OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Twitter vend vos 140 caractères http://owni.fr/2012/03/07/nos-tweets-vendus-de-quel-droit/ http://owni.fr/2012/03/07/nos-tweets-vendus-de-quel-droit/#comments Wed, 07 Mar 2012 18:34:03 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=101099

La semaine dernière, tombait cette nouvelle consternante que le chant des oiseaux pouvait être approprié par le  biais du droit d’auteur… Hasard ou coïncidence, nous apprenions également que Twitter avait vendu pour plus de 250 millions de dollars nos “gazouillis”. Les messages échangés sur le réseau social  ont en effet été cédés  à deux compagnies anglaises, Gnip et Datasift, qui pourront exploiter les tweets archivés depuis deux ans.

En vertu de cet accord, ces sociétés pourront accéder  non seulement aux textes des tweets, mais également aux autres données liées aux micromessages, afin de produire des analyses poussées. Ce datamining devrait permettre à des marques de déceler à partir des données sociales des tendances quant aux comportements et préférences de leurs clients.

Bien que l’accord ne porte que sur les tweets publiés, à l’exclusion des messages privés et des tweets supprimés, de nombreuses protestations ont fusé, notamment aux États-Unis, au nom des dangers en matière d’atteinte à la vie privée que ce type d’arrangements comporte. L’infographie ci-dessous montre bien le grand nombre d’informations personnelles qu’un simple tweet peut contenir :

Map of a Twitter Status Object. Par Raffi Krikorian.

D’autres critiques ont pointé le fait que les utilisateurs de Twitter pouvaient se prévaloir d’un droit de propriété intellectuelle sur leurs timelines, qui aurait été bafoué par cet acte de vente. Cette question est cependant complexe à trancher, car il est loin d’être certain que nos tweets soient suffisamment originaux pour constituer des “œuvres de l’esprit“, protégeables par le droit d’auteur.

La vente de ses archives s’inscrit pour Twitter dans la quête d’un modèle économique viable, qui s’est toujours avérée problématique. Néanmoins pour qu’il y ait vente, encore faut-il que Twitter puisse se prévaloir d’un titre de propriété sur les contenus produits par ses utilisateurs. De ce point de vue, il est intéressant de se plonger dans le passé, car l’évolution des conditions générales d’utilisation du site (CGU) montre que cette vente a été préparée depuis plusieurs années, par de subtils glissements de clauses contractuelles.

Petite archéologie des CGU de Twitter

Les conditions d’utilisation de Twitter ont changé plusieurs fois dans le temps et l’on trouve sur cette page du site un historique des différentes versions, qu’il est intéressant de comparer.

A l’origine en effet, depuis sa création en 2006 jusqu’en 2009, Twitter s’affichait comme un des réseaux les plus “loyaux” vis-à-vis de ses utilisateurs et se distinguait de ce point de vue nettement d’un Facebook, qui s’est toujours montré  agressif dans l’appropriation des contenus de ses usagers.

La première version des CGU du site affichait fièrement la devise “Ce qui est vôtre est vôtre” :

Copyright (Ce qui est Vôtre est Vôtre)

1. Nous ne revendiquons aucun droit de propriété intellectuelle sur le contenu que vous fournissez au service Twitter. Votre profil, ainsi que le contenu que vous avez envoyés reste les vôtres. Vous pouvez supprimer votre profil à tout moment en supprimant votre compte. Cette action supprimera également n’importe quel texte et image que vous avez enregistré dans le système.

2. Nous encourageons les utilisateurs à faire partager leurs créations dans le domaine public ou d’envisager la licence progressive.


Ces engagements de Twitter étaient très forts et se rapprochaient assez sensiblement de ceux du Bill of Rights du réseau social alternatif Diaspora par exemple, qui a mis le respect des droits de ses utilisateurs au centre de son fonctionnement :

7. Control: We will work toward enabling users to own and control their data and won’t facilitate sharing their data unless they agree first.

Par ailleurs, le fait d’inciter les usagers à placer les contenus créés dans le domaine public ou sous une licence libre rapprochait Twitter de médias sociaux comme Wikipedia ou Flickr, qui favorisent la constitution de biens communs informationnels.

Cependant, il existait une faille de taille dans la “loyauté” de ces conditions d’utilisation, dans la mesure où Twitter ne s’engageait nullement à leur maintien pour l’avenir :

Nous nous réservons le droit de modifier les présentes Conditions d’Utilisation à tout moment. Si les modifications constituent un changement important des conditions d’utilisation, nous vous notifierons par courrier électronique ou non, suivant les paramètres que vous avez choisis pour votre compte. Ce qui constitue un “changement important” sera déterminé à notre seule discrétion, en toute bonne foi suivant notre bon sens et notre jugement.

Finalement en 2009, alors que la pression du modèle économique devenait de plus en plus pressante, Twitter décida de faire jouer cette clause afin de produire une deuxième version de ses CGU, tout en paraissant rester fidèle à son engagement “Ce qui est à vous est à vous“.

Vos droits

L’utilisateur conserve ses droits sur tout Contenu qu’il soumet, publie ou affiche sur ou par l’intermédiaire des Services. En soumettant, publiant ou affichant un Contenu sur ou par le biais des Services, l’utilisateur accorde à Twitter une licence mondiale non exclusive, libre de redevance avec le droit de sous-licencier, utiliser, copier, reproduire, traiter, adapter, modifier, publier, transmettre, afficher et distribuer le Contenu à tous les médias ou à toutes les méthodes de distribution (connues à présent ou développées ultérieurement).

Cette licence nous autorise à rendre vos tweets publics pour tous et autorise les autres utilisateurs à faire de même. Mais, ce qui est à vous est à vous - le contenu des tweets est le vôtre.

L’utilisateur convient que cette licence accorde le droit à Twitter de mettre le Contenu à la disposition d’autres sociétés, organisations ou individus qui travaillent en partenariat avec Twitter pour la syndication, la diffusion, la distribution ou la publication d’un tel Contenu sur d’autres supports et services, soumis à nos termes et conditions d’utilisation du Contenu.

La lecture des passages en gras laisse une désagréable sensation de contradiction, car si “ce qui est à nous est nous“, les contenus sont également à Twitter, ainsi qu’aux sociétés partenaires avec lesquelles il fait affaire. C’est exactement ce qui vient de se produire avec Datasift et Gnip, à qui Twitter a revendu les tweets sur la base de cette “licence mondiale sous-licenciable” que lui accordent ses usagers. Ce régime assez troublant de “propriétés parallèles” sur les contenus se retrouve en réalité sur la plupart des réseaux et médias sociaux aujourd’hui.

Conflits de co-propriété sur les contenus de Twitter

A vrai dire, si l’on se plonge un peu dans le passé, Twitter a déjà fait l’objet de tensions quant à la propriété de son contenu, qui résultent en grande partie de ce régime de propriétés superposées.

Une première polémique avait en effet éclaté en 2010 aux États-Unis lorsque Twitter avait conclu un accord avec la Bibliothèque du Congrès pour le dépôt et la conservation de ses archives. Au nom de la protection de la vie privée, beaucoup de protestations s’étaient élevées, invoquant un manquement de la part de Twitter aux obligations le liant à ses usagers.

Bien que Twitter dispose d’une licence sur ses contenus, certains estimaient que les usagers pouvaient vouloir faire disparaître certains tweets et que cette décision devait entraîner une suppression de l’archive de la Bibliothèque du Congrès. Du fait de ces complications, il aura fallu plus d’un an et demi à la Bibliothèque du Congrès pour ouvrir effectivement ce service aux chercheurs, dans des conditions très contrôlées.

Étrangement, dans le même temps, Twitter avait annoncé un partenariat avec Google pour permettre au moteur de recherche d’indexer ses archives et de proposer en ligne un service appelé Google Replay, qui s’avérait finalement assez proche du service proposé aujourd’hui par Datasift ou Gnip. Cette fonctionnalité avait même été  intégrée un temps aux onglets de Google,  à l’instar de  Google Images ou Googles Actualités. Mais avec l’arrivée de Google +, le réseau social du géant californien,  des tensions entre les deux firmes ont conduit fin 2011 à la rupture de ce partenariat, ce qui a laissé à Twitter le champ libre pour une revente de ses archives à d’autres sociétés.

Par ailleurs, d’autres tensions sont apparues à propos de la propriété des contenus de Twitter et notamment des images échangées via des applications tierces, comme Twitpic ou Yfrog. Une affaire avait par exemple éclaté lorsque l’AFP avait repris et exploité sans autorisation une photo prise par un reporter lors du tremblement de terre à Haïti en 2010 et échangée sur l’instant sur Twitter, via l’application Twitpic.

L’agence, qui soutenait que les contenus rendus publics sur le réseau devenaient “libres de droits”, avait finalement été sévèrement condamnée par un tribunal de New York, qui avait reconnu au contraire que les usagers de Twitpic restaient propriétaires des contenus partagés. Un peu plus tard, lors des émeutes de l’été 2011 en Angleterre, la BBC revendiqua elle-aussi le droit d’utiliser librement les photographies publiées sur Twitter, sur la base du fait que leur circulation sur le réseau les faisait appartenir au “domaine public”. Devant la tornade de protestations déclenchée par ses propos, la chaîne anglaise avait été forcée de s’excuser et de modifier sa position.

Les conflits de copropriété des contenus peuvent également survenir entre utilisateurs de Twitter. En 2011 par exemple, les Inrocks se faisaient l’écho d’utilisateurs spécialisés dans l’humour sur Twitter se plaignant que certains de leurs bons mots soient repris par les médias traditionnels, par exemple comme titres d’articles,  ou par des comiques dans leurs spectacles.

L’article avait d’ailleurs soulevé un débat intéressant quant à la possibilité de plagier ou de “contrefaire” un tweet, ce qui ne peut être admis que si l’on arrive à démontrer qu’un message de 140 caractères est suffisamment original pour être protégé par le droit d’auteur. Ce terrain est d’ailleurs assez glissant, car poussé jusqu’à l’absurde, il permettrait de considérer un simple ReTweet comme une contrefaçon !

Mais les problèmes posés par le régime de “double propriété des contenus” avaient surtout été révélés en 2011 par la polémique soulevée par Twitpic, lorsque cette plateforme conclut un accord avec l’agence de presse WENN, afin de lui accorder un droit exclusif d’exploitation des photos publiées par ses usagers. Cet arrangement avait montré que la licence accordée par les utilisateurs d’un réseau pouvait bien à tout moment servir à ce dernier à revendre les contenus à des tiers. C’est finalement ce qui vient de se passer avec Twitter avec la revente de ses données à Datasift et Gnip.

Twitter pouvait-il revendre ses contenus à des tiers ?

Peut-on réellement contester à Twitter le droit de revendre ainsi ses contenus ?

L’auteur du blog AnglePI pense pouvoir démontrer que cet acte de vente n’est pas valable, en s’attaquant à la validité de la licence imposée par Twitter à ses utilisateurs. En effet, il considère qu’un certain nombre de tweets peuvent être reconnus comme des “œuvres de l’esprit” originales, susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. Si c’est le cas, un formalisme particulier est imposé par le droit français en matière de cession des droits, que ne respecterait pas les conditions d’utilisation de Twitter. Il existe notamment une règle dans le Code de Propriété Intellectuelle français qui veut que “la cession globale des œuvres futures est nulle“. Twitter ne pourrait donc imposer à ses utilisateurs de lui céder un droit sur leurs tweets, postérieurs à l’inscription.

Des critiques similaires avaient été faites, sur la base du droit français, au site de partage de photos Darqroom, par la juriste Joëlle Verbrugge sur son blog Droit et Photographie, que l’on peut transposer aux conditions de Twitter. En effet, le droit d’auteur français impose pour que les cessions de droits soient valides que “le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée“. Or les clauses très larges que l’on retrouve dans la plupart des CGU des réseaux sociaux sont sans doute trop imprécises pour satisfaire à ces exigences.

Le problème, c’est que pour que ce raisonnement soit valide, encore faut-il que les tweets puissent bien être considérés comme des œuvres de l’esprit. Or comme j’ai déjà eu l’occasion de le montrer par ailleurs, il est probable que seule une petite partie des messages échangés sur Twitter satisfassent aux conditions posées par les juges pour reconnaître la présence d’une œuvre originale. Très proche de l’oralité et de la conversation usuelle, Twitter permet principalement d’échanger des considérations factuelles et des informations brutes, qui ne peuvent être protégées.

Certes le droit français (à la différence du droit américain) permet de protéger en eux-même des titres d’œuvres, ce qui prouve que des formes courtes peuvent être admises à la protection du droit d’auteur. Mais l’originalité est également conçue d’une manière assez exigeante par les juges français. Récemment par exemple, un tribunal a estimé qu’un cours magistral ne constituait pas une création suffisamment originale pour être protégée par le droit d’auteur. D’autres décisions ont confirmé que toutes les photos n’étaient pas des créations originales, à défaut de porter “l’empreinte de la personnalité de leur auteur“.

Dès lors, on ne pourrait apporter de réponse qu’au terme d’une analyse des tweets l’un après l’autre, ce qui serait épouvantablement complexe en cas de procès. La licence de Twitter serait sans doute valable pour certains tweets et pas pour d’autres. Ce “pointillisme” rendrait un procès engagé contre Twitter nécessairement hasardeux.

Ajoutons par ailleurs que dans le cas de l’affaire qui avait opposé l’AFP à un photographe utilisateur Twitpic, le tribunal américain en charge du dossier avait été amené à se prononcer sur la validité de la licence exigée par Twitpic et ne l’avait pas remise en cause. On vient cependant d’apprendre qu’un juge allemand a condamné la licence de Facebook, proche de celle de Twitter, comme incompatible avec les règles du droit d’auteur. Quelle serait la réponse d’un juge français confronté à une telle question ? Il est hasardeux de répondre, mais cela donnerait lieu à un procès passionnant !

Tout ceci amène à conclure que du point de vue de la propriété intellectuelle, on reste dans un certain flou quant à la validité de ces ventes de contenus opérés par les réseaux de contenus. Ces incertitudes reflètent la difficulté qui existe pour le droit d’auteur “classique” à saisir des contenus aussi volatils, fugitifs et circulants que les tweets.

Juridiquement, la vente de ses archives par Twitter pose d’ailleurs des questions beaucoup plus tangibles de protection des données personnelles. Car même si les contenus postés par les utilisateurs sont “publics” par défaut sur le réseau, il existe des conditions supplémentaires posées par la loi, en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel, dont le datamining effectué par les partenaires de Twitter constitue un exemple. Et de ce point de vue, Twitter soulève d’autres questions, notamment en ce qui concerne l’usage des applications mobiles.

L’arbre Twitter qui cache la forêt des médias sociaux…

Nous avons vu que c’était ce régime de “propriété parallèle” sur les contenus échangés sur les réseaux sociaux qui créait ces situations complexes et pathogènes. Mais la situation peut être plus compliquée encore et la propriété de nos contenus prend parfois une forme  ”kaléidoscopique”, surtout pour les plus connectés d’entre nous.

Il y a quelques temps, je m’étais amusé à poster sur Twitter le message “Quel est le statut juridique de cette phrase”, pour le suivre sur les différents réseaux qui étaient connectés à mon compte.

Parti de Twitter, le message rebondissait sur Facebook, puis passait sur LinkedIn, sur Friendfeed, Identi.ca, pour finir sur mon portail Netvibes (et peut-être ailleurs encore sans que je ne m’en aperçoive…). Le résultat de cette petite odyssée, c’est que cette phrase s’est retrouvée soumise à au moins six contrats distincts, tous subtilement différents, en fonction des licences concédées aux plateformes !

Au final, il en résulte un inextricable sac de nœuds contractuels… à l’image de cette propriété diffractée qui est notre lot sur le web des médias sociaux. En connaissant mieux les licences et les conditions d’utilisation, l’usager serait sans doute mieux à même de faire son propre choix, car toute cette chaîne d’exploitation des contenus repose en définitive sur le consentement de l’utilisateur.


Illustration principale par Marion Boucharlat pour Owni /-)
Illustrations par Tsevis (CC-byncnd) via sa galerie Flickr

]]>
http://owni.fr/2012/03/07/nos-tweets-vendus-de-quel-droit/feed/ 20
Occuper Wall Street et son esprit http://owni.fr/2011/10/07/rentrer-dans-la-finance/ http://owni.fr/2011/10/07/rentrer-dans-la-finance/#comments Fri, 07 Oct 2011 21:22:13 +0000 mckenzie wark http://owni.fr/?p=82663 L’occupation n’a en réalité pas lieu à Wall Street. Il y a bien une rue qui porte le nom de Wall Street à Manhattan, mais Wall Street représente ici un concept, une abstraction. L’occupation en cours consiste donc à s’emparer d’une petite place (quasi) publique dans les environs de Wall Street, dans le quartier financier, et à en faire une sorte d’allégorie.

Contre cette abstraction qu’est Wall Street, l’occupation propose une autre histoire, peut-être non moins abstraite.

L’abstraction que représente Wall Street comporte un double aspect. D’un côté, Wall Street renvoie à un certain type du pouvoir, un oligopole d’institutions financières qui retire à chacun de nous une rente sans que nous en ayons jamais retiré grand chose. Le slogan du vieux complexe militaro-industriel était “ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique”. Aujourd’hui, le slogan de cette classe de rentiers est : “Ce qui est bon pour Goldman Sachs ne te regarde pas!”.

La classe des rentiers est un oligopole à côté duquel les aristocrates français du XVIIIe siècle passent pour des gestionnaires bien organisés et sérieux. Si l’on en croit leur porte-parole, la classe des rentiers est une espèce si délicate qu’elle ne se lève pas le matin pour moins de 1000 dollars la journée. Leur constitution est si sensible qu’à la moindre remarque désobligeante, ils vont prendre leur argent et bouder dans un coin. Pour couronner le tout, ils ont si mal géré leurs affaires qu’une énorme quantité d’argent public a été nécessaire pour maintenir leur business.

L’abstraction que constitue Wall Street correspond aussi à quelque chose d’autre, une forme inhumaine de pouvoir qui affecterait quiconque foule le sol du quartier financier. Qualifions ce pouvoir de vectoriel. C’est une combinaison de fibre optique et d’un nombre impressionnant d’ordinateurs. Une immense proportion de l’argent en circulation dans le monde est échangée au moment même où vous lisez ces lignes. Les ingénieurs pensent maintenant sérieusement à réaliser ces transactions à la vitesse de la lumière. Dans cette acception abstraite, Wall Street renvoie à de nouveaux robots suzerains, sauf qu’ils ne viennent pas de l’espace.

Un refus de revendications

Comment occuper une abstraction ? Peut-être uniquement avec une autre abstraction. Occupy Wall Street s’est emparé d’un jardin plus ou moins public niché au milieu des tours du centre-ville, pas trop loin du site du World Trade Center, et y a installé un camp. C’est une occupation qui n’a presque aucune exigence. A sa base se trouve une idée : et si les gens se rassemblaient et trouvaient un moyen de structurer un débat qui pourrait lui-même aboutir à une meilleure façon de faire tourner le monde ? Pourraient-ils de toute façon faire pire qu’aujourd’hui, sous les efforts combinés du Wall Street comme classe rentière et du Wall Street des vecteurs informatisés, qui échangent des actifs incorporels.

Ce qui manque, c’est la politique elle-même.

Certains observateurs ont interprété l’humilité de cette exigence comme une faiblesse de la part d’Occupy Wall Street. Ces derniers veulent une liste de revendications, et ils n’hésitent pas à en proposer. Mais peut-être que le meilleur aspect d’Occupy Wall Street est sa réticence à faire des demandes. Ce qui reste de la pseudo-politique aux États-Unis est remplie d’exigences. Réduire la dette, couper les impôts, abolir les régulations. Personne ne prend plus la peine ne serait-ce que de justifier tout cela. C’est quelque part admis que seul ce qui importe à la classe des rentiers compte.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ce n’est pas tellement que les rentiers achètent les politiciens aux États-Unis. Pourquoi s’ennuyer quand on peut louer leur service ? Dans ce contexte, l’élément le plus intéressant d’Occupy Wall Street est l’idée que ce qui manque n’est pas les exigences, mais le processus. Ce qui manque, c’est la politique elle-même. Cela peut paraître contre-intuitif, mais il n’y a vraiment pas de politique aux États-Unis. Il y a de l’exploitation, de l’oppression, des inégalités, de la violence et des rumeurs laissent entendre qu’il y aurait encore un État. Mais il n’y pas de politique. Il y a seulement un semblant de politique. Des professionnels qui louent leur influence pour favoriser leurs intérêts. L’État n’est même plus capable de négocier pour les intérêts communs à la classe dominante.

La “politique d’en-bas” est aussi stimulée. Le Tea Party réalise vraiment une excellente campagne marketing. C’est un moyen de rendre attractive les exigences de la vieille classe des rentiers – au moins pour un temps. Comme la malbouffe, ça semble délicieux jusqu’à ce que commence l’indigestion. C’est le ”Contract on America, its Compassionate Conservatism”, mais avec de nouveaux ingrédients ! Le Tea Party a rencontré un certain succès. Mais on ne peut pas tromper tout le monde, tout le temps, et sans doute une nouvelle campagne marketing attend son heure, pour le moment où ça s’essoufflera.

Le génie de l’occupation est simplement de suggérer qu’il peut y avoir une forme de politique qui permet aux gens de se rencontrer, de proposer et de négocier. Cette idée renvoie à l’immense absence au centre de la vie des américains : une nation entière, un empire même, sans politique.

Contre une abstraction, une autre abstraction

Wall Street est le nom d’une abstraction qui a un double sens : une classe de rentiers qui utilise un pouvoir vectoriel pour contrôler les ressources et qui contourne dans le même temps le processus politique dont le rôle minimum serait de prendre en compte les intérêts du peuple. Contre cela, l’occupation propose une autre abstraction, et celle-ci a également un double aspect.

D’un côté, il s’agit de quelque chose de physique : une occupation d’espace. Cela a perturbé la police de New-York (NYPD), qui y a répondu par des tactiques maladroites. La police ne sait tout simplement que faire face à cette occupation pacifique et satisfaite de faire du camping, mais qui déborde sur le week-end de milliers de personnes. Il existe un danger pour que cela déborde également sur le NYPD et ses arrestations foireuses ou leur gestion incompétente de la foule.

Il est possible que Occupy Wall Street effraye un peu les rentiers. Non pas que quelques anarchistes leur posent problème, mais il sont inquiets de la possibilité même d’un enchainement d’évènements qui pourrait résulter de cette action hautement symbolique. En l’absence d’une compétence réelle en ce qui concerne la croissance et l’affinement d’une économie politique, la classe des rentiers a fondamentalement décidé de piller et de mettre à sac ce qui reste des États-Unis. Et au diable les conséquences. Ils ne souhaitent simplement pas être pris en flagrant délit.

L’occupation d’un petit square au centre de New-York n’a guère d’impact sur le pouvoir du vecteur. Cela ne gène même pas le personnel des bureaux alentours, mais l’occupation physique est liée à une occupation plus abstraite, et la seule éventualité que cela puisse se répandre dérange la fragile stabilité des rentiers.

L’occupation empiète sur le pouvoir du vecteur

L’occupation s’étend jusqu’au monde intangible du vecteur, mais pas de la même manière que Wall Street. Le flic qui a été assez stupide pour avoir utilisé du gaz lacrymogène sur des femmes bloquées par un filet, a été identifié par des hackers et son identité a été publiée sur Internet très rapidement. L’incident du pont de Brooklyn, durant lequel la police a laissé les gens envahir la chaussée pour ensuite les arrêter, se retrouve sur Internet. L’occupation est également une occupation des médias sociaux.

Les soi-disant médias grand public ne savent pas comment traiter le sujet. Le formalisme avec lequel l’information générale est traitée est tellement baroque que les diffuseurs en viennent à se demander si l’occupation participe bien de l’”actualité”. Il n’y a pas de communiquant désigné. L’occupation ne bénéficie pas de publicité ni de visibilité. Il n’y a même pas de porte-parole people. Comment cela peut-il être traité en tant qu’actualité ? L’occupation a révélé la pauvreté journalistique en Amérique. Cela est, en soi, une information.

Transférez !

L’abstraction, c’est que l’occupation est double : une occupation de l’espace, quelque part près de Wall Street, et une occupation d’un média social avec des slogans, des images, des vidéos et des histoires.  Keep On Forwarding! (Continuez à transférer!) ne serait pas un si mauvais slogan. Sans même parler de la nécessité de créer un vrai langage politique dans le champ des médias sociaux. Les entreprises qui les possèdent en retireront quand même une rente – il n’y a pas grand chose à faire à cela – mais au moins l’espace peut être occupé par autre chose que de mignons petits chats.

Alors que les intellectuels ont pris l’habitude de parler de La Politique, l’occupation a entrepris de créer une politique avec un petit P qui est abstraite et prosaïque en même temps. Ce n’est pas un hasard si tout a commencé avec ceux que l’on pourrait définir au sens large comme ”anarchistes”. Ils ont travaillé sur la théorie et la pratique pour quelques temps. Le mouvement ouvrier organisé a commencé à y prêter attention quand il devenu évident que ni la police ni les intempéries ne dissuaderaient les anarchistes et ceux qui les suivaient. C’est un peu comme si les travailleurs organisés s’étaient réveillés un matin, avaient vu que l’occupation continuait et s’étaient dit : “Je dois les suivre parce que je suis le leader !”. C’est mieux de récupérer des membres déjà syndiqués dans les lieux de travail, ce qui semble d’ailleurs être la stratégie principale des syndicats.

A ce jour, ce qu’il se passe ici est ce que j’appellerais un étrange événement médiatique mondial. C’est un événement dans la mesure où personne ne peut prédire la suite. C’est un événement médiatique en ce que son destin est lié à l’occupation à la fois de la place Zucotti et des médias. C’est un événement médiatique mondial au moins depuis que la police de New-York a arrêté des gens sur le pont de Brooklyn conférant ainsi à l’occupation une immense publicité gratuit (merci les gars!). C’est un étrange événement médiatique mondial : des éléments sans précédent qui nous sortent de l’ennui du quotidien et de toutes ces choses qui sont généralement contrôlées et pacifiées.

Par exemple, les observateurs s’enferment dans des débats, tentant de savoir s’il s’agit ou non d’un mouvement social. C’est une occupation. C’est dans le titre, au cas où vous l’auriez manqué: “Occupy Wall Street”. Ceux qui y ont prêté attention remarqueront qu’elle fait partie d’une vague mondiale plus large d’anarchistes qui ont inspiré les occupations, grandes et petites. Ma propre université, la New School for Social Research, a été occupée, bien que brièvement, en 2008. C’est une tactique qui a été essayée et affinée depuis quelques années.

Une occupation est conceptuellement l’opposition d’un mouvement. Un mouvement dont le but en est la cohérence, mais qui utilise l’espace comme un espace pour ses troupes. Une occupation ne conditionne pas son sens à ses limites spatiales, mais choisit des espaces significatifs ayant une résonance signifiante dans le terrain abstrait de la géographie symbolique.

Une des raisons pour lesquelles tout fonctionne est que cela ne reproduit pas ce que font les mouvements sociaux, au moins jusqu’à maintenant. C’est aussi loin de la Politique que certains intellectuels veulent bien le dire, mais également différent de la politique du Forum Social ces dernières années. Pour ceux qui veulent une théorie pour aller avec la pratique, il faut se tourner vers autre chose que Negri ou Badizek. Il n’y a pas de multitude, pas d’avant-garde.

Si l’occupation est un peu déroutante pour nous autres intellectuels, imaginez notre pauvre maire milliardaire ! Bloomberg a suggéré que l’occupation incommodait le banquier moyen qui se bat pour s’en sortir avec seulement 40 à 50 000 dollars par an. Le revenu du foyer moyen de mon quartier, qui est plutôt confortable, est juste au-dessous de 40 000 dollars par an – et c’est le revenu d’un foyer. Il est peu probable que la ligne du ”pauvres banquiers !” engrange beaucoup de sympathie.

Comment ça va tourner, personne ne le sait. C’est comme ça lorsque se déroulent “d’étranges événements médiatiques mondiaux”… C’est une épreuve de volonté. La police de New-York n’est pas vraiment disposée à employer massivement la force par peur qu’elle se révèle contre-productif. Il pourrait bien y avoir quelques personnes – anarchistes ou pas- prêtes à se faire arrêter. Cela pourrait provoquer un soutien populaire considérable. Pour une fois, la cible de la mobilisation est globalement méprisée par tout ceux qui n’en bénéficient pas. La clé est de rester concentré sur l’abstraction que constituent Wall Street et les effets pervers qu’à peu près tout le monde ressent dans sa vie de tous les jours.


Article initialement publié sur VersoBooks


Crédits photos: Flickr CC eqqman, david_shankbone, karathepirate

Image de Une CC Flickr Paternité david_shankbone

Retrouvez le dossier complet :

La cote de la révolte
Une lumière crue dans la nuit de la finance

]]>
http://owni.fr/2011/10/07/rentrer-dans-la-finance/feed/ 15
Les réseaux sociaux d’information plus forts que les G.I.’s http://owni.fr/2011/03/25/les-reseaux-sociaux-d%e2%80%99information-plus-forts-que-les-g-i-%e2%80%99s/ http://owni.fr/2011/03/25/les-reseaux-sociaux-d%e2%80%99information-plus-forts-que-les-g-i-%e2%80%99s/#comments Fri, 25 Mar 2011 10:56:26 +0000 Jean-Yves Huwart http://owni.fr/?p=53349 En compagnie d’un petit aréopage de journalistes et de chercheurs, nous avons passé une agréable partie d’après-midi avec Alec J. Ross [en], le conseiller principal de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton [en] en matière de technologie et d’innovation.

Avant de rejoindre le Département d’État, Alec J. Ross fut l’une des chevilles ouvrières de la campagne électorale de Barack Obama, en charge notamment des liens avec les entreprises de la Silicon Valley.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus un instrument majeur de la diplomatie américaine. Les révolutions arabes des dernières semaines ont fait de Facebook et Twitter des instruments plus efficaces pour renverser les régimes que les milliers de G.I.’s envoyés jadis dans d’autres dictatures.

Les réseaux sociaux changent aujourd’hui nos relations avec les populations dans les pays du monde, indique Alec J. Ross. Auparavant, nos diplomates tiraient une grande partie de leurs informations sur les pays des rencontres qu’ils avaient avec les élites locales (les ministres  du gouvernement, les dirigeants d’entreprises,… ). Désormais, nous pouvons écouter directement ce que dit la population sur les réseaux sociaux.

Les élites ne sont plus les seuls interlocuteurs

Les réseaux sociaux sont un formidable canal d’écoute. Mais aussi d’échange, affirme Alec J. Ross. « Nous avons lu toutes les critiques que les citoyens égyptiens émettaient sur les réseaux sociaux à l’encontre de la politique passée des États-Unis au Moyen-Orient. Ils reprochaient notre soutien à l’ancien président Moubarak. Hillary Clinton a participé à une conversation sur le site Internet Masrawy.com [ar], le premier portail Internet d’Égypte. La secrétaire d’État a répondu directement aux questions et critiques envoyés par les internautes sur les réseaux sociaux. Un nouveau rapport s’instaure grâce aux réseaux sociaux. »

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les États-Unis communiquent directement avec les protestataires en Iran, via Twitter, souligne par ailleurs Alec J. Ross.

Ne nous trompons toutefois pas : dans ce nouveau monde de sur-information et parfois d’hyper-transparence (Ndla: pensons à Wikileaks), la propagande n’a plus d’effet. Ce n’est pas Voice of America [en] ou Radio Free Europe [en], comme il y a plusieurs dizaines d’années. Les Iraniens disposent de beaucoup plus de sources d’information différentes que jadis les habitants des pays communistes, dans les années 60 ou 70. Ils ont accès à des dizaines de chaînes de télévision par satellite. Des centaines de blogs. Il est illusoire de penser que nous pourrions peser sur les événements en bombardant Twitter ou Facebook avec nos propres slogans. Aujourd’hui, le « push broadcasting » n’a plus rien d’efficace.

Pas seulement Facebook ou Twitter… Maktoob (Jordanie), QQ (China) ou Mixi (Japon) aussi

Évidemment, que Facebook, Youtube ou Twitter soient nés en Californie, renforce le poids des États-Unis sur ces nouveaux mondes de la diplomatie digitale.

Alec J. Ross assure que l’origine des réseaux sociaux sur lesquels ces conversations prennent place n’est pas l’aspect le plus déterminant. Cette origine n’a en fait pas d’effet.
« Le principe de la neutralité du Net est très importante, souligne-t-il. Il est même essentiel. Ce qui compte, c’est l’efficacité. Si les gens, dans un pays, interagissent sur un réseau social plus populaire, c’est très bien. Maktoob ou Mixi, en Jordanie ou au Japon, jouent exactement le même rôle que Facebook et Twitter. Lors d’un séjour en Afrique, le président Obama a interagi avec un réseau social sud-africain qui s’avérait être le plus efficace en raison de sa facilité d’utilisation sur les téléphones portables. Ces derniers sont le principal outil d’accès à Internet dans le continent. »
Les réseaux sociaux sont donc un phénomène réellement universel.

Dépasser la diplomatie, connecter le monde économique

Le nouveau monde de la diplomatie digitale, que décrit le conseiller du State Department, reflète l’impact général des nouveaux outils sociaux sur la politique, l’économie et la société en général.

Nous ne sommes sans doute qu’au début. Internet suscite d’autres espoirs.

Pour que les révolutions soient un succès complet, il faudra que la démocratie ramène également la croissance économique. Là aussi, Internet jouera sans doute un rôle important.

Ainsi, en Tunisie, dans certaines villes où le chômage terrasse la population des moins de trente ans, l’espoir vient de la possibilité de pouvoir collaborer directement, dans le futur, avec des entreprises des pays développés à travers les réseaux numériques.  Après tout, l’Inde a basé une partie de son développement économique fulgurant des quinze dernières années sur les nouvelles technologies et le travail à distance. D’aucuns espèrent qu’elle fera des émules.

Billet initialement publié sur Entreprise Globale sous le titre « Rencontre avec Alec J. Ross, le conseiller “réseaux sociaux” d’Hillary Clinton »

Image Flickr CC Stéfan

]]>
http://owni.fr/2011/03/25/les-reseaux-sociaux-d%e2%80%99information-plus-forts-que-les-g-i-%e2%80%99s/feed/ 2
Pourquoi les réseaux sociaux sont vitaux pour les artistes http://owni.fr/2011/02/23/pourquoi-les-reseaux-sociaux-sont-vitaux-pour-les-artistes/ http://owni.fr/2011/02/23/pourquoi-les-reseaux-sociaux-sont-vitaux-pour-les-artistes/#comments Wed, 23 Feb 2011 07:30:51 +0000 Ariel Hyatt http://owni.fr/?p=48038 Cet article a été initialement publié en anglais sur Music Think Thank et repéré par OWNImusic.


Ariel Hyatt a fondé Ariel Publicity et Cyber PR, une agence de communication en ligne basée à New York, qui met en relation les artistes avec l’ensemble des médias en ligne. Depuis quatorze ans, elle a travaillé avec plus de 1500 artistes.

Ça s’est passé il y a quelques semaines en Australie. J’étais au cocktail d’inauguration du Song Summit Music Conference de l’APRA (Australian Prudential Regulation Authority), sur les hauteurs du Darling Harbor à Sydney, et je discutais avec un parfait inconnu (qui s’avéra être un chanteur australien connu, auteur de bon nombre de tubes).

Remarquant mon accent étranger, il me demande : “qu’est ce qui vous amène ici ?”. “J’enseigne le marketing en ligne et les média sociaux aux artistes”, lui réponds-je un peu embarrassée, sachant que ce genre d’information ne déclenche pas toujours un enthousiasme débordant.

Lui : Vraiment ?

Moi : Oui.

Lui : Vous savez ce que j’ai remarqué à propos du marketing en ligne et des média sociaux ?

Moi : Quoi donc ?

Lui : J’ai remarqué qu’on n’avait pas vraiment besoin d’être un grand artiste ou d’être respecté par ses pairs musiciens pour avoir du succès de nos jours. Si vous êtes doué pour le marketing, vous aurez plus de succès que vous n’en auriez eu par le passé.

Bon, je ne dis pas que son point de vue est valable, mais il dit ce que pensent 99% des musiciens: “ce mec fait de la musique de m… mais en étant bien insistant, voire lourd sur Facebook, il réussit à fait venir plus de monde que moi à ses concerts, et à vendre plus que moi aussi”.

Vraiment ? C’est ce que vous pensez ?

Mon avis : on s’en fout que vous le trouviez nul. Le truc, c’est que cet artiste a réussi à identifier et a créer un lien avec suffisamment de gens qui pensent que sa musique est géniale. Ses fans récompensent donc ses efforts.

Arrêtez de juger les autres et demandez-vous plutôt comment faire pour vous démarquer. Pourquoi ?

Parce qu’il y a 500 millions de personnes sur Facebook avec qui entrer en contact.

N’importe qui peut être connecté à plusieurs centaines de personnes, créer des relations solides et ensuite vendre sa musique à ces fans qui la veulent et l’apprécient. C’est simple.

Ce qui n’est PAS simple, c’est de passer outre ses avis sur soi-même et sur les autres et de s’y mettre.

Donc voilà, je suis là pour démonter quelques unes (hum) de vos réticences. Celle que je viens de citer est la première sur la liste des…

7 raisons pour lesquelles les artistes sont très réticents aux médias sociaux.

Toi aussi tu as peur ?

#1 Je ne veux pas emmerder les gens et être hype à tout prix comme tous ces artistes que je déteste (ou: “je déteste sa façon de vendre sa musique, et je ne veux pas faire pareil!”)

OK. Parler de soi, ça donne l’impression d’être dans un ego-trip. Mais faire aimer sa musique aux autres, c’est génial.

Donc mon conseil : quand vous utilisez les médias sociaux, ne braquez pas les projecteurs sur vous, mais plutôt sur les autres (les membres de votre communauté / vos fans / vos amis / les artistes que vous respectez).

Partagez les éléments qui vous paraissent banals. Ne songez même pas à vous vendre ou à vendre votre musique avant de bien tout piger. Quand c’est le cas, utilisez tout ça pour amener les gens à s’inscrire à votre newsletter, à visiter votre site web… Ça vous aidera, avec un avantage certain: un super référencement sur Google.

Gardez-ça en tête : 78% des gens font confiance à l’avis de leurs amis (c’est-à-dire le bouton “Like” (J’aime) sur Facebook) pour des produits et des services qu’ils achètent. Seulement 14% d’entre eux font confiance à la télé, la radio et la pub dans la presse. (Source : Socialnomics).

Donc en gros, vous devez devenir un des artistes que les gens recommandent.

#2 Promouvoir ma musique sur les médias sociaux ne va rien me rapporter. J’ai essayé, et la seule chose que j’ai gagné, c’est davantage de travail.

La vérité?

Les médias sociaux ne vont probablement rien vous rapporter directement à court terme. Mais utilisés au côté d’un marketing traditionnel et dans le cadre d’une vraie stratégie, ils peuvent vous permettre de renforcer votre relation avec vos fans, ce qui au final les incitera à acheter.

Récemment, pendant une formation Top Spin, j’ai appris que le référencement Google et la newsletter sont les deux éléments les plus importants pour espérer gagner de l’argent, et les médias sociaux peuvent vous aider à les renforcer.

#3 Les médias sociaux et le marketing prennent trop de temps.

Je veux juste être un artiste, qui répète et qui joue.

Bon, je n’ai jamais dit que tout ça était juste. Le succès a toujours demandé et demande toujours beaucoup de travail. Il y a des questions à se poser :

Quelle est votre définition du succès? Combien de temps voulez-vous consacrer à l’acquisition de nouvelles compétences et à la maîtrise de nouveaux outils ?

Si votre réponse est “aucun, je veux juste faire de la musique”, pas de problème.

Derek Sivers a récemment publié un article émouvant sur ce sujet et les commentaires sont très parlants (faire de la musique pour gagner de l’argent n’est peut être pas fait pour vous!)

Arrêtez d’espérer avoir une valeur aux yeux des autres. Considérez ça comme un bien personnel et précieux pour vous seul. Faites en sorte de gagner de l’argent autrement.

On continue ? Bien, allons-y.

Je me souviens d’un séminaire auquel j’ai participé, “The World’s Greatest Marketing Seminar” (Le meilleur séminaire de marketing du monde), dont le but était d’aider les entrepreneurs à lancer leur entreprise. L’un de ces entrepreneurs est monté sur scène et nous a tenu un discours atroce :

Pour avoir du succès, 70% de votre temps doit être consacré à votre marketing et à l’aspect commercial, les 30% restant à travailler sur votre entreprise.

A ce moment précis, le public a suffoqué en choeur.

(Oui, cela signifie qu’en tant qu’artiste vous devez toujours consacrer du temps à la création, mais que vous avez intérêt à en consacrer beaucoup plus à l’aspect marketing des choses).

#4 Les médias “sociaux” ne sont pas de “vrais” médias, ou Les médias sociaux n’ont pas d’impact réel sur le monde “réel”.

Les journalistes citoyens (blogueurs, podcasteurs, radios en ligne et individus à la tête de grandes communautés de “followers”) sont les nouveaux influenceurs. Soyez attentifs aux médias traditionnels: les chaines de télé vous renvoient en permanence à leur compte Twitter ou leur page Facebook. Certaines d’entre elles font constamment apparaître leur flux Twitter à l’écran (CNN et Fox par exemple).

Les “vrais” médias incitent constamment les téléspectateurs à aller vers les médias sociaux et à y jouer un rôle actif. Et juste comme ça : il existe plus de 200 millions de blogs. Peut être qu’un ou deux d’entre eux voudront bien écrire quelque chose sur vous.

#5 Les médias sociaux, c’est pour les jeunes. Je ne fais pas partie de cette génération là.

Révisez votre jugement : l’âge moyen d’un utilisateur de Twitter est de 39 ans. La classe d’âge qui croît le plus sur Facebook est celle des femmes de 55 à 65 ans. Pourquoi ? Parce que Mamie s’est inscrite pour regarder les photos de son petit-fils, qu’elle s’est rendu compte que ses amis et sa famille étaient actifs sur le réseau, et que… c’est marrant !

#6 Les mises à jour de statuts sur Facebook et Twitter sont débiles. Qui peut bien avoir envie de savoir ce que font les gens en permanence ?

Beaucoup d’artistes ont l’impression que les réseaux sociaux sont faits pour faire de la promo.

C’était le cas à l’époque de MySpace, le premier résau social qui a tant excité les internautes. Le but principal c’était : de la hype, de la hype de la hype ! Faire de la promo. Ajouter frénétiquement autant d’amis que possible. Et faire péter les compteurs par tous les moyens. Sinon, pas la peine d’espérer intéresser tel boite ou se faire signer par tel label.

Ceci dit il n’y avait pas encore ces histoires de “mise à jour de statuts”.

Du coup, beaucoup d’artistes ont une peur bleue des statuts Twitter et Facebook, parce qu’ils pensent que les gens n’ont rien à faire de ce qui leur passe par la tête.

Comme Twitter contrebalance tout ça et sert plus à se bâtir une communauté qu’à faire sa propre promo, il ne savent pas trop qu’en faire ni ce qu’ils doivent y raconter.

Faites particper tous les membres de votre groupe ! Si ça se trouve, l’un d’eux maîtrise bien Twitter mais ne comprend rien à Facebook. Laissez-les alors mettre toute leur énergie dans ce site en particulier. Vous verrez : quelqu’un qui s’implique sur un site qu’il maîtrise, c’est un gros retour sur investissement garanti.

#7 Je ne suis pas “sociable”. En d’autres termes : Je ne veux pas que mes fans connaissent ma vie privée.

Si vous n’êtes pas quelqu’un de sociable, les médias sociaux sont fait pour vous parce que vous êtes derrière un écran, et pas devant d’autres personnes !

C’est vous qui décidez quand et comment répondre à untel, vous avez le temps de réfléchir à ce que vous allez dire, à qui vous allez le dire, sans le stress d’avoir quelqu’un en face de vous qui attend une réponse immédiate.

Ne montrez que ce que vous avez envie de montrer (tout n’est pas personnel !) : les films que vous aimez, les livres que vous lisez, et pourquoi pas les artistes qui vous plaisent ? Vous avez de quoi faire pour commencer.

Vous pouvez retrouver les autres articles associés: Facebook, keep it simple et Medias sociaux : objectif thune
Image de Une: Copyright Fotolia
__

Crédits CC flickr Jenn and Tony Bot,

]]>
http://owni.fr/2011/02/23/pourquoi-les-reseaux-sociaux-sont-vitaux-pour-les-artistes/feed/ 22
Les médias sociaux sous surveillance http://owni.fr/2010/12/09/les-medias-sociaux-sous-surveillance/ http://owni.fr/2010/12/09/les-medias-sociaux-sous-surveillance/#comments Thu, 09 Dec 2010 19:09:58 +0000 Damien Douani http://owni.fr/?p=38887

La fin d’année est tou­jours un moment prop­ice aux grands rassem­ble­ments d’hiver et var­iés par­lant de web et médias numériques. L’intérêt de ce type de con­férence est de sen­tir la « ten­dance » et les préoc­cu­pa­tion du moment des « pro­fes­sion­nels de la profession ».

Côté LeWeb, ça donne le thème des plate­formes, sujet finale­ment assez générique mais qui donne une bonne vision du sens qu’est en train de se don­ner le web avec des zones d’attraction applica­tives et agréga­tives comme cer­tains OS ou Facebook.

Mais un autre sujet a attiré mon atten­tion : cachée juste le lende­main de LeWeb (les 8 et 9 décem­bre), la conférence Mon­i­tor­ing Social Media (ven­dredi 10 décem­bre à Paris) reprend une par­tie des inter­venants de la conférence de Loïc Le Meur pour un sujet très dif­férent : la sur­veil­lance des médias sociaux.

« C’est quoi le ROI ? »

Ahh­hhh… Voilà LA ques­tion qui revient tout le temps dès que l’on parle de réseaux et médias sociaux grand public (Face­book, Twit­ter, blogs…) et pro­fes­sion­nels (Jive, blueKiwi, Social­Text…) : c’est quoi le retour sur investisse­ment de tout ça ?

Autant vous dire que les mar­ke­teurs de tous poils se les arrachent pour essayer de répon­dre à cette ques­tion posée par absol­u­ment TOUTES les mar­ques et les annon­ceurs. Autant vous le dire, posée comme cela la ques­tion me fout des bou­tons car c’est bien sou­vent un a priori de défense vis-à-vis d’un mod­èle que ne com­pren­nent pas les annon­ceurs car ils ont une sen­sa­tion de perte de con­trôle. Ils ont peur, au choix : que leur mes­sage soit déformé, que leur mar­que soit détournée, leur cam­pagne ridi­culisée, bref que les gens osent dire des gens.

Hey ! Mais c’est la vraie vie les gars, ce que se racon­tent les gens autour d’une table quand ils par­lent de leur dernier achat ! Va fal­loir appren­dre à lâcher prise et se dire que le Net peut apporter aussi de belles choses à une cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion (la recon­nais­sance, l’inscription dans le temps, de la répu­ta­tion…), et surtout vous dire que si vous faites une cam­pagne sympa et orig­i­nale au pire ça ne marchera pas, au mieux ça car­ton­nera. Mais elle ne sera pas for­cé­ment étrillée.

Mais revenons à la ques­tion : alors, c’est quoi le ROI des médias soci­aux ? Tra­duc­tion : « quel intérêt ai-je à aller sur ces trucs où les gens se par­lent, parce qu’en plus il va me fal­loir les écouter et leur répon­dre, ça va me bouf­fer des ressources tout ça ! ». Ben oui. Bien­v­enue dans le web 2.0.

Vous n’avez pas répondu à la question

Ok, c’est vrai. La vérité est que tout est à faire, et qu’évaluer un retour financier immé­diat sur une cam­pagne est dif­fi­cile. Fais­able, mais dif­fi­cile car non immé­diat, dif­fus, s’étalant dans le temps…

Donc, regar­dons ce que les spé­cial­istes de la ques­tion pro­posent en atten­dant. Si l’on prend Brian Solis, l’une des per­son­nes les plus en pointe sur le sujet et qui ne soit pas un bull­shi­teur en chef :

Les médias soci­aux inspirent une nou­velle forme d’intelligence. Avec l’abondance des out­ils d’écoute et de sur­veil­lance disponibles aujourd’hui sur le marché, les entre­prises ont accès à des infor­ma­tions et une veille en temps réel. Pou­voir savoir qui dit, pense et partage des infor­ma­tions motive les entre­prises à créer des infra­struc­tures visant à décou­vrir et suivre les con­ver­sa­tions qu’elles jugent dignes d’intérêt. Mais écouter n’est pas suff­isant. (…) Le futur repose dans la capacité à ini­tier les con­ver­sa­tions, et non pas juste y répon­dre. C’est un « clic pour action » et la capac­ité d’inspirer l’action et de la mesurer doit être au cen­tre de toute l’activité online. Les entre­prises, en inté­grant la per­for­mance et les sys­tèmes de mesure pour­ront pro­gresser vers une nou­velle pos­ture de lead­er­ship. C’est pourquoi les entre­prises com­men­cent à ren­trer en com­péti­tion pour le partage des idées et des sen­ti­ments et pour con­server une per­ti­nence d’analyse dans le temps.

Ce pas­sage résume bien l’enjeu pour les entre­prises. Ici, point de promesses de revenus immé­di­ats via les con­versa­tions, pas d’augmentation des ventes automa­tique. On va com­mencer par le commence­ment : chères entreprises, com­mencez par appren­dre à écouter. Mais vrai­ment. En mettant des per­son­nes dédiées et for­mées à cela, et pas pour six mois le temps d’un stage. Non, un vrai poste.

Com­mencez dans le même temps à mesurer. Mesurer quoi ? Ce qui se dit, les récur­rences, com­ment l’information se dif­fuse dans le temps. Prenez votre temps, le Pow­er­Point pour votre COMEX atten­dra un peu.

Sur­veiller pour essayer d’en faire quelque chose

Ceci sous-tend la sur­veil­lance général­isée des médias soci­aux. Bingo, c’est exacte­ment ce qui va se passer. Attendons-nous à être mouchés et sur­veillés de toutes parts, scrutés tel une fourmi sous un micro­scope. Les entreprises vont avoir besoin de savoir qui nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous aimons, pourquoi, avec qui, qu’est-ce qui a fait que… Elles le font déjà (via Google sur le Net, des enquêtes d’opinion dans la vraie vie…). Les médias soci­aux ont pour eux d’être très qual­itat­ifs dans leur approche, avec beau­coup de ver­ba­tims. C’est le quali vs le quanti. Tout l’enjeu est là : la mesure devrait per­me­t­tre de réc­on­cilier les frères enne­mis du mar­ket­ing, le quali vs le quanti.

Mais sur­veiller… pour quoi ?

D’où les deman­des des entre­prises. D’où la volonté de Face­book ou Apple d’ériger un mod­èle semi-ouvert (sous formes de plate­formes, on y revient) où sont les maîtres des don­nées. Le web étant, par nature et essence, très décen­tral­isé, la récolte des infor­ma­tions et la mesure glob­ale sont d’autant plus dif­fi­ciles à gérer. Pas impossi­ble, mais com­plexe. D’où la ten­dance à avoir des mod­èles plus puis­sants qui gar­dent une par­tie des données. Mais au final on en revient au même : sur­veil­lance généralisée.

S’il y a une bonne ques­tion à se poser, c’est celle-ci. Arrê­tons de vouloir poser comme pré-requis de vouloir du ROI ou des tonnes de mesures, la seule ques­tion qui vaille est « pour quoi mesurer ? = quels sont vos objec­tifs ? ». En fonc­tion de ce que vous voulez attein­dre, inutile de pren­dre qua­tre pages de tableau Excel, quelques métriques judi­cieuse­ment choisies peu­vent suf­fire. À ce moment là, oui il fau­dra sur­veiller et mesurer, mais à bon escient.

Alors, bien sûr, reste la ques­tion « et si je n’ai pas envie d’être mesuré ». Soyons con­scients et hon­nêtes : si tous ces ser­vices soci­aux exis­tent, c’est que la mesure et la vente des don­nées per­met d’assurer leur vie.

À moins que Dias­pora

Billet initialement publié sur Stan et Dam

Image CC Flickr BWJones



]]>
http://owni.fr/2010/12/09/les-medias-sociaux-sous-surveillance/feed/ 3
Andrew Keen: la visibilité dans les médias sociaux est un piège http://owni.fr/2010/11/29/andrew-keen-la-visibilite-dans-les-medias-sociaux-est-un-piege/ http://owni.fr/2010/11/29/andrew-keen-la-visibilite-dans-les-medias-sociaux-est-un-piege/#comments Mon, 29 Nov 2010 14:43:39 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=37454

On ne rencontre pas tous les jours l’Antéchrist, fût-il modestement celui de la Silicon Valley. Aussi éprouve-t-on quelque déception à ne pas sentir l’haleine soufrée du startupeur défroqué lorsqu’on écoute Andrew Keen développer posément les arguments de son prochain livre, Digital Vertigo, dans l’appartement-témoin high-tech du siège de Microsoft France.

Mon premier livre était une grenade dégoupillée, prévient-il. J’ai essayé de m’aliéner autant de personnes que possible. Dans ce nouveau livre, j’ai essayé d’être plus nuancé. Mais je reste un polémiste.

Le premier livre en question, c’était Le Culte de l’amateur, subtilement sous-titré «comment Internet tue notre culture».

Il y accusait le Web participatif d’ensevelir la vérité sous des tombereaux de médiocrité et d’insignifiance et de menacer l’économie culturelle en postulant la gratuité universelle des contenus. Y dénonçait l’illusion du paradoxe (apocryphe) de Huxley (biologiste surnommé «le bouledogue de Darwin» et grand-père de l’écrivain) selon lequel un nombre infini de singes qui taperaient assez longtemps sur le clavier d’une machine à écrire finirait statistiquement par écrire l’œuvre complète de Shakespeare ou au moins une bonne émission de télévision. Voyait dans la population internaute un ramassis d’«adolescents hypersexués, voleurs d’identités, joueurs compulsifs et accros de tout acabit». Et assimilait le «grand mouvement utopiste» du Web 2.0 à la «société communiste» dans le magazine néocons The Weekly Standard, où l’on devine que ce n’est pas un compliment.

Défendre le secret, l’oubli et l’intimité”

Avec Digital Vertigo: Anxiety, Loneliness and Inequality in the Social Media Age (anxiété, solitude et inégalité au temps des médias sociaux), Keen creuse sa plaie en s’intéressant à Facebook, à Twitter, bien sûr, mais aussi de l’ensemble du Web qui, d’une façon ou d’une autre est devenu «social»: la recherche d’informations, la consommation (Groupon) et même, avec Facebook Messages, celui du courrier que vous devez lire.

On connait la blague d’Al Gore qui aurait inventé Internet. Mais dans un sens, Foucault et Baudrillard ont inventé la culture Internet avant qu’Internet n’existe avec la démocratisation de la culture.

De fait, dans Surveiller et punir, Michel Foucault reprend le modèle du panoptique de Bentham pour conclure «la pleine lumière et le regard d’un surveillant captent mieux que l’ombre, qui finalement protégeait. La visibilité est un piège.» «Visibility is a trap», répète à l’envi Andrew Keen. C’est encore plus vrai à l’ère du narcissime facilité par les outils sociaux, explique-t-il: «l’orthodoxie du Web parle d’ouverture, de transparence. Je veux défendre le secret, l’oubli et l’intimité.»

Rien de plus antisocial, à l’entendre, que le Web social: «On utilise les médias sociaux en poursuivant des objectifs totalement individualistes», dit-il, en reprenant une phrase du fondateur du «Facebook professionnel» LinkedIn, «votre avenir est déterminé par votre réseau»: on serait passé de la production industrielle à la production personnelle, stade ultime du darwinisme capitaliste dans lequel chacun doit vendre sa «marque» pour survivre.

De nouveaux patrons

Et comme dans Le Capital, il y aurait une accumulation primitive de la notoriété, quelques noms concentrant des millions de «followers» qui quémandent leur part de lumière.

Et les personnes qui s’enrichissent forment une nouvelle élite de l’économie de la connaissance, ceux qui créent les services qui permettent cette expression personnelle.

Dès lors, les nouveaux “patrons” sont «ceux qui contrôlent les moyens d’expression et non plus les moyens de production.»


Le problème, selon Keen, est qu’aux yeux de beaucoup (par exemple Clay Shirky), les médias sociaux sont devenu la solution à tous les problèmes:

Je suis plutôt de gauche politiquement mais je n’arrive pas à croire que les réseaux sociaux puissent lutter contre la pauvreté. Les réseaux sociaux n’apportent aucune solution aux problèmes fondamentaux, de la même façon que l’autopartage ne résoud pas les problèmes de pollution. Les seuls emplois qu’aient créé les médias sociaux sont des boulots de spécialiste des médias sociaux et de consultants.

Crédits photos cc FlickR : sean|mundy, ae-j, Stéfan.

Article initialement publié sur le Bac à sable.


]]>
http://owni.fr/2010/11/29/andrew-keen-la-visibilite-dans-les-medias-sociaux-est-un-piege/feed/ 1
Le nouveau Facebook… encore et toujours nouveau http://owni.fr/2010/10/08/le-nouveau-facebook%e2%80%a6-encore-et-toujours-nouveau/ http://owni.fr/2010/10/08/le-nouveau-facebook%e2%80%a6-encore-et-toujours-nouveau/#comments Fri, 08 Oct 2010 14:11:40 +0000 Catherine Ertzscheid http://owni.fr/?p=30887

L’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente.

Frédéric Beigbeder, Extrait de 99 francs

Mark Zuckerberg, créateur de Facebook a annoncé hier, lors de la conférence de presse qui avait lieu au siège de la société à Palo Alto, de nouvelles fonctions.

Première à retenir mon attention, les nouveaux groupes

Des groupes plus restreints pour une meilleure gestion de la confidentialité

Avec quelques-uns de mes comparses et amis community managers, nous les avons testés ce matin !

Première observation : Nous avons retrouvé quelques sensations d’IRC (woooo on ne date pas d’hier). Bref… Vous pourrez reconstituer des salons de discussions entre amis, membres de votre famille, ou selon les thématiques que vous souhaitez. Pour les membres qui, comme nous, ont des « amis » facebookiens aussi bien professionnels que personnels, cela a l’avantage de permettre une plus grande différenciation des genres.

Plus souples à l’usage que les listes qui alourdissaient les mises en ligne de vos statuts Facebook, ces groupes vous permettront de segmenter le type d’information que vous avez envie de partager avec tel ou tel individu. Les groupes peuvent être ouverts (contenus et membres visibles), privés (contenus cachés mais membres visibles), secrets (ni le contenu, ni les membres ne sont visibles). Sachez que lorsque l’administrateur du groupe vous invite, vous êtes automatiquement intégré à la liste des membres mais vous pouvez toujours en partir!

Gestion du niveau de confidentialité

Mark Zuckerberg, lui-même a expliqué lors de la conférence que sans les remplacer, ces groupes seraient une bonne alternative aux listes qui n’ont pas connu le succès espéré (seulement 5% des membres du réseau les auraient adoptées). J’avoue les avoir adoptées mais l’usage est fastidieux, surtout lorsque vous acceptez un contact via l’application Iphone car il est impossible de le mettre directement dans une liste, cela suppose donc une bonne gestion de votre compte pour que personne n’échappe aux mailles du filet.

Deuxième observation : Partager du contenu de manière sélective. Vous pouvez écrire des messages sur le mur, laisser des commentaires, partager des photos, vidéos, articles.. bref les mêmes types de contenus que sur un profil ordinaire mais si vous avez choisi la confidentialité maximum, cela restera entre vous!

Partager du contenu en toute tranquillité

Troisième observation : Le chat permet de converser enfin à plusieurs ! Bon quelques bugs encore mais nous nous sommes bien amusés. Beaucoup plus de convivialité, d’interactivité. Bien sûr ça ne vous empêche pas d’avoir des conversations privées en one to one.

Autant le dire, cette fonctionnalité va renforcer l’addiction. A quand le même type de fonctionnalité sur les pages fans…?

Une autre question que je me pose : cela ne va-t-il pas vider le contenu des murs? L’usage nous le dira.

La deuxième nouveauté : Le téléchargement de vos données personnelles

Une manière de répondre aux critiques sur l’aspiration par Facebook des données personnelles ? Votre dossier sera reconstitué dans un fichier zip téléchargeable pour être consulté hors-ligne. Je n’ai pas encore testé cette partie donc je ne peux rien en dire de plus… Ni dire vraiment à quoi cela peut servir, alors pour reprendre les termes de Mark Zuckerberg : « Vous êtes propriétaire de vos informations, il faut que vous en ayez la maîtrise, vous devez pouvoir en faire ce que vous voulez »…

La troisième nouveauté : un tableau de bord

Pas toujours facile de se retrouver dans la foultitude d’applications que l’on accepte sur son profil et dont on ne se sert qu’une fois pour ensuite tomber vite dans l’oubli… mais elles… ne vous oublient pas et conservent (enfin leurs éditeurs) un accès à vos données personnelles. Ce tableau de bord devrait donc vous permettre de voir toutes les applications actives sur votre compte et les données auxquelles elles ont accès. A vous ensuite de les restreindre ou les supprimer purement et simplement.

Dernière nouveauté (à ce jour) : le moteur de recherche renouvelé

Depuis hier (pour ma part), lorsque je mets un mot clé dans la barre de recherche, les résultats me donnent bien sûr les données de base (profils, pages et groupes) mais aussi les articles que mes contacts ont publiés ou partagés sur leur mur. Je ne sais pas si d’une manière globale cela donnera un taux de clics plus important sur ces liens mais j’avoue que je trouve la fonctionnalité intéressante pour suivre aussi l’évolution des liens diffusés…

Un moteur de recherche renforcé

Et vous toutes ces nouveautés, vous en pensez quoi ?

>> Article initialement sur Nunalik

>> Photo CC FlickR smlions12

]]>
http://owni.fr/2010/10/08/le-nouveau-facebook%e2%80%a6-encore-et-toujours-nouveau/feed/ 0
Ping ne sera pas le MySpace killer attendu (loin de là) http://owni.fr/2010/09/07/ping-ne-sera-pas-le-myspace-killer-attendu-loin-de-la/ http://owni.fr/2010/09/07/ping-ne-sera-pas-le-myspace-killer-attendu-loin-de-la/#comments Tue, 07 Sep 2010 06:30:24 +0000 Martin Lessard http://owni.fr/?p=26411 Martin Lessard, blogueur Montréalais influent entre autres choses, revient sur l’annonce de Steve jobs de l’arrivée du média social Ping lors de la keynote Apple du 1er septembre dernier.

Dans la seconde même où Steve Jobs annonçait le lancement de Ping, le nouveau «réseau social de musique» d’Apple, @Scobleizer a tweeté «Apple just killed MySpace. Totally dead now». On peut conclure deux choses: Scobleizer a (1) exprimé l’ampleur de ses attentes messianiques face à un service qu’il ne connaissait pas et (2) démontré qu’il est impossible d’avoir du recul en temps réel.

Pour le point 2, Scobleizer donne parfaitement raison aux détracteurs de la communication en «temps réel» (Virilio en tête: «L’immédiateté est le contraire de l’information») et autres annonciateurs de l’antéchrist [MàJ: Rioux: Avant d'écrire, il fallait d'abord apprendre à se taire].

Je n’aborderai pas ce sujet, le volubile Scobleizer n’étant pas à mon avis dans le paradigme journalistique des faits (modèle de véracité validé a priori) mais plus dans un modèle d’opinions probabilistes –dans le lot de ses intuitions, certaines devraient bien se réaliser (modèle de véracité a posteriori).

Ping : un service, pas un produit

Pour le point 1, quand Apple annonce un produit, inutile de dire qu’il dépasse souvent nos attentes. Mais Ping est un service et ce n’est pas la même chose. Et dans le domaine des réseaux sociaux, Apple ne fait pas figure de proue.

Ping vient avec la dernière mouture d’iTunes (v10). Apple vient y ajouter une composante permettant une sérendipidité sociale pour découvrir de nouveaux morceaux. On peut suivre ses «amis» pour connaître ce qu’ils «aiment», «commentent» ou «achètent» sur iTunes.

Erick Schonfeld de TechCrunch le décrit bien: le plus grand problème qu’il y voit est que Ping est exclusivement confiné à iTunes. «iTunes n’est pas social, il n’est même pas sur le web». Pas moyen (encore) de le relier à d’autres réseaux sociaux (ni même de copier un URL et de le partager).

Contrairement à ce que dit Wired, le web n’est pas mort et le HTML est le langage universel.

Et Apple a comme assomption que ce que vous achetez, vous l’aimez. Hum. Mon iTunes à moi est simplement un magasin en ligne pour toute ma famille. Je n’aime pas tout ce que j’y achète [MàJ: mes enfants, par contre, adorent]. Mon reçu de caisse n’est pas une pétition. Si au moins je pouvais activer le bouton «musique que j’aime» quand j’écoute, ça serait déjà une amélioration –et sémantiquement plus approprié. Le iStore n’est pas l’endroit où je me tiens en permanence [MàJ: iStore est magasin d'iTunes, un sous-menu en fait, mais qui représente un espace tout à fait différent du reste du logiciel].

Ping ne s’intéresse qu’à ce que vous faites dans le iTunes Store, pas dans vos listes. Et me retrouver comme un pusher de mp3 (un énorme bouton d’achat apparaît à côté de vos «recommandations») me laisse dubitatif… [MàJ: quand on s'inscrit à Ping, on reçoit un courriel signé «The iTunes Store Team». On ne cache pas ses couleurs]

Pas d’achat, pas de post sur votre timeline.

Eh oui, pour afficher dans mon flot de nouvelles, je dois acheter une chanson.

Bien sûr, les grands de ce monde (comme Cold Play), eux, ont droit à une «timeline» qu’ils contrôlent. Mais pas le citoyen lambda. Voilà bien un réseau social bien médiéval: les puissants ne frayent pas avec le peuple.

Ping dans iTunes est un exemple de sérendipité automatisé pour découvrir des chansons. Le «social» y est plutôt subordonné au commercial.

Apple n’est pas reconnu pour son côté social (il n’a pas de présence dans les médias sociaux comme on pourrait s’y attendre d’une grande compagnie).

C’est une compagnie de hardware et de software, et l’humain y a été modélisé a un tel point (Apple excelle dans la relation humain-machine) qu’ils ont oublié ce que c’est la relation humain-humain…

Plus de lecture: 10 things Apple can do to rescue its experiment in social networking (de Philip Elmer-DeWitt de CNN)

Article initialement publié sur Zero Seconde

Crédits photos CC Giddy’s Photo & maurymccown

]]>
http://owni.fr/2010/09/07/ping-ne-sera-pas-le-myspace-killer-attendu-loin-de-la/feed/ 33
Rencontre avec danah boyd http://owni.fr/2010/08/30/rencontre-avec-danah-boyd/ http://owni.fr/2010/08/30/rencontre-avec-danah-boyd/#comments Mon, 30 Aug 2010 08:13:03 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=25753 danah boyd travaille depuis maintenant un an et demi au Microsoft Research New England et s’est auparavant  fait connaître grâce à ses études sur Friendster puis MySpace. Elle se spécialise sur la question des pratiques et usages des adolescents sur les réseaux sociaux et sur les questions liées à la confidentialité. Ses analyses ont déjà été régulièrement reprises sur OWNI. Je suis allé la rencontrer à Boston.

Le bâtiment de Microsoft Research est posé juste à côté du MIT et propose une vue assez impressionnante sur les voiliers traversant la rivière Charles. Arrivé au douzième étage, je demande danah boyd. Un premier chercheur ne voit pas de qui je veux parler. Un second me dit que le nom lui dit bien quelque chose, mais qu’il ne peut pas m’en dire plus. Finalement, une autre personne m’amène jusqu’à une salle de réunion assez simple. Assise sur un canapé anis, une couverture verte sur les genoux, danah boyd me reçoit.

L'envers du décor

Généralement, quand on lui demande ce qu’elle fait, elle répond qu’elle est chercheur en “social media”. Elle m’explique que pour elle, ce terme n’a pas de signification précise mais qu’il a le mérite de dire quelque chose à tout le monde. Son métier consiste à analyser les interactions sociales entre les humains. Dans le cadre des médias sociaux, il s’agit surtout de comprendre comment la technologie permet de favoriser ou d’influencer ces interactions.

Adolescents et réseaux sociaux

Premier sujet de notre échange : les adolescents. À partir de 8 ans, les enfants commencent à comprendre le monde qui les entoure et leur place dans celui-ci. À présent, ils doivent également comprendre comment s’insérer dans les réseaux sociaux. La plupart a déjà compris que l’information était un pouvoir. Si je sais quelque chose sur quelqu’un, cela me donne un pouvoir, et cela fonctionne également dans l’autre sens : si quelqu’un sait quelque chose sur moi, j’ai un pouvoir sur lui.

Dans une société traditionnelle, les informations personnelles s’échangent dans les deux sens la plupart du temps, à moins d’entrer dans des relations parasociales. Les relations parasociales sont celles par exemple qui lient une personnalité à ses fans, où ils en savent beaucoup, mais la personnalité n’a pas besoin de savoir quoi que ce soit sur eux. Ce genre d’interaction est beaucoup plus courante sur Internet, avec des gens suivant d’autres personnes ou ayant accès à leurs informations.

La relation parasociale sur Internet peut rendre les gens vulnérables. Et particulièrement les jeunes, qui arrivent dans le monde à cet âge, n’ayant aucune indication sur la façon dont il fonctionne. Ils ne doivent pas seulement découvrir le monde, mais également les technologies. Et c’est ce qui rend passionnant l’étude des enfants pour danah boyd.

Face au flux de l’information, nous sommes tous effrayés de pouvoir manquer quelque chose, mais nous savons qu’il est impossible de tout consommer. Les jeunes nagent également dans ces flots d’informations, mais ça a plus d’importance pour eux. Ils vivent avec tous les jours. Et en sortir est un choix difficile à faire.

La génération Y n’existe pas

Concernant l’existence d’une “Génération Y” dont on nous parle si souvent, elle est assez claire : c’est de la bouillie marketing. Il existe sans aucun doute des périodes dans la vie où des tranches d’âge partagent les mêmes découvertes et une actualité commune. En revanche, il ne s’agit pas d’une génération au sens où les gens l’entendent : on généralise beaucoup trop. La question de la classe sociale compte beaucoup. La “Génération Y” n’est en fait qu’une petite partie des jeunes actuels, celle que les spécialistes du marketing doivent atteindre.

Attention, hackers

Nous revenons ensuite sur les “attention hackers”. Ces jeunes qui ont décidé de s’amuser avec l’économie de l’attention, mettant en lumière la malléabilité de l’information. La nouvelle pédagogie proposait il y a quelques années que les élèves s’intègrent dans les livres, racontant comment il pourraient sauver tel personnage ou aider tel autre, pour s’investir. Aujourd’hui, l’investissement personnel est sorti des considérations éducatives pour s’étendre bien au-delà. Les jeunes sont passés de la pure consommation au cycle consommer et produire.

L’exemple typique de produit culturel qui entre dans ce schéma est Lost, série qui n’est pas faite que pour être regardée mais qui pousse ses spectateurs à produire des théories, des réflexions… Les artefacts culturels qui entourent un fait d’actualité ou un bien culturel lui donnent un intérêt et investissent le spectateur/lecteur/producteur. danah me parle ensuite des tags vidéo où des jeunes Philippins expliquent ce qui les fait philippins et qui proposent à plusieurs de leurs amis de réaliser à leur tour une vidéo.

danah meets Morano

C’est le moment que je choisis pour lui montrer la publicité du secrétariat d’État à la famille. Plus la vidéo avance et plus elle sourit. En voyant le vieux monsieur proposer à la petit fille de lui montrer son lapin, elle s’esclaffe “Il ne manquait que lui !” Je lui expose rapidement les projets de filtrage de notre gouvernement.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Elle redevient alors sérieuse. Ses exemples et études sont principalement américaines et britannique : elle ne s’avance pas à l’appliquer à la France. Pourtant, l’étude EU Kids Online de Sonia Livingstone, encore en cours, semble confirmer les chiffres observés en Angleterre et aux États-Unis. S’ensuit une suite d’arguments dont je sens qu’elle a l’habitude.

Les problèmes que peuvent rencontrer les individus en ligne sont des problèmes qui ne sont que révélés sur Internet et qui arriverait sans le réseau. Des brimades ? Des jeunes qui s’invitent chez un camarade de classe pour y faire la fête ? Cela existait avant. Ce qu’apporte Internet, c’est une preuve tangible, un enregistrement de ces problèmes.

danah prend alors pour exemple le site des pro-ana, dont elle sait qu’une sénatrice française, Patricia Schillinger, a tenté de les interdire, initiative qui lui semble dérisoire. Elle avait suivi toutes les discussions autour de ce thème et ce qui la surprend c’est qu’on veuille interdire des sites où des jeunes se présentent dans des états de maigreur morbide, et partagent leur maladie alors que selon elle, la première des choses à faire serait plutôt d’aider ces jeunes filles qui sont dans une situation visiblement merdique [visible deep shit].

Les blogs où les jeunes organisent leurs suicides qui permettent à la presse de titrer “Internet les a poussés au suicide” constituent également un bon exemple. Encore une fois, si on remonte un peu dans les archives de ces blogs, on aperçoit de nombreux appels à l’aide, auquel il s’agirait plutôt de répondre plutôt que de blâmer la technologie.

Face à tous ces problèmes, plutôt que l’outil législatif, danah boyd préconise des services sociaux. Prenant pour exemple les “Street Outreach Service”, structures dans lesquels des jeunes aidaient d’autres jeunes ayant des problèmes dans la rue, elle imagine des patrouilles virtuelles qui trouveraient ces contenus et tenteraient d’aider ces jeunes.

Pédophilie et pédopornographie

La pédophilie est également évoquée. Elle me rappelle que la plupart des agressions sexuelles sont perpétrées par un membre de la famille ou un proche et donne cet exemple des violeurs qui vont statistiquement plus souvent se rapprocher de mères célibataires.

La plupart du temps les informations personnelles que les enfants diffusent à propos d’eux-mêmes ne leur occasionnent pas de problème. Les risques potentiels existent uniquement quand la conversation tourne autour du sexe. Et dans ce cas, ce sont les enfants qui mentent sur leur âge et ils savent très bien ce qu’ils font, et ils le font pour le sexe. Il a été prouvé que ces enfants ont des problèmes dans leur famille ou des désordres psycho-sociaux. Encore une fois, il s’agit plutôt d’aider les enfants que de traquer des pervers.

Concernant la pédopornographie, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus grave selon elle. Il s’agit de la production d’enregistrements de crime contre des enfants. La diffusion de ces images continue de nuire aux enfants. Et plus une personne collectionne sur son ordinateur des contenus pédopornographiques, plus la probabilité qu’il passe à l’acte lui-même est importante. Le taux de conversion de la consommation à la production de telles images est énorme. Il s’agit donc d’empêcher les gens d’en collectionner.

Et de bien faire la différence avec des vidéos impliquant des enfants pré-pubères ou les pratiques de sexting entre adolescents, ce que ne fait pas encore la loi. Un outil législatif puissant contre la pédo-pornographie est donc nécessaire pour empêcher les consommateurs de devenir producteurs.

Alors, faut-il tout de même donner des cours aux jeunes pour leur expliquer la confidentialité et Internet ? La réponse est claire, il faut avant tout les éduquer. Tout simplement. Quand on regarde l’interview de la soldate israelienne dont le nom sera à jamais attaché à ces photos, on se rend surtout compte qu’elle n’est pas très intelligente et que sa réputation est à jamais entachée. Les jeunes doivent tous les jours faire avec leur réputation. Et ça ne change pas avec Internet.

Pour finir, elle parle des quatre leviers de Lawrence Lessig pour que les choses changent : le marché, la loi, les normes sociales et la technologie. Il faut jouer avec ces quatre leviers pour faire évoluer la société. Pour ces différents problèmes, le marché et la technologie sont trop dispersés. Il faut donc faire évoluer nos normes sociales et se baser sur la loi, qui a le désavantage de ne pas être très rapide, pour résoudre les plus grands problèmes.

L’heure accordée à notre entretien est bientôt terminée, danah espère que l’annonce de Places par Mark Zuckerberg ne va pas l’obliger à lire toutes la soirées les nouvelles normes de confidentialités de Facebook et les brèches que cette nouvelle fonctionnalité va ouvrir. D’ailleurs, elle en est convaincue, le futur se jouera sur le mobile et la localisation. Est-ce que Facebook fera partie de ce futur ? On n’a pas la réponse. Il y a dix ans, on pensait que Yahoo serait le plus gros. La question est donc de savoir jusqu’à quel point Facebook va se mettre ses utilisateurs à dos. Et à quel moment le coût social d’utilisation d’un tel réseau social sera plus important que les bénéfices qu’on en tire.

En me relevant, je regarde une dernière fois les voiliers sur la rivière Charles et elle me raconte la beauté de la rivière en hiver quand celle-ci est gelée et que les gens patinent dessus. Où l’amusement qu’elle peut avoir à regarder les jeunes marins tomber pendant leurs cours de voilier.

Patiner, tomber, se relever. La vie tout simplement. En ligne ou hors ligne.

Illustrations CC FlickR par Ewan McIntosh, Peter the Repeater

]]>
http://owni.fr/2010/08/30/rencontre-avec-danah-boyd/feed/ 21
Artistes: comment dompter les réseaux sociaux? http://owni.fr/2010/08/25/artistes-comment-dompter-les-reseaux-sociaux/ http://owni.fr/2010/08/25/artistes-comment-dompter-les-reseaux-sociaux/#comments Wed, 25 Aug 2010 15:08:33 +0000 Ariel Hyatt http://owni.fr/?p=26078 Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !

__

Ariel Hyatt a fondé Ariel Publicity et Cyber PR, une agence de communication en ligne basée à New York, qui met en relation les artistes avec l’ensemble des médias en ligne. Depuis quatorze ans, elle a travaillé avec plus de 1500 artistes.

Ça s’est passé il y a quelques semaines en Australie. J’étais au cocktail d’inauguration du Song Summit Music Conference de l’APRA (Australian Prudential Regulation Authority), sur les hauteurs du Darling Harbor à Sydney, et je discutais avec un parfait inconnu (qui s’avéra être un chanteur australien connu, auteur de bon nombre de tubes).

Remarquant mon accent étranger, il me demande : “qu’est ce qui vous amène ici ?”. “J’enseigne le marketing en ligne et les média sociaux aux artistes”, lui réponds-je un peu embarrassée, sachant que ce genre d’information ne déclenche pas toujours un enthousiasme débordant.

Lui : Vraiment ?

Moi : Oui.

Lui : Vous savez ce que j’ai remarqué à propos du marketing en ligne et des média sociaux ?

Moi : Quoi donc ?

Lui : J’ai remarqué qu’on n’avait pas vraiment besoin d’être un grand artiste ou d’être respecté par ses pairs musiciens pour avoir du succès de nos jours. Si vous êtes doué pour le marketing, vous aurez plus de succès que vous n’en auriez eu par le passé.

Bon, je ne dis pas que son point de vue est valable, mais il dit ce que pensent 99% des musiciens: “ce mec fait de la musique de m… mais en étant bien insistant, voire lourd sur Facebook, il réussit à fait venir plus de monde que moi à ses concerts, et à vendre plus que moi aussi”.

Vraiment ? C’est ce que vous pensez ?

Mon avis : on s’en fout que vous le trouviez nul. Le truc, c’est que cet artiste a réussi à identifier et a créer un lien avec suffisamment de gens qui pensent que sa musique est géniale. Ses fans récompensent donc ses efforts.

Arrêtez de juger les autres et demandez-vous plutôt comment faire pour vous démarquer. Pourquoi ?

Parce qu’il y a 500 millions de personnes sur Facebook avec qui entrer en contact.

N’importe qui peut être connecté à plusieurs centaines de personnes, créer des relations solides et ensuite vendre sa musique à ces fans qui la veulent et l’apprécient. C’est simple.

Ce qui n’est PAS simple, c’est de passer outre ses avis sur soi-même et sur les autres et de s’y mettre.

Donc voilà, je suis là pour démonter quelques unes (hum) de vos réticences. Celle que je viens de citer est la première sur la liste des…

7 raisons pour lesquelles les artistes sont très réticents aux médias sociaux.

Toi aussi tu as peur ?

#1 Je ne veux pas emmerder les gens et être hype à tout prix comme tous ces artistes que je déteste (ou: “je déteste sa façon de vendre sa musique, et je ne veux pas faire pareil!”)

OK. Parler de soi, ça donne l’impression d’être dans un ego-trip. Mais faire aimer sa musique aux autres, c’est génial.

Donc mon conseil : quand vous utilisez les médias sociaux, ne braquez pas les projecteurs sur vous, mais plutôt sur les autres (les membres de votre communauté / vos fans / vos amis / les artistes que vous respectez).

Partagez les éléments qui vous paraissent banals. Ne songez même pas à vous vendre ou à vendre votre musique avant de bien tout piger. Quand c’est le cas, utilisez tout ça pour amener les gens à s’inscrire à votre newsletter, à visiter votre site web… Ça vous aidera, avec un avantage certain: un super référencement sur Google.

Gardez-ça en tête : 78% des gens font confiance à l’avis de leurs amis (c’est-à-dire le bouton “Like” (J’aime) sur Facebook) pour des produits et des services qu’ils achètent. Seulement 14% d’entre eux font confiance à la télé, la radio et la pub dans la presse. (Source : Socialnomics).

Donc en gros, vous devez devenir un des artistes que les gens recommandent.

#2 Promouvoir ma musique sur les médias sociaux ne va rien me rapporter. J’ai essayé, et la seule chose que j’ai gagné, c’est davantage de travail.

La vérité?

Les médias sociaux ne vont probablement rien vous rapporter directement à court terme. Mais utilisés au côté d’un marketing traditionnel et dans le cadre d’une vraie stratégie, ils peuvent vous permettre de renforcer votre relation avec vos fans, ce qui au final les incitera à acheter.

Récemment, pendant une formation Top Spin, j’ai appris que le référencement Google et la newsletter sont les deux éléments les plus importants pour espérer gagner de l’argent, et les médias sociaux peuvent vous aider à les renforcer.

#3 Les médias sociaux et le marketing prennent trop de temps.

Je veux juste être un artiste, qui répète et qui joue.

Bon, je n’ai jamais dit que tout ça était juste. Le succès a toujours demandé et demande toujours beaucoup de travail. Il y a des questions à se poser :

Quelle est votre définition du succès? Combien de temps voulez-vous consacrer à l’acquisition de nouvelles compétences et à la maîtrise de nouveaux outils ?

Si votre réponse est “aucun, je veux juste faire de la musique”, pas de problème.

Derek Sivers a récemment publié un article émouvant sur ce sujet et les commentaires sont très parlants (faire de la musique pour gagner de l’argent n’est peut être pas fait pour vous!)

Arrêtez d’espérer avoir une valeur aux yeux des autres. Considérez ça comme un bien personnel et précieux pour vous seul. Faites en sorte de gagner de l’argent autrement.

On continue ? Bien, allons-y.

Je me souviens d’un séminaire auquel j’ai participé, “The World’s Greatest Marketing Seminar” (Le meilleur séminaire de marketing du monde), dont le but était d’aider les entrepreneurs à lancer leur entreprise. L’un de ces entrepreneurs est monté sur scène et nous a tenu un discours atroce :

Pour avoir du succès, 70% de votre temps doit être consacré à votre marketing et à l’aspect commercial, les 30% restant à travailler sur votre entreprise.

A ce moment précis, le public a suffoqué en choeur.

(Oui, cela signifie qu’en tant qu’artiste vous devez toujours consacrer du temps à la création, mais que vous avez intérêt à en consacrer beaucoup plus à l’aspect marketing des choses).

#4 Les médias “sociaux” ne sont pas de “vrais” médias, ou Les médias sociaux n’ont pas d’impact réel sur le monde “réel”.

Les journalistes citoyens (blogueurs, podcasteurs, radios en ligne et individus à la tête de grandes communautés de “followers”) sont les nouveaux influenceurs.  Soyez attentifs aux médias traditionnels: les chaines de télé vous renvoient en permanence à leur compte Twitter ou leur page Facebook. Certaines d’entre elles font constamment apparaître leur flux Twitter à l’écran (CNN et Fox par exemple).

Les “vrais” médias incitent constamment les téléspectateurs à aller vers les médias sociaux et à y jouer un rôle actif. Et juste comme ça : il existe plus de 200 millions de blogs. Peut être qu’un ou deux d’entre eux voudront bien écrire quelque chose sur vous.

#5 Les médias sociaux, c’est pour les jeunes. Je ne fais pas partie de cette génération là.

Révisez votre jugement : l’âge moyen d’un utilisateur de Twitter est de 39 ans. La classe d’âge qui croît le plus sur Facebook est celle des femmes de 55 à 65 ans. Pourquoi ? Parce que Mamie s’est inscrite pour regarder les photos de son petit-fils, qu’elle s’est rendu compte que ses amis et sa famille étaient actifs sur le réseau, et que… c’est marrant !

#6 Les mises à jour de statuts sur Facebook et Twitter sont débiles. Qui peut bien avoir envie de savoir ce que font les gens en permanence ?

Beaucoup d’artistes ont l’impression que les réseaux sociaux sont faits pour faire de la promo.

C’était le cas à l’époque de MySpace, le premier résau social qui a tant excité les internautes. Le but principal c’était : de la hype, de la hype de la hype ! Faire de la promo. Ajouter frénétiquement autant d’amis que possible. Et faire péter les compteurs par tous les moyens. Sinon, pas la peine d’espérer intéresser tel boite ou se faire signer par tel label.

Ceci dit il n’y avait pas encore ces histoires de “mise à jour de statuts”.

Du coup, beaucoup d’artistes ont une peur bleue des statuts Twitter et Facebook, parce qu’ils pensent que les gens n’ont rien à faire de ce qui leur passe par la tête.

Comme Twitter contrebalance tout ça et sert plus à se bâtir une communauté qu’à faire sa propre promo, il ne savent pas trop qu’en faire ni ce qu’ils doivent y raconter.

Faites particper tous les membres de votre groupe ! Si ça se trouve, l’un d’eux maîtrise bien Twitter mais ne comprend rien à Facebook. Laissez-les alors mettre toute leur énergie dans ce site en particulier. Vous verrez : quelqu’un qui s’implique sur un site qu’il maîtrise, c’est un gros retour sur investissement garanti.

#7 Je ne suis pas “sociable”. En d’autres termes : Je ne veux pas que mes fans connaissent ma vie privée.

Si vous n’êtes pas quelqu’un de sociable, les médias sociaux sont fait pour vous parce que vous êtes derrière un écran, et pas devant d’autres personnes !

C’est vous qui décidez quand et comment répondre à untel, vous avez le temps de réfléchir à ce que vous allez dire, à qui vous allez le dire, sans le stress d’avoir quelqu’un en face de vous qui attend une réponse immédiate.

Ne montrez que ce que vous avez envie de montrer (tout n’est pas personnel !) : les films que vous aimez, les livres que vous lisez, et pourquoi pas les artistes qui vous plaisent ? Vous avez de quoi faire pour commencer.

__

Cet article a été initialement publié en anglais sur Music Think Thank.

Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !

Crédits CC flickr Jenn and Tony Bot,

]]>
http://owni.fr/2010/08/25/artistes-comment-dompter-les-reseaux-sociaux/feed/ 2