussi à cause de la réforme des retraites en France, où il a été souvent cité en exemple. L’adoption – sauf surprise – du projet de réforme et la journée de mobilisation du 12 octobre sont l’occasion de revenir sur un système qui semble simple et efficace comme un meuble en kit sur le papier, mais qui a aussi réussi à faire oublier ses nombreuses carences. De quoi tempérer l’ardeur de ceux qui le voient déjà appliqué dans l’hexagone.

Simple et efficace comme un meuble en kit

Pour mieux comprendre les grandes lignes du fonctionnement du système suédois, penchons nous sur le cas (fictif) de Björn (ceci n’est pas un cliché).

Björn a 35 ans. Rentré sur le marché du travail en 1998 au moment de la ratification par le parlement suédois de la toute nouvelle réforme du système des retraites, il travaille dans une grande banque suédoise. Chaque année, il cotise à hauteur de 7 % de son salaire. La banque, de son côté, verse à la caisse des retraites 10 % du salaire de Björn. Ce dernier doit en outre placer 2 % de son salaire dans un fonds de pension.

Chaque année, Björn reçoit par la poste la fameuse enveloppe orange, qui récapitule l’intégralité des cotisations accumulées. Cette somme, pondérée chaque année par l’évolution générale des salaires, constitue ses droits à la retraite et serviront à calculer le montant de cette dernière.

Björn pourra partir à la retraite à partir de 61 ans (dont 40 ans de cotisations), l’âge légal de départ en Suède. La somme de toutes les cotisations versées pendant sa vie professionnelle va être divisée par le nombre d’années d’espérance de vie restantes pour sa classe d’âge afin de calculer le montant de la retraite. Car c’est là le fondement de ce système dit “à comptes notionnels” : le total des cotisations versées pendant le cours de la vie est équivalent au total des retraites perçues.

Mais attention, le système fonctionne encore par répartition : Björn n’a rien épargné, et l’argent qu’il a cotisé pendant sa vie professionnelle a servi a financer directement la retraites de ses aînés.

Des mécanismes existent pour corriger les inégalités du système. L’état prend à sa charge une partie des cotisations dans certains cas (invalidité, longue maladie, congé parentaux longue durée). De même, les personnes qui n’auraient pas cotisé suffisamment pour s’offrir une retraite décente se voient octroyer une retraite minimum.

Un système largement perfectible

Tout ce qui ressemble de près ou de loin à une solution miracle – en l’occurrence un système pérenne largement soutenu par toutes les franges de la société – a un certain pouvoir attractif. Mais même si il est un modèle de rigueur et d’efficacité nordiques, le système suédois est largement perfectible.

La confiance des suédois eux-mêmes dans leur système est toute relative, puisque selon un sondage récent évoqué par un rapport du Comité d’Orientation des Retraites, 60 % des suédois ont une confiance faible ou nulle dans le système. Car la question du financement des retraites n’est pas une question anodine, même en Suède : le parti d’extrême droite les Démocrates de Suède a violemment opposé retraites et immigration dans un virulent clip de campagne interdit de diffusion.

Pas sûr non plus que le système permettent une amélioration des conditions de vie. Edward Whitehouse, économiste à l’OCDE et spécialiste des systèmes de retraite en Europe rappelle que « ce qu’aiment bien passer sous silence les Suédois, c’est que 55 % de leurs seniors touchent la retraite minimale ». De même, aucune disposition n’est prévue pour prendre en compte la pénibilité : le montant de la retraite étant déterminé par l’espérance de vie, les carrières les plus pénibles s’en trouvent pénalisées.

De fait, si le modèle suédois trouve un certain écho en France, où on loue son efficacité économique et sa stabilité, cet avis ne fait pas l’unanimité.

Éric Aubin, en charge de la question des retraites à la CGT, ne croit gère au modèle suédois :

« Le modèle à compte notionnel ne répond pas aux deux questions principales que se posent les salariés : à quel âge et à quel niveau de pension je vais partir. C’est un système où on ne connait pas le niveau de pension : tout dépend de l’âge et de l’espérance de vie de la génération, il y a beaucoup d’incertitudes. »

Un système que la crise Abba

L’indexation des retraites sur le niveau général des salaires ainsi que le placement d’une partie des cotisations sur des fonds de pension rendent le système tributaire des fluctuations économiques et financières.

Ainsi, n’échappant pas à la tourmente économique mondiale, le montant des retraites va subir une chute de 4,4 % en 2010. L’état a d’ailleurs été contraint d’intervenir pour prévenir une dégradation trop forte du pouvoir d’achat des seniors. Cette dépréciation a pris tout le monde par surprise : « on n’avait pas pensé que nos retraites pouvaient augmenter de 4,5 % et baisser d’autant l’année suivante » déclarait l’année dernière Curt Persson, le président de la très influente association de retraités PRO.

« Face à la crise le système suédois n’est pas une garantie. Ce n’est pas un système qui répond au besoin de sécurité » explique Éric Aubin.

Le député (UMP) Arnaud Robinet, auteur d’un rapport sur le financement des retraites en Europe, partage le même constat :

« Le modèle suédois n’est pas la panacée, il y a eu des baisses des pensions, notamment pendant la crise financière. Le système suédois est très intéressant dans son architecture mais en aucun on ne peut le transposer en France. »

Un modèle difficilement transposable à la France

Deux pays à très forte pression fiscale, à forte tradition d’état providence et aux pyramides des âges similaires : il n’en faut pas plus pour que l’éventualité d’une adaptation du modèle suédois en France soit évoquée (http://www.euractiv.fr/modele-suedois-retraites-montre-exemple-france-article).

L’idée est séduisante : « le système Français prend en compte les 25 meilleures années. L’étendre à toute la vie serait plus juste et réduirait les distorsions du marché du travail. ARRCO, le principal régime de retraite fonctionne déjà avec un système à points » explique Edward Whitehouse.

Pourtant, bien malin sera le politique qui parviendra à appliquer en France les recettes suédoises.

Une tradition de consensus qui nous fait défaut

En effet, la Suède nourrit depuis longtemps une forte tradition de consensus. C’est un cliché qui se vérifie : il a fallu près de 15 ans de négociations et de compromis pour que les partis réunis autour de la table des négociations parviennent à un accord définitif, mettant en place un système financièrement équilibré et pérenne.

En outre, là où la réforme française est dictée directement par l’Élysée, les autorités suédoises ont inclut aux négociations la grande majorité des partis politique. Résultat ? Un processus de réforme qui a débuté au milieu des années 80 pour une adoption au Parlement en 1998… avec près de 80 % des voix. La Suède a ainsi réussi ce qui nous apparaît comme un tour de force politique : affranchir une réforme profonde et contestée des échéances électorales.

Oui mais voilà, la France n’est pas la Suède. « Il y a eu là-bas 15 ans de négociations, or nos caisses n’ont pas 15 années de réserve devant elles, les choses sont différentes » rappelle Éric Aubin. En effet, les caisses de retraites suédoises ont longtemps été bénéficiaires et ont pu accumuler de solides réserves, s’octroyant une marge de manœuvre plus que confortable.

De lourdes différences structurelles

Adapter le modèle suédois est structurellement délicat. Selon Arnaud Robinet « la Suède a un système simple transparent et beaucoup plus lisible. En France il y a plus de 35 régimes de retraite différents ». Par ailleurs, l’ancien système suédois était déjà largement unifié, ce qui l’a rendu beaucoup plus facile à réformer que nos multiples régimes spéciaux. C’est aussi l’avis d’Edward Whitehouse : « en France, il serait complexe de mettre en œuvre le système suédois à cause du grand nombre de régimes appliqués aux différents groupes de salariés. Cela aurait beaucoup moins de sens d’avoir une partie du système qui resterait inchangée et une autre qui fonctionnerait à la suédoise ».

Plus largement, le modèle Français semble avoir de beaux jours devant lui, que ce soit pour la majorité ou pour l’opposition.

Un modèle français pas encore enterré

Pour Éric Aubin, pas la peine d’envisager une réforme systémique à la suédoise, car l’enjeu se situe davantage dans la question de la répartition des richesses que dans la structure du système :

« Notre système est viable, il a fait ses preuves depuis 1945, notamment quand le pays était en difficulté à la sortie de la guerre. Il faut redéfinir le financement de la protection sociale en France, et notamment le financement des retraites. Nous n’avons pas besoin de réforme totale. Depuis 20 à 30 ans, plus de richesses sont redistribuées aux actionnaires et de moins en moins à la protection sociale. Sarkozy avait pointé ce problème mais rien n’a jamais été fait pour rééquilibrer »

Le député Arnaud Robinet partage le même constat et estime que « nous devons sauvegarder le système par répartition, qui relève de la solidarité intergénérationnelle. Le système français parviendra à l’équilibre 2018, mais il faut le renforcer. Nous avons la possibilité, en France de consolider le système par répartition. »

Reste à voir si une retraite menée au pas de charge peut montrer la même stabilité politique qu’une réforme négociée sur 15 ans, dont l’équilibre financier et la pérennité politique semblent à l’abri de toute forme de contingence. Les hommes politiques français seraient de toute façon bien inspirés de prendre exemple sur les pays du nord et la social-démocratie scandinave, du moins ce qu’il en reste.

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Crédits Photo CC Flickr : Matti Mattila, Stewf & Danko.

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Rapport Cardoso : les subventions inorganisées d’une presse sous perfusion http://owni.fr/2010/09/17/rapport-cardoso-les-subventions-inorganisees-dune-presse-sous-perfusion/ http://owni.fr/2010/09/17/rapport-cardoso-les-subventions-inorganisees-dune-presse-sous-perfusion/#comments Fri, 17 Sep 2010 15:42:40 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=28371 Le 8 septembre dernier, le consultant Aldo Cardoso a remis aux ministres du Budget et de la Culture son rapport sur “la gouvernance des aides publiques à la presse”. Long d’une centaine de pages, ce rapport présente 15 propositions, applicables sur une période de 5 ans (2012 – 2016) et destinées à améliorer le contrôle, l’utilisation et l’efficacité des aides que l’État octroie à la presse.

Le 23 janvier 2009, lors d’un discours détaillant les grandes mesures tirées des États Généraux de la presse écrite, Nicolas Sarkozy avait souligné la nécessité de “clarifier les objectifs, modifier la gouvernance et contrôler l’utilisation” de la vingtaine d’aides à la presse qui existent aujourd’hui en France. C’est dans cette optique que Christine Albanel et Eric Woerth, alors respectivement ministre de la Communication et ministre du Budget, ont commandité ce rapport en juin 2009.

Un secteur en crise

Le rapport rappelle dans un premier temps les chiffres bien connus d’un secteur économique en crise. La baisse de 12 % de la diffusion payante depuis 1995 et le fort reflux des recettes publicitaires (-17 % en 2009) ont ramené le chiffre d’affaires de la presse française à son niveau exceptionnellement bas de 1993.

Si ce constat n’est pas nouveau, c’est sans doute la première fois que des chiffres aussi détaillés sont dévoilés, à la fois sur la santé globale de la presse française, mais aussi et surtout sur le détail des différentes subventions que l’État lui accorde. OWNI avait par ailleurs pris part à cet effort de transparence il y a quelques semaines, en publiant un document inédit révélant le détail des subventions accordées par le fonds de modernisation à la presse (FDM).

Des aides publiques inefficaces

Tout aussi inquiétant que l’état économique de la presse : l’inefficacité des aides publiques. Le rapport Cardoso dresse ainsi un bien triste portrait de leurs effets sur le dynamisme de la presse.

Depuis la libération, le dispositif des aides s’est étoffé, complexifié, sédimenté et force est de constater que même s’il représente aujourd’hui environ 12 % du chiffre d’affaires du secteur économique, il n’a pas permis l’émergence ou la présence de titres de presse forts et indépendants de l’aide publique.

Le rapport avance même un chiffre éloquent : près de 80 % des aides distribuées par l’état seraient utilisées à des seules fins de fonctionnement, contre seulement 20 % pour des investissements.

L’accent est également mis sur la dépendance forte de certains types de presse aux aides publiques. Ainsi la part de ces dernières dans le budget de la presse d’information politique et générale (IPG, les journaux d’information et/ou partisans soutenus dans un soucis de “pluralisme”) est bien plus importante que pour les autres secteurs. A titre d’exemple, elles représentaient 55 % du chiffre d’affaires de France Soir en 2008 (contre 12 % en moyenne).

On peut s’attendre en toute logique à ce que cette part aille en augmentant dans les années à venir. Cette concentration a déjà été amorcée depuis plusieurs années et aujourd’hui, près d’un tiers des subventions publiques cible déjà la presse IPG.

Le rapport pointe également l’extrême complexité du système des aides publiques. Il suffit de jeter un oeil au tableau qui y figure pour comprendre : grand nombre de fonds et programmes d’aides, multiplicité des bénéficiaires et stratification des dispositifs empêchent presque mécaniquement une bonne gouvernance globale et stratégique des fonds publics.

Plus préoccupant encore, on constate dans le rapport que jusqu’ici, les pouvoirs publics n’ont eu ni stratégie globale, ni moyens de contrôle suffisants sur les aides qu’ils ont accordés. Ainsi, un interlocuteur anonyme rencontré par Aldo Cardoso explique que, loin de subvenir aux besoins d’une ‘fonction’, en l’occurrence celle d’informer, les subventions tendent au contraire à soutenir ‘des acteurs et une industrie’”. “Défaut de pilotage global”, “expertise insuffisante”, “faible adéquation de certains projets aux besoins du secteur”, “indigence des indicateurs”, “faiblesse des moyens consacrés à l’évaluation” sont autant de reproches formulés à l’encontre de la puissance publique.

Fort de ce triste constat, le rapport propose 15 solutions réparties sur 4 grands axes afin de réformer la gouvernance de ces aides.

Une structure d’octroi et de contrôle des subventions repensée

Le rapport propose ainsi le conditionnement de l’octroi des aides à un dialogue et à une “prise d’engagements clairs et évaluables” dans le “respect des priorités” stratégiques de l’État. Il liste également une série d’outils qui pourraient être pris en compte dans la mesure et l’évaluation en amont et en aval des subventions : taux de profit, de réabonnement, le coût moyen annuel d’impression, les effectifs du journal… Ce qui ne manque pas de susciter des interrogations quant aux procédures qui ont cours actuellement.

La structure administrative de contrôle et de suivi des aides doit également être repensée. Le rapport préconise une séparation stricte entre les fonctions de pilotage stratégique et celles de contrôle de l’utilisation des fonds publics, tout en établissant un pilotage global et commun à toutes les aides. Et rappelle également qu’en vertu de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000, les détails des subventions sont librement accessibles à qui en fait la demande (journalistes inclus). Un autre moyen de contrôle…

In fine, la structure d’octroi et de contrôle devrait ressembler à ceci, si les préconisations du rapport sont appliquées.

Priorité à l’innovation !

Une autre proposition significative est celle de la réorientation des aides vers l’innovation et “l’invention de nouveaux modèles”, c’est à dire sur des projets susceptibles de provoquer “un effet de levier”, susciter la “diversification plurimédia” et soutenir “les laboratoires et incubateurs d’innovation”. Tout ceci afin d’encourager ce qu’Aldo Cardoso considère comme “l’avenir de la presse”, à savoir “sa capacité à réinventer ses contenus”. Il faut noter par ailleurs qu’à l’heure actuelle, seuls le FDM et le SPEL ont pour mission explicite de favoriser l’innovation (accordant un financement sur projet et non pas de manière automatique).

Au niveau structurel, le rapport préconise une maîtrise des coûts plus stricte mais annonce des effets surprenants par leur ampleur, puisque d’après les calculs de l’Inspection Générale des Finances menés sur une structure de coûts classique d’un titre de presse, le taux de profit pourrait passer – si les préconisations du rapport sont mises en oeuvre – de – 2 % à + 13 % !

Création d’un fonds stratégique unique pour 2012 – 2016

Une des réformes clés appelées de ses vœux par le rapport Cardoso est la création d’un fonds stratégique de la presse, qui rassemblerait l’essentiel des aides publiques. Ce qui n’est pas sans poser problème puisque des instances globales de régulation existent déjà, comme l’ARCEP (pour l’aide postale) ou la DGMIC.

De plus, le rapport élude un peu la question de savoir comment cette nouvelle gouvernance va respecter les règles de concurrence, et surtout comment elle conciliera ce contrôle accru avec l’impératif de neutralité de l’État. Par ailleurs, il est quelque peu surprenant que l’objectif affiché du fonds de soutenir l’innovation ne soit mis en oeuvre que par la fusion de fonds prééxistants et non par la création de nouveaux fonds.

Maintenir le montant des aides directes

En raison notamment d’un fort recul des aides indirectes (distribution, crédits d’impôts…) du à la fin des accords État Presse Poste, il est extrêmement probable que le montant global des aides connaisse un net reflux, de l’ordre de 20 % d’ici à 2016, explique le rapport. Ce dernier propose de compenser cette perte en maintenant l’augmentation des aides directes initiée après les Etats Généraux, à hauteur de 900 millions d’euros sur cinq ans, qui seraient redéployés progressivement vers le fonds stratégique nouvellement créé.

Et la presse en ligne ?

Si le rapport ne préconise rien de révolutionnaire concernant la presse en ligne, plusieurs de se propositions semblent à retenir.

En premier lieu, il envisage de ramener la TVA applicable à la presse sur Internet, aujourd’hui de 19,6 %, au taux super-réduit (2,1 %) qui profite actuellement à la presse traditionnelle. Remédier à ce déséquilibre illogique – après tout, seul le support change, pas le contenu – est dans l’air depuis un bon moment déjà. Seul problème, cela nécessiterait une modification de la législation européenne… Plus largement, le rapport préconise de ne pas établir de différence de “traitement hermétiquement différent” de celui de la presse traditionnelle à quelque niveau d’intervention étatique que ce soit.

Le rapport déconseille par ailleurs d’adopter le projet un temps envisagé de mettre en place une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet pour résorber le déficit de la presse papier et met en évidence les difficultés de répartition qu’une telle mesure entraînerait.

Enfin, il rappelle qu’Internet n’est pas responsable de tous les maux de la presse écrite traditionnelle :

L’offre de presse en ligne n’est pas à l’origine du reflux de la diffusion de la presse écrite, qui s’inscrit dans une tendance de long terme.

À l’inverse, le rapport place au coeur des dynamiques d’innovation à encourager l’exploitation “des opportunités de mise en valeur qu’offrent les nouveaux supports de diffusion” afin qu’ils “collent à des usages en perpétuelle évolution”.

Et maintenant ?

Même si des questions subsistent, le rapport soulève plusieurs points cruciaux, notamment en incitant les pouvoirs publics à se doter d’une gouvernance globale et de véritables instruments de contrôle. Il convient également de retenir la concentration des efforts en vue de transformer des subventions de fonctionnement et aux acteurs (donc inefficaces) pour les concentrer sur un secteur et pour l’innovation.

Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a annoncé le 9 septembre dernier la mise en place d’un forum qui se réunira au mois d’octobre afin de définir “les modalités de mise en œuvre progressive” des mesures préconisées par le rapport Cardoso. De là à envisager une mise en application rapide ?

La multiplication des annonces d’économie budgétaires, des priorités gouvernementales bien loin des médias, couplés au climat délétère qui règne actuellement entre la presse (trotsko-fasciste) et le pouvoir permettent malheureusement d’en douter.
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Merci à Vincent Truffy et à Albéric Lagier pour leurs précieux éclairages.

> Téléchargez le rapport Cardoso dans son intégralité
> Voir la structure actuelle des aides publiques à la presse.
> Retrouvez l’intégralité de notre dossier du jour sur les aide à la presse .
> Consultez tous nos articles sur les subventions à la presse, notamment “Subventions à la presse : l’heure des fuites ?”.

Crédits Photo CC Flickr : .zahrky

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Thot: découvrez la “Vegetal Noise Music” http://owni.fr/2010/09/09/thot-decouvrez-la-vegetal-noise-music/ http://owni.fr/2010/09/09/thot-decouvrez-la-vegetal-noise-music/#comments Thu, 09 Sep 2010 13:35:30 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=26460 Thot compose des morceaux aux accents post industriel avec talent. Il est aussi un groupe qui a fait le pari d’une stratégie centrée sur ses fans et en dehors des circuits traditionnels de l’industrie musicale. Découvrez son interview et une vidéo de la reprise tonitruante du morceau de Justice Waters of Nazareth.

Qui est derrière Thot?

Je m’appelle Grégoire Fray, je suis Français et je réside à Bruxelles depuis 10 ans. Je suis le leader du groupe Thot dont je suis le chanteur, guitariste, claviériste mais également compositeur, parolier, directeur artistique et producteur.

Énergie maximum, électricité, ambiances aériennes,  images envoûtantes, le gain à 12.

Tu qualifies le style de Thot de “Vegetal Noise Music”: qu’est ce que ça veut dire?

Le style de Thot se situe entre rock industriel ou post industriel, musique électronique, rock’n'roll mais aussi ambiant ou acoustique. Mais c’est sous l’étiquette originale de “Vegetal Noise Music” que je préfère présenter le projet. Ce terme résume également l’univers très personnel, à la fois végétal et poétique, dans lequel les protagonistes sont des chardons électriques, des collines silencieuses ou encore des éoliennes bavardes.

Je développe ainsi (en collaboration avec un ami graphiste, Sébastien Bontemps, aka Truc.Graphic et notre vidéaste live, Arielle Moens) une identité visuelle très forte, que ce soit par le biais des artworks  des sorties, les clips ou projections live. Sur scène justement, Thot est composé de 4 musiciens (Gil, Hugues, Julien et moi) et donc, d’une VJ (attention, pas DJ!!!), Arielle.

Énergie maximum, électricité, ambiances aériennes,  images envoûtantes, le gain à 12. Ça va vite et ça va fort dans les émotions. Pas de concessions.

Où vas-tu ?

J’ai arrêté de courir après une maison de disque

Pas de concessions non plus vis-à-vis de la musique, des textes, de la démarche sonore, du discours et des choix stratégiques concernant le nouvel album prévu pour la fin 2010. Soutenu par l’agence de com’ Domino Media, j’ai décidé d’arrêter de courir après une maison de disque et de continuer à croire qu’on ne peut pas exister en tant que musicien si on ne fait pas partie d’un circuit officiel. C’est un choix qui découle d’une envie et du constat que la musique de Thot n’intéressait aucun label lorsque j’ai fait les démarches officielles.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Une communauté de fans: Les Vegetal Noise Lovers

L’avenir apportera peut-être de bonnes nouvelles, mais d’ici là, ce qui est important pour moi, c’est de partager l’univers de Thot avec une communauté de fans toujours grandissante, et avec un public plus large : par le biais des sorties des singles qui vont conduire à la sortie de l’album mais aussi via les concerts. J’en tire une grande liberté de mouvement et les retours, qu’ils soient des fans ou des médias qui nous soutiennent (blogs, webzines, radios) me confortent dans l’idée que la stratégie est pour l’instant la bonne, adaptée à nos besoins et capacités.

Un partage sans contrainte de la musique

Une stratégie basée sur le “direct to fan” (je m’appuie sur ma communauté de fans pour faire découvrir et diffuser ma musique), sur les réseaux sociaux, sur l’interactivité et les rencontres autours de l’univers musique et visuel de Thot. Un partage sans contraintes de la musique, et une réelle revendication du pouvoir des fans quant à sa diffusion. Loin de vouloir leur demander ce qu’ils aimeraient entendre,  mais les inviter à se créer leur propre histoire avec la matière sonore qui est distillée au grée des singles.

Ce n’est pas un manifeste universel, ce sont mes propres choix et mes propres envies. Je les applique autant à la musique qu’a ma vie personnelle.

Prochain concert de Thot: samedi 11 septembre à l’Autumn Rock Festival, Belgique

Retrouvez le groupe sur :

http://www.thotweb.net
http://www.facebook.com/thotmusic
http://www.twittter.com/thotmusic
http://thot.bandcamp.com
http://www.myspace.com/thot

Photo de Grégoire Fray par Guillaume Kayacan

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Art District – Cell http://owni.fr/2010/08/30/art-district-cell/ http://owni.fr/2010/08/30/art-district-cell/#comments Mon, 30 Aug 2010 15:06:41 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=26147 Si on se contentait des 10 chansons de leur premier album éponyme, on serait bien en peine de deviner d’où nous viennent les sept lascars d’Art District.

À équidistance des Roots et autres A Tribe Called Quest, leurs influences sont autant d’indices qui prennent un malin plaisir à nous perdre. On se prend à les imaginer débarquant directement de la côte Est, qui défile sous nos yeux au son de leurs influences jazz et funk.

Pourtant, même si c’est bien à l’Est qu’a éclot ce collectif, bien loin de Philadelphie et de New York, c’est à Strasbourg qu’il brûle ses premières planches.

Né du hasard et d’une rencontre improbable entre un MC New-Yorkais et une bande de zicos alsaciens, Art District a écrit plus de tubes en un seul et unique album que pas mal de groupes dans toute leurs carrières. D’un “Back in the day” presque lascif et envoûtant à un “Moz’Art District” enjoué et en passant par un “Cell” urgent et incandescent.

Cell“, justement. C’est le titre que nous avons choisi, frappés par son évidence. Un refrain tonitruant, une basse délicieusement funk et un flow bondissant font de cette chanson un hymne délicieusement groovy.

Élégant et évident, cet hymne ne pouvait rester longtemps étranger à cette étrange aventure qu’est OWNImusic. L’album est en écoute un peu partout, et disponible sur le site du groupe.

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> Lire une interview du groupe

> Écouter l’album sur Deezer

> Écouter l’album sur Spotify

Crédits photos CC : Elements Records

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