OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les particules surfent sur la vague http://owni.fr/2011/06/01/les-particules-surfent-sur-la-vague/ http://owni.fr/2011/06/01/les-particules-surfent-sur-la-vague/#comments Wed, 01 Jun 2011 09:06:40 +0000 Roud http://owni.fr/?p=35016 La mécanique quantique est le domaine de la physique à la fois le plus mystérieux et le plus popularisé auprès du grand public. Lorsqu’elle a été inventée dans les années 20, ses propriétés mathématiques parraissaient si étranges que de nombreux débats philosophiques ont eu lieu pour comprendre l’implication de cette physique sur la notion de réalité même.

Ce qu’il y a d’étonnant dans la mécanique quantique est qu’elle donne une vision fondamentalement incertaine du monde. Les particules quantiques se comportent tantôt comme une onde, tantôt comme une particule, une observation ne donne pas un résultat déterminé, mais probabiliste.

A cela s’ajoutent des effets bizarres comme le principe d’incertitude d’Heisenberg, spécifiant qu’un observateur peut modifier la nature de l’expérience physique simplement en la regardant, ou encore le paradoxe du chat de Schrödinger … Vous avez probablement entendu parler de ces interprétations qui, quoique bien définies mathématiquement, donnent un parfum très ésotérique à la physique quantique et la rendent quelque peu inaccessible au commun des mortels. Faut-il inventer une nouvelle philosophie, une nouvelle vision du monde et de la réalité pour comprendre notre univers ? (Ou notre multivers ?)

D’un point de vue purement scientifique, une école de pensée, dite de Copenhague, a fini par s’imposer. C’est en réalité une certaine école du renoncement : fi de ces histoires de dualité onde-particule, il est inutile de se poser des questions sans fins. La formule symbole de cette interprétation est le fameux “shut-up and calculate” de Feynmann, i.e. :

Ne te pose pas de questions et calcule.

L’idée est que le monde quantique reste incommensurable, incompréhensible pour nos cerveaux primitifs d’homo sapiens, le monde est tout simplement différent à petite échelle, et la seule beauté mathématique de l’équation de Schrödinger peut nous permettre de comprendre ce qu’il s’y passe.

Ondes et particules

Einstein (parmi d’autres) n’accepta jamais cette interpétation. Il propose avec Podolsky et Rosen un argument en 1935, appelé “paradoxe EPR”, visant à réfuter l’interprétation de Copenhague, théorie dite “non-locale”. L’illustration la plus connue de cette non-localité est ce qu’on appelle l’intrication quantique : des particules quantiques semblent pouvoir interagir à très grande distance, comme si la réalité physique d’une particule défiait l’espace en s’étendant en plusieurs endroits simultanément. Einstein pensait que c’était impossible et que des théories locales à “variables cachées” pouvaient tout expliquer.

Dans les années 60, John Bell propose une formulation mathématique de ce paradoxe EPR, les “inégalités de Bell”, ouvrant la voie à des tests expérimentaux du paradoxe, réalisés in fine pour la première fois par Alain Aspect, qui montre effectivement que la mécanique quantique les viole (10.000 fois plus vite que la lumière). L’école de Copenhague triomphe : cette violation prouve qu’il n’y a pas de théories locales à variables cachées pouvant rendre compte de la mécanique quantique, et donc qu’il est inutile de tenter de dépasser la froideur mathématique de l’équation de Schrödinger, seule façon de décrire le monde à petite échelle. L’interprétation s’impose définitivement, est enseignée dans les universités, le débat semble clos (en tous cas pour les non-experts un peu éclairés dans mon genre).

Mais le diable est dans les détails : la violation des inégalités de Bell montre que la mécanique quantique est une théorie “non-locale”, comme le veut l’interprétation de Copenhague, mais elle ne montre pas pour autant que l’interprétation de Copenhague est valide (en particulier son aspect purement probabiliste). Or certains physiciens, et pas des moindres, ont continué à travailler sur des théories qui, contrairement à l’interprétation de Copenhague, ont le bon goût d’être déterministes et non probabilistes : De Broglie et Bohm ont ainsi développé une théorie dite de l’onde porteuse, ou onde guide. On peut résumer en quelques mots cette théorie de la réalité : un système quantique n’est ni une particule, ni une onde mais la conjugaison d’une particule littéralement “portée” par une onde, un peu comme un surfeur sur une vague. Lorsque l’on explore alors les propriétés de la matière, on est tantôt en interaction avec une particule, tantôt en interaction avec l’onde, d’où la fameuse dualité observée en mécanique quantique.

Cette théorie a également le bon goût d’être non-locale : l’onde porteuse s’étend à tout l’univers, et donc on peut interagir avec la particule “à distance” via une action sur sa propre onde porteuse. Elle n’est donc pas nécessairement en contradiction avec les expériences de violation des inégalités de Bell dont on parle ci-dessus. Le plus gros problème, qui hérisse le poil de nombreux physiciens, est cette non-localité, et cette théorie ne s’est pas imposée, trop ésotérique. Ironie de l’histoire, l’un des grands défenseurs de cette théorie n’est autre que John Bell lui-même, l’homme qui par ses travaux a indirectement tué le paradoxe EPR.

Transportons-nous maintenant au début des années 2000. Changeons de domaine : place à la physique de la matière dite “molle”, place à cet élément étrange et commun … l’eau.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

(Pour les non-anglophones, une version sous-titrée de cette vidéo est disponible sur dot sub)

Grâce aux progrès dans l’acquisition des images, on peut filmer en temps réel ce qui se passe lorsqu’une goutte d’eau tombe sur une surface libre. On observe alors un phénomène tout à fait fascinant dû à la tension de surface (la même propriété physique à l’origine des effets de capilarité) : lorsqu’une goutte tombe sur une surface d’eau, elle va pouvoir “rebondir” plusieurs fois sur celle-ci. Au moment des rebonds, elle va en plus créer une petite onde autour d’elle. Au bout du compte, l’énergie se dissipe, la goutte se stabilise à la surface avant de fusionner avec celle-ci. Dans cette petite expérience très simple, notez qu’on a deux ingrédients intéressants : une “particule” (la goutte), et une onde (créée par la goutte qui tombe), l’onde étant bien sûr en interaction avec la particule via les lois de la mécanique des fluides. On n’est pas très loin de l’image de Bohm-De Broglie, le seul “problème” étant la dissipation d’énergie qui entraîne la stabilisation de la goutte et sa fusion avec la surface.

La solution paraît rétrospectivement simple : injecter de l’énergie dans le système

C’est l’idée qu’ont eu Yves Couder (de l’université Paris VII) et son équipe : en faisant “vibrer” la surface d’eau, on peut arriver à entretenir le rebond de la goutte, qui sautille ad vitam aeternam, générant une onde dans sur la surface de l’eau. Mieux, en ajustant un peu les paramètres, on peut arriver à ce que l’onde soit déphasée par rapport au rebond de la goutte, ce qui a pour conséquence de transformer la goutte rebondissante en goutte voyageuse, “marcheur” allant bien droit. L’onde générée par le rebond est ainsi transformée en “onde porteuse”, un peu comme dans la théorie de Bohm-De Broglie ! Encore mieux : si on commence à mettre plusieurs gouttes ensemble, non seulement celles-ci bougent, mais elles vont pouvoir interagir via l’onde se propageant à la surface de l’eau. Une vidéo vaut mieux qu’un long discours :

(Vidéo en Supplément de Dynamical phenomena:  Walking and orbiting droplets, Y. Couder, S. Protière, E. Fort & A. Boudaoud, Nature 437, 208(8 September 2005); on notera la différence de moyens entre les télés américaines et les labos français)

Les choses vraiment amusantes et dérangeantes peuvent alors commencer : étant donné ce système dual onde-particule, déterministe et macroscopique, sa physique ressemble-t-elle à la physique quantique ?

A ce jour, Couder et son équipe ont essayé plusieurs expériences, et de façon assez fascinante ont réussi à reproduire plusieurs effets quantiques. Toutes ces expériences reposent sur l’interaction du système goutte/onde avec l’équivalent macroscopique d’un mur, en l’occurrence ici une zone où on empêche la goutte de se propager par rebond (en modifiant la profondeur locale du bassin). Les effets suivants ont été observés : Couder et Fort ont reproduit avec leur système les figures de diffraction de la très fameuse expérience de fentes d’Young expliquée ci-dessous :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Feynman a dit un jour que cette expérience est un “phénomène impossible, absolument impossible, à expliquer de façon classique et qui est au fondement même de la mécanique quantique”. On peut donc affirmer aujourd’hui que Feynman avait tort sur le premier point. L’expérience de Couder explique le paradoxe quantique suivant : on peut envoyer une seule goutte qui passe par une seule fente tout en ayant des interférences sur l’écran.

Comment ? L’idée est que l’onde porteuse qui guide la goutte rebondissante par une fente va interférer avec son homologue passant par l’autre fente , du coup, elle va guider et localiser in fine la goutte sur une seule bande d’interférence constructive de l’onde. Ce qui est très impressionant est que cette expérience de Couder et Fort reproduit exactement, de façon tout à fait classique, l’expérience montrée par Dr Quantum ci-dessus : on envoie une à une des gouttes (comme Dr Quantum envoie des électrons) et la statistique des trajectoires individuelles des gouttes sur le long terme reproduit la figure de diffraction des ondes ! L’aspect probabiliste sur les trajectoires dans ce système classique vient quant à lui vraisemblablement d’une dynamique chaotique au moment où la goutte passe par la fente. Inutile d’invoquer un changement de nature de la goutte qui se dédouble en multivers quand elle passe les fentes !

Interférences dans les statistiques de position de la goutte dans l'expérience de Fort-Couder

Interférences dans l'expérience quantique des fentes d'Young

Une goutte peut “traverser” un mur par l’équivalent macroscopique d’un effet tunnel - cet effet de mécanique quantique qui fait qu’une particule peut jouer les passe-murailles :

Last but not least, modulo une jolie analogie entre champ magnétique et vecteur rotation, une quantification est observable dans ce système : des “marcheurs” placés dans une bassine tournante sur elle-même ne peuvent aller n’importe où et se localisent précisément à certaines distances du centre, tout comme les niveaux d’énergie d’une particule quantique sont eux-mêmes discrets.

Quantification des localisations de la goutte (panneau de droite)

La plupart des effets “quantiques” reposent donc sur une interaction très forte entre la goutte et l’onde qui la guide. Comme l’explique Yves Couder lui-même :

Ce système où une particule est guidée par une onde se distingue des modèles théoriques d’ondes pilotes par le fait que tous les points récemment visités par le marcheur restent des sources d’ondes. La structure du champ d’onde forme donc une “mémoire” du chemin antérieur parcouru par la goutte.

Cette notion de mémoire de chemin est l’effet crucial, non local, nouveau par rapport à la théorie de De Broglie-Bohm, qui explique tous les comportements quantiques. Du coup, on peut se demander si ces expériences ne constituent pas les prémisses d’une révolution conceptuelle dans la mécanique quantique, car loin de simplement reproduire les résultats bien connus du monde quantique, elles suggèrent des nouvelles pistes de réflexions, des concepts, voire des expériences permettant de mieux appréhender l’infiniment petit.

Peut-être que le monde quantique sera in fine différent de cette image simple, mais les leçons épistémologique de cette série d’expériences n’en sont pas moins vertigineuses. D’abord, elles rappellent l’importance cruciale de la réalité expérimentale, trop souvent oubliée par les théoriciens. La nature sera toujours plus intelligente que nous. Ensuite, elles mettent en exergue le danger potentiel de trop se focaliser sur le formalisme, certes puissant, certes efficace, mais qui peut amener à occulter en partie la réalité même.

Extrapolons : imaginons que ces expériences aient quoi que ce soit à voir avec le monde quantique, on peut alors dire adieu au principe d’incertitude d’Heisenberg par exemple. Que penser alors de nombreuses “philosophies” développées autour de ce principe ? Enfin, il est fascinant de voir que cette physique des gouttes rebondissantes est un phénomène complexe, multi-échelle, avec mémoire, un phénomène typiquement émergent en somme. Se pourrait-il que la physique quantique, théorie phare du XXième siècle, échoue en définitive à donner une vision simple de la réalité par excès de réductionnisme ?

Post-Scriptum :
tout cela pose également des questions sur l’enseignement de la physique. J’avais déjà déploré dans un billet précédent l’accent mis sur la physique quantique au détriment de la physique classique des systèmes complexes, cette série d’expériences montre bien l’absurdité de la chose (et oui, moi je veux la peau de Sheldon Cooper).

Bêtisier : en rédigeant ce billet, je suis tombé sur un communiqué du CNRS de 2005 parlant de ces expériences. Pour le CNRS, donc :

Ce genre d’étude est relié aux applications industrielles qui font intervenir des gouttes, par exemple les imprimantes à jet d’encre.

On parle ici de révolution scientifique potentielle, de changement profond de notre connaissance du monde, et le CNRS parle imprimante à jet d’encre. C’est digne du petit jeu auquel on jouait dans ce billet et en commentaires.

Références

Couder Y, Protière S, Fort E, Boudaoud A (2005) Dynamical phenomena: Walking and orbiting droplets. Nature 437:208.

Couder Y, Fort E (2006) Single-particle diffraction and interference at a macroscopic scale. Phys Rev Lett 97:154101-1–154101-4.

Eddi A, Fort E, Moisy F, Couder Y (2009) Unpredictable tunneling of a classical wave-particle association. Phys Rev Lett 102:240401-1–240401-4.

Bush JW (2010) Quantum mechanics writ large Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2010 107 (41) 17455-17456


Article initialement publié sur Matières Vivantes sous le nom “La nature de la réalité”.

Photos Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par zedamnabil

]]>
http://owni.fr/2011/06/01/les-particules-surfent-sur-la-vague/feed/ 33
Pourquoi vit-on dans un monde en 3D? http://owni.fr/2011/02/20/pourquoi-vit-on-dans-un-monde-en-3d/ http://owni.fr/2011/02/20/pourquoi-vit-on-dans-un-monde-en-3d/#comments Sun, 20 Feb 2011 08:57:57 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=47665
Article initialement publié sur le blog de Dr Goulu et repris sur OWNisciences

Illustration FlickR CC : Cayusa

[Liens en anglais, sauf mention contraire] Dans “Why are past, present, and future our only options?“, Dave Goldberg traite de la “question bête” d’un lecteur de son livre qui se demande à quoi ressemblerait l’univers si le temps avait plus d’une dimension, et plus généralement, si la vie serait imaginable dans un univers à N≠3 dimensions. Voici quelques idées qu’il y développe, additionnées des miennes sur ce sujet.

La vie dans un espace à 2 dimensions (+1 temps)  a été imaginée dès 1884 dans Flatland [fr], une allégorie purement géométrique dont a été tiré un film 2007 :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un siècle plus tard, A.K. Dewdney a traité de manière beaucoup plus “scientifique” la physique, la chimie et la biologie dans le Planivers, répondant au passage à une objection de Dave Goldberg : oui, il est possible de croiser deux fils dans le Planivers, comme indiqué ici, donc de réaliser des ordinateurs en 2D, comme le montre également le ”Jeu de la Vie” [fr] qui est une machine “Turing complète” [fr].

Un univers à N=1 dimension (+1 temps) n’est pas imaginable en physique, mais du point de vue artistique j’aime beaucoup ”la Linea” de mon enfance, un dessin animé minimaliste en “1½ D” avec interventions ponctuelles d’un Créateur tridimensionnelle :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

À propos d’un univers à N=4 dimensions spatiales [fr] (+1 temps toujours), Dave Goldberg mentionne un fait que je n’avais pas réalisé : l’action des forces n’y diminue pas comme l’inverse du carré de la distance comme dans notre univers, mais comme l’inverse du cube de la distance. Ceci fait notamment qu’aucune planète à 4 dimensions ne peut décrire une orbite stable autour de son soleil hypersphérique. Le problème ne s’arrangeant pas en augmentant les dimensions il faut se rendre à l’évidence : un univers “fertile”, où la complexité peut se développer jusqu’à permettre des formes de vie ne peut avoir que N=3 dimensions, ou à la rigueur 2.

Plus une seule dimension de temps, toujours. Quelle que soit la “nature du temps” [fr] on n’y coupe pas : au niveau macroscopique bien décrit par la relativité d’Albert, le temps est décrit par une dimension imaginaire [fr], au sens mathématique des nombres complexes. Évidemment, sans temps un univers serait désespérément statique et sans intérêt.

Mais peut-on imaginer un temps à plus d’une dimension ? Mathématiquement ça ne pose pas trop de problèmes et les caractéristiques de tels univers ont été étudiées, notamment par Max Tegmark. Son très intéressant article soulève la difficulté majeure posée par un univers à plusieurs dimensions de temps :

Si un observateur est capable d’utiliser sa conscience de soi et des capacités de traitement de l’information, les lois de la physique doivent être telles qu’il puisse faire au moins certaines prédictions. Plus précisément, au sein du cadre d’une théorie des champs, en mesurant diverses valeurs de champ à proximité, il faut qu’il ait la possibilité de calculer les valeurs de champ à certains points plus éloignés de l’espace-temps (ceux se trouvant le long de la ligne de son monde à venir sont particulièrement utiles) avec une marge d’erreur finie. Si ce type de causalité bien définie était absente, alors non seulement il n’y aurait aucune raison pour que cet observateur ait une conscience de soi, mais il semble très peu probable que des systèmes de traitement de l’information tels que les ordinateurs ou le cerveau puissent exister.

Or justement cette prédictibilité n’apparaît que si les équations de champ suivent des équations différentielles partielles “hyperboliques”. Et Tegmark montre que ceci n’est le cas que dans les univers à une seule dimension de temps ou une seule dimension d’espace. S’il y en a plus, l’univers devient totalement imprévisible. Avec un temps à deux dimensions, il est par exemple impossible de donner un rendez-vous à quelqu’un, car si nous contrôlons nos déplacements dans l’espace et pouvons éventuellement les moduler de façon à nous retrouver à un certain moment t1 selon le “temps1″ à l’endroit convenu, nous n’aurions pas le moyen de gérer simultanément le “temps2″ : l’autre personne suivant une trajectoire dans l’espace-temps différente n’aurait aucun moyen d’arriver au rendez-vous à la fois à la même position spatiale et au même temps (t1,t2)

Le tableau suivant résume les caractéristiques des univers selon leurs dimensions spatiales et temporelles selon Tegmark :

Notre univers n’est donc pas le résultat d’une expérience menée par des êtres à 4 dimensions, ou de dieux pour lesquels notre temps ne serait qu’une dimension parmi beaucoup d’autres. Nous ne sommes pas manipulés comme “La Linea”, ça soulage…

Le tableau exhibe aussi une jolie symétrie entre dimensions spatiales et dimensions temporelles, ce qui laisse espérer un autres univers intéressant, notre “symétrique” à une dimension spatiale et “temps cubique”. Dans cet univers, la physique des particules n’autorise que l’existence de tachyons [fr], des particules très hypothétiques dans notre univers mais liées à la théorie des cordes, laquelle postule l’existence de dimensions ”bouclées” à très petite échelle en plus des dimensions spatiales. Dès qu’on vérifie leur existence expérimentalement j’écris un article là-dessus, promis.

]]>
http://owni.fr/2011/02/20/pourquoi-vit-on-dans-un-monde-en-3d/feed/ 36
Pourquoi 3 dimensions + 1 temps? http://owni.fr/2011/02/17/pourquoi-3-dimensions-1-temps/ http://owni.fr/2011/02/17/pourquoi-3-dimensions-1-temps/#comments Thu, 17 Feb 2011 08:21:18 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=34104 Dans “Why are past, present, and future our only options?“, Dave Goldberg traite de la “question bête” d’un lecteur de son livre qui se demande à quoi ressemblerait l’univers si le temps avait plus d’une dimension, et plus généralement, si la vie serait imaginable dans un univers à N?3 dimensions. Voici quelques idées qu’il y développe, additionnées des miennes sur ce sujet.

La vie dans un espace à 2 dimensions (+1 temps)  a été imaginée dès 1884 dans “Flatland” , une allégorie purement géométrique dont a été tiré un film en 2007 :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un siècle plus tard, A.K. Dewdney a traité de manière beaucoup plus “scientifique” la physique, la chimie et la biologie dans le “Planivers” , répondant au passage à une objection de Dave Goldberg: oui, il est possible de croiser deux fils dans le Planivers, comme indiqué ici, donc de réaliser des ordinateurs en 2D, comme le montre également le ”Jeu de la Vie” qui est une machine “Turing complète

Un univers à N=1 dimension (+1 temps) n’est pas imaginable en physique, mais du point de vue artistique j’aime beaucoup ”la Linea” de mon enfance, un dessin animé minimaliste en “1½ D” avec interventions ponctuelles d’un Créateur tridimensionnel :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

A propos d’un univers à N=4 dimensions spatiales (+1 temps toujours), Dave Goldberg mentionne un fait que je n’avais pas réalisé : l’action des forces n’y diminue pas comme l’inverse du carré de la distance comme dans notre univers, mais comme l’inverse du cube de la distance. Ceci fait notamment qu’aucune planète à 4 dimensions ne peut décrire une orbite stable autour de son soleil hypersphérique. Le problème ne s’arrangeant pas en augmentant les dimensions il faut se rendre à l’évidence : un univers “fertile”, où la complexité peut se développer jusqu’à permettre des formes de vie ne peut avoir que N=3 dimensions, ou à la rigueur 2.

Plus une seule dimension de temps, toujours. Quelle que soit la “nature du temps” on n’y coupe pas : au niveau macroscopique bien décrit par la relativité d’Albert, le temps est décrit par une dimension imaginaire, au sens mathématique des nombres complexes. Évidemment, sans temps un univers serait désespérément statique et sans intérêt.

Mais peut-on imaginer un temps à plus d’une dimension ? Mathématiquement ça ne pose pas trop de problèmes et les caractéristiques de tels univers ont été étudées, notamment par Max Tegmark. Son très intéressant article soulève la difficulté majeure posée par un univers à plusieurs dimensions de temps :

Si un observateur est capable d’utiliser sa conscience de soi et des capacités de traitement de l’information, les lois de la physique doivent être telles qu’il puisse faire au moins certaines prédictions. Plus précisément, au sein du cadre d’une théorie des champs, en mesurant diverses valeurs de champ à proximité, il faut qu’il ait la possibilité de calculer les valeurs de champ à certains points plus éloignés de l’espace-temps (ceux se trouvant le long de la ligne de son monde à venir sont particulièrement utiles) avec une marge d’erreur finie. Si ce type de causalité bien définie était absente, alors non seulement il n’y aurait aucune raison pour que cet observateur ait une conscience de soi, mais il semble très peu probable que des systèmes de traitement de l’information tels que les ordinateurs ou le cerveau puisse exister.

Or justement cette prédictibilité n’apparaît que si les équations de champ suivent des équations différentielles partielles “hyperboliques”. Et Tegmark montre que ceci n’est le cas que dans les univers à une seule dimension de temps ou une seule dimension d’espace. S’il y en a plus, l’univers devient totalement imprévisible. Avec un temps à deux dimensions, il est par exemple impossible de donner un rendez-vous à quelqu’un, car si nous contrôlons nos déplacements dans l’espace et pouvons éventuellement les moduler de façon à nous retrouver à un certain moment t1 selon le “temps1″ à l’endroit convenu, nous n’aurions pas le moyen de gérer simultanément le “temps2″ : l’autre personne suivant une trajectoire dans l’espace-temps différente n’aurait aucun moyen d’arriver au rendez-vous à la fois à la même position spatiale et au au même temps (t1,t2)

Le tableau suivant résume les caractéristiques des univers selon leurs dimensions spatiales et temporelles selon Tegmark :

Notre univers n’est donc pas le résultat d’une expérience menée par des êtres à 4 dimensions, ou de dieux pour lesquels notre temps ne serait qu’une dimension parmi beaucoup d’autres. Nous ne sommes pas manipulés comme “La Linea”, ça soulage…

Le tableau exhibe aussi une jolie symétrie entre entre dimensions spatiales et dimensions temporelles, ce qui laisse espérer un autres univers intéressant, notre “symétrique” à une dimension spatiale et “temps cubique”. Dans cet univers, la physique des particules n’autorise que l’existence de tachyons, des particules très hypothétiques dans notre univers mais liées à la théorie des cordes, laquelle postule l’existence de dimensions ”bouclées” à très petite échelle en plus des dimensions spatiales. Dès qu’on vérifie leur existence expérimentalement j’écris un article là dessus, promis.

>> Article initialement publié sur le blog de Dr Goulu

>> Illustration FlickR CC : Cayusa

]]>
http://owni.fr/2011/02/17/pourquoi-3-dimensions-1-temps/feed/ 2
Questions de Miroir http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/ http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/#comments Wed, 08 Dec 2010 17:38:00 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=33532 Titre initial : MIROIR | ?IO?IM

Pourquoi un miroir inverse-t-il la gauche et la droite et pas le haut et le bas ?
Cette question « bête » en soulève deux autres moins triviales :

  • comment marche un miroir ?
  • comment définir la « gauche » et la « droite » ?

Un miroir réfléchit simplement la lumière en n’inversant rien du tout : en face d’un miroir, la lumière issue de votre main droite rebondit sur le miroir et arrive à vos yeux par la droite. La lumière venant de vos pieds vous parvient de même par le bas : tout est à sa place. Tout, sauf la « profondeur » : c’est en fait la distance des objets au miroir qui est « inversée », autrement dit « l’avant » et « l’arrière » [1].

Notre image dans un miroir est donc « retournée comme un gant » : un gant droit retourné devient un gant gauche, comme nos mains dans le miroir [2].
Même si nous nous regardons dans des miroirs artificiels ou naturels depuis pas mal de milliers d’années, nous avons toujours de la peine à comprendre que la symétrie ne correspond pas à une rotation (sauf dans un espace de dimension supérieur, comme le note  Xochipilli dans son très chouette article [1] ). Ce fait bien connu des joueurs de Tetris n’empêche pas certaines de tenter avec obstination d’orienter leurs mèches de cheveux à gauche ou à droite alors que personne ne les verra jamais comme elles se voient dans un miroir…

Ce qui nous amène à la seconde partie de la question : les notions de « gauche » et de « droite » ont-elles une réalité physique ? Autrement dit, existe-t-il des objets ou phénomènes dont l’image dans un miroir serait impossible ?

On pense tout de suite à l’écriture : un texte vu dans un miroir est illisible, ou du moins pas facilement. Mais ce n’est qu’une question de convention : on aurait très bien pu écrire de droite à gauche comme certaines langues, en utilisant des lettres « retournées »  comme dans cette jolie affiche:

Du russe ou du ?IO?IM ?, crédit

Comment expliquer la gauche et la droite aux extraterrestres ?

Page 15 du message de Dutil et Durand. Le message de paix pourrait-être lu à l'envers

La question de la transmission de cette convention est d’ailleurs un problème intéressant :  les messages que certains ont envoyé aux extra-terrestres [2] (une grave erreur) sont composés de bits que les destinataires sont censés assembler en lignes et en colonnes pour produire des images en noir et blanc. Comment leur dire que les points doivent être disposés de gauche à droite plutôt que de droite à gauche ?

(On admet qu’on ne dispose pas de points de repère communs avec les extra-terrestres, sinon ça serait trop simple… Disons qu’ils vivent sous une couverture nuageuse perpétuelle et ne connaissent rien à l’astronomie …)

Cette question est équivalente à celle posée plus haut : il suffirait de décrire dans le message un objet ou un phénomène physique dont l’image dans un miroir ne peut pas exister dans la réalité .

Il existe bien quelques objets déroutants en version « miroir », comme les tire-bouchons « tourne à gauche »  vendus dans les farces et attrapes, mais ils sont tous aussi possibles à réaliser que leur version « normale ».

Une molécule chimique ? Il en existe beaucoup qui ont une forme différente de leur image dans le miroir. Par exemple le sucre existe sous forme de dextrose qui fait tourner le plan de polarisation de la lumière à droite et sous sa forme énantiomère lévogyre. La chiralité des molécules détermine donc parfois leur propriétés physiques, mais …  tout reste cohérent vu dans un miroir.

Les effets de ces molécules peuvent être très différents selon leur forme dans le miroir : la catastrophe de la thalidomide est due à l’énantiomère d’un bête calmant, et la L-métamphétamine débouche juste le nez,  alors que  la D-métamphétamine a d’autres effets…

D-méthamphétamine / L-méthamphétamine

La raison de ceci est que ces molécules interagissent différemment avec les molécules de notre organisme, qui ont elles-mêmes une certaine géométrie plutôt que leur image dans le miroir. Ainsi les êtres vivants sur Terre produisent ou consomme beaucoup plus de D-glucose (ou dextrose) que de L-glucose, et  l’ADN présent dans tous les être vivants à la forme d’une double hélice tournant dans à droite. Mais il n’y a pas de raison fondamentale à ceci : la vie a probablement « préféré » une forme plutôt qu’une autre à ses débuts, et cette « brisure de symétrie » s’est propagée par contagion, mais il une biochimie « dans le miroir » est parfaitement cohérente.

L’électromagnétisme alors ?  Si on fait passer un courant électrique dans une bobine, on crée un champ magnétique avec un pôle Nord et un pôle Sud. Si la bobine est bobinée à l’envers, les pôles Nord et Sud sont inversés.

Oui… mais les notions de pôles magnétiques « Nord » et « Sud » sont tout à fait conventionnelles (jusqu’à ce qu’on trouve des monopôles magnétiques).

Combien de fêlures dans les miroirs de la physique ?

Jusqu’en 1956,  l’Univers observé dans un miroir était parfaitement cohérent. De fait, 3 des 4 forces fondamentales ont une « Symétrie-P » ou « Parité » parfaite. Mais en 1956,  une dame démontra une violation de parité concernant la 4ème force, l’interaction faible. Lors de désintégration ? d’un noyau de Cobalt 60, un électron est émis dans une direction aléatoire. Mais il y en a statistiquement 1 sur un million de plus qui part dans la direction opposée à celle du spin du noyau que dans la direction du spin (le spin indique le sens de rotation du noyau). En regardant l’expérience dans un miroir le spin change de sens et l’électron irait très légèrement plus souvent dans la direction du spin, ce qui est contraire à l’expérience. L’interaction faible « préfère » très légèrement la rotation à gauche et  on pourrait donc expliquer aux extraterrestres notre convention gauche/droite en leur transmettant ce dessin:

Mais si par malheur nos extraterrestres vivent dans une Galaxie (hypothétique) formé d’antimatière, on a un gros problème : l’antimatière peut également être considérée comme « vue dans un miroir ». Chaque particule de la physique possède son antiparticule dont toutes les caractéristiques sont les mêmes sauf la charge électrique, qui est inversée. Le « miroir » de la « Symétrie C » (C comme charge) est très semblable à celui de la symétrie P : toute la physique et la chimie est parfaitement identique avec de l’antimatière qu’avec de la matière, sauf pour l’interaction faible, exactement comme ci-dessus.

Autrement dit, si nos extraterrestres font l’expérience avec un noyau de ce que nous appellerions de l’anti-Cobalt 60 et observent la direction d’émission du positron, tout marchera parfaitement bien mais ils comprendront absolument tout à l’envers : la gauche et la droite, le signe des charges électriques, les pôles Nord/Sud magnétiques etc. Et la rencontre des deux civilisations fera des étincelles

Le problème est que notre dessin implique en fait 2 miroirs, le C et le P qui inversent tous deux de la même manière l’expérience, et comme chacun sait, si on regarde notre reflet dans un miroir à l’aide d’un autre miroir, tout se remet en place.

On appelle « Symétrie CP » l’image de l’Univers qu’on obtient en inversant à la fois la gauche et la droite et les charges électriques, et cette symétrie était parfaite. Mais dans les années 1960, on a découvert une très légère brisure de la symétrie CP : la transformation d’un kaon en antikaon est 1 milliardième de fois  plus rare que la transformation d’un antikaon en kaon.

Cette nanoscopique (10-9) fêlure a une conséquence pratique assez importante: nous existons.

En effet, c’est la violation de la symétrie CP qui fait que le Big Bang a eu la bonne idée de produire un milliardième de plus de matière « normale » que d’antimatière, et c’est ce milliardième qui ne s’est pas annihilé avec l’antimatière qui constitue tout ce qui nous entoure, sans quoi il n’y aurait pas eu grand chose après « que la lumière soit ».

Comment transformer une caméra vidéo en miroir temporel

Réponse : c’est très facile et amusant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Même un extra terrestre très différent de nous devinerait assez vite qu’il regarde le film à l’envers parce que beaucoup de phénomènes macroscopiques ont une préférence pour le futur. Ce n’est pas le cas à petite échelle : toutes les interactions entre particules peuvent se produire « en sens inverse » : la mécanique quantique possède une « symétrie T » que l’on retrouve dans les diagrammes de Feynman dont Benjamin a causé ici.

Voici donc un troisième miroir légèrement imparfait, qui peut se combiner avec les autres ! D’ailleurs, pour réaliser le film ci-dessus, je suppose que la demoiselle qui va « à l’endroit » regarde dans un miroir pour marcher à l’envers sans se heurter à la foule. En quelque sorte, la symétrie PT a permis de rendre le film plus réaliste que la symétrie T ne l’aurait permis.

Mais à propos… pour la violation de la symétrie CP on a dit que la transformation d’un kaon en antikaon plus rare que son contraire, mais si on passe le film de l’expérience à l’envers ? On verra plus de kaons se transformer en antikaons, donc l’Univers observé dans les trois miroirs C,P et T sera parfaitement cohérent avec les observations dans l’Univers « normal ».

La « symétrie CPT » est aujourd’hui considérée comme une loi fondamentale de la physique car c’est une des rares qui soit compatibles à la fois avec la mécanique quantique et la théorie de la relativité via le principe d’invariance de Lorentz. Mathématiquement, on a même réussi à montrer que la symétrie T était identique à la symétrie CP et donc que toute violation de la symétrie CP devait causer une violation de T équivalente, et vice-versa.

Les conséquences de la symétrie CPT

Avertissement : dans ce paragraphe, je m’avance un peu en terrain dangereux, mais c’est pour mieux vous faire réagir si vous maitrisez le sujet mieux que moi …

Une conséquence fondamentale de la symétrie CPT est qu’il est impossible de distinguer:

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui suivrait la même trajectoire entre A et B, filmée dans un miroir, et dont on passe le film à l’envers (où on la verrait donc aller de B en A)

Si on suppose que le temps existe comme une 4ème dimension, on peut aller un peu plus loin en disant que ces deux observations sont parfaitement indiscernables :

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui remonte le temps entre B et A, vue dans un miroir.

Donc lorsqu’on reçoit par exemple un rayon cosmique sous forme d’un antiproton à haute énergie, ne devrait-on pas vérifier s’il ne s’agirait pas d’un proton généré par un événement futur et qui remonte le temps? Est-ce que des installations comme l’observatoire Pierre Auger ont un « miroir » permettant d’observer la brisure de symétrie P qui distingue les deux cas ?

Dans le même ordre d’idée, l’effet Casimir est décrit par des phénomènes quantiques représentés par des diagrammes de Feynman ressemblant à la figure ci-dessous, et qui surviennent des milliards de fois chaque seconde dans chaque millimètre cube de vide de tout l’Univers…

La lecture classique est que 2 particules virtuelles, dont l’une est l’antiparticule de l’autre apparaissent spontanément par les fluctuations quantiques du vide, et leur annihilation mutuelle un court instant plus tard restitue « l’énergie du vide » empruntée par les particules.

Mais là aussi, je me demande comment distinguer cette interprétation de celle d’une particule tournant « en rond » dans le temps : pendant sa phase de retour dans le passé, la particule nous apparait exactement comme son antiparticule allant vers le futur … Existe-t-il une expérience permettant de vérifier la symétrie P du phénomène pour exclure cette interprétation ?

Références:

  1. « Jeu de réflexion » sur le Webinet des Curiosités
  2. Michel Thévoz L‘homme retroussé
  3. Message de Dutil et Dumas sur Astrosurf
  4. « La chimie prébiotique » sur Astrosurf
  5. Tom Roud Symétries I : de l’importance des symétries en physique
  6. Tom Roud Symétrie II : Groupes de symétries
  7. Tom Roud Symétries III : symétrie miroir, vecteurs et brisure de symétrie

>> Illustrations GNU Wikipédia : Public Domain et Creative Commons by-sa HB, FlickR CC : wokka, blentley, Profound Whatever et Loguy pour OWNI

>> Article publié initialement sur le blog de Dr Goulu

]]>
http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/feed/ 5
La fin du monde par le jeu vidéo http://owni.fr/2010/11/05/la-fin-du-monde-par-le-jeu-video/ http://owni.fr/2010/11/05/la-fin-du-monde-par-le-jeu-video/#comments Fri, 05 Nov 2010 13:06:52 +0000 Adrien Carpentier http://owni.fr/?p=34491 Connaissez-vous le paradoxe de Fermi ? Il provient d’une question basique, posée par Enrico Fermi à ses collègues au laboratoire de Los Alamos en 1950, entre deux chaleureux essais nucléaires :

Pourquoi diantre n’avons-nous jamais détecté de signes d’activité extraterrestre dans l’Univers ?

À première vue, on peut trouver la question étrange. Beaucoup répondront ce que leur prof de biologie leur a répété au collège : “la vie est un évènement rare, qui avait une chance infime de se produire”. On a eu un bol de cocu, en somme.

En disant ça, le prof de biologie admettait à peu près croire au Dieu qui a foutu Galilée au cachot. Pour la grande majorité des scientifiques, la question est si pertinente qu’elle mérite le nom d’un des plus grands physiciens de l’histoire, de nombreux ouvrages et un article dans Wikipedia plus long que celui sur Britney Spears.

Un million de civilisations détectables dans notre galaxie ?

Résumons modestement un demi-siècle de thèses d’astrophysique, d’exobiologie et de cosmologie en quelques lignes.

Sachant qu’une galaxie comme la nôtre contient un nombre d’étoiles de l’ordre de 100 milliards, et que les astronomes estiment à quelques centaines de milliards le nombre de galaxies dans l’Univers, on peut imaginer que le nombre total d’étoiles dans l’Univers est de l’ordre de… 10 000 milliards de milliards d’étoiles, pour lesquelles on connait assez bien la probabilité d’héberger une planète habitable. Facile pour l’instant, bande de newbies cosmologues.

Plus dur cette fois : il s’agit de prendre en compte la probabilité d’existence de planètes hébergeant une forme de vie autour d’étoiles, la probabilité qu’une forme de vie devienne intelligente, qu’une vie intelligente devienne détectable, et la période de temps pendant laquelle une civilisation est détectable. Vous y êtes ? Non ?

C’est pas grave, beaucoup l’ont fait avant vous sous le nom d’«équations de Drake ». Et même si ces quatre probabilités ne peuvent cette fois être que des chiffres subjectifs biaisées par le principe anthropique, en prenant en compte des estimations très pessimistes, beaucoup de scientifiques obtiennent un nombre élevé de civilisations ayant émis des signaux détectables dans notre propre galaxie. Pour certains, jusqu’à un million.

Pourtant on ne croise pas des aliens tous les jours

En toute logique, cela devrait faire un bon bout de temps que l’humanité se saoule dans les bars bras-dessus bras-dessous avec les aliens, et croule sous de gros blockbusters produits par des extraterrestres, démolissant notre cinéma d’auteur terrien. Or, le célèbre programme SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence), qui scanne l’Univers un peu partout à la recherche d’ondes artificielles de différentes fréquences depuis un demi-siècle humain, ne capte que dalle. Pas l’ombre ni l’odeur d’un pet extraterrestre.

L’une des hypothèses de notre problème est donc nécessairement fausse. Partant de ce constat, beaucoup de théories amusantes, voire effrayantes, s’affrontent depuis longtemps pour remettre en question l’une des hypothèses, souvent dans de jouissives collusions entre science et science-fiction.

On peut par exemple imaginer qu’une loi inconnue stipule que chaque civilisation a une durée de vie très courte, nettement plus que ce que l’on a considéré. Soit des phénomènes naturels arrivent toujours suffisamment fréquemment pour détruire ou remettre à zéro l’état d’une civilisation avant qu’elle ait le temps de s’étendre, soit de par leur nature, elles finissent par s’autodétruire systématiquement. Elles s’auto-nukent, en somme.

Mais on peut aussi formuler une hypothèse qui aurait beaucoup plus plu à Philip K. Dick. Et si les civilisations, au bout d’un temps d’avancement technologique suffisant, créaient systématiquement des mondes plus riches que la réalité ? Dans ce cas, ne serait-il pas raisonnable de penser que tout civilisation finit par se désintéresser de ladite réalité, préférant évoluer dans un monde qu’elle aurait créé, plutôt que d’explorer le monde réel ? Ces civilisations pourraient s’être organisées de manière à pouvoir survivre uniquement dans le but de faire exister ce monde virtuel. Ou bien cela sonnerait un jour ou l’autre, inévitablement, le glas de leur destruction. De quoi, dans tous les cas, expliquer leur absence remarquée dans nos contrées.

Le jeu vidéo mettra peut être fin à notre monde réel

Le jeu vidéo tel que nous le connaissons actuellement n’est, si l’on en croit cette hypothèse, qu’une expérimentation extrêmement primitive de notre futur monde. Mais ce jeu vidéo serait aussi le début de la fabrication de l’arme du crime, celle qui mettra fin au monde réel. Sacrebleu, cela présage de problèmes éthiques autrement plus costauds que de futiles histoires d’euthanasie ou d’avortement.

Pour savoir à quel point nous sommes loin du Jeu Vidéo Ultime, nous pourrions calculer la complexité de notre monde et éventuellement la comparer à celle de nos fades mondes numériques actuels. Nous connaissons déjà l’ordre de grandeur du nombre d’atomes dans notre Univers (environ 1080), mais les atomes ne constituent pas la quantité minimale d’information. Pour comparer à nos ordinateurs, il faudrait plutôt considérer notre Univers comme une grande machine à calculer binaire, et compter la quantité d’information stockée, et calculée, à chaque instant. En posant quelques hypothèses ésotériques, Seth LLoyd, professeur au MIT, s’est amusé à le faire, et obtient 10120 opérations binaires par cycle dans l’Univers, traitant 1090 bits de matière.

En 2008, les serveurs de Blizzard qui hébergent le jeu massivement en ligne « World of Warcraft », stockaient 1,3 petaoctets de données, soit 1016 bits. Quant aux ordinateurs les plus puissants du monde, ils traitent 1012 opérations par seconde.

Je vous souhaite une excellente vie réelle.

>> Illustrations FlickR CC : Alex Dram, x-ray delta one

>> Retrouvez tous les articles d’OWNIsciences

Cette illustration de Zach Weiner (publiée avec son autorisation) n’est pas en Creative Commons

]]>
http://owni.fr/2010/11/05/la-fin-du-monde-par-le-jeu-video/feed/ 8
Plongée au cœur du graphène http://owni.fr/2010/10/05/plongee-au-coeur-du-graphene/ http://owni.fr/2010/10/05/plongee-au-coeur-du-graphene/#comments Tue, 05 Oct 2010 11:46:03 +0000 David Larousserie http://owni.fr/2010/10/05/plongee-au-coeur-du-graphene/ Le graphène vient de valoir à ses deux inventeurs, Andre Geim et Konstantin Novoselov, le prix Nobel de physique 2010. En 2007, des physiciens français se retrouvaient pour un premier workshop consacré à ce matériau unique. Voici le récit de cette rencontre.

Ils pensaient être 30. Ils sont finalement une centaine, rassemblés à Orsay pour un premier workshop consacré à un sujet qui monte, que dis-je qui explose, le graphène. Le graphène est une nouvelle molécule aux propriétés électroniques remarquables. C’est un cristal plat (le plus plat du monde) uniquement constitué d’atomes de carbone disposés régulièrement en nid d’abeilles. Il pourrait bien remplacer le silicium de la microélectronique. Ou être plus efficace que les célèbres nanotubes de carbone. Nous n’en sommes pas là. Mais depuis sa mise en évidence bien réelle en 2004, c’est un peu la folie dans les labos. “Je compte environ un article par jour depuis un an. Le rythme est tel que nous devons faire une réunion hebdomadaire dans le labo pour suivre”, témoigne l’un des co-organisateurs de ce workshop.

Ça commence fort

Le directeur du laboratoire, hôte de la conférence, commence fort. “Le graphène est un sujet non programmé par les technocrates, et non réductible à sa dimension “nano”". Pan ! pour la tendance à vouloir tout financer sur projet. Pan ! sur les effets de mode autour des nanotechnologies.

La suite est tout autant inattendue mais surtout émouvante : une minute de silence pour Pierre-Gilles de Gennes, dont le décès a été annoncé le jour même. Le physicien avait passé 10 ans dans ce labo entre 1961 et 1971.

Les secrets du graphène

Puis le graphène entre en scène. Le premier orateur commence avec ironie. “Je vais vous raconter de la vieille physique et pas de nouvelles choses”. Moi qui m’attendais à des révélations fracassantes, ça commence mal. Non, en fait ça commence très bien car c’est un véritable petit cours de physique du solide reprenant les bases de la structure électronique des solides. C’est extrêmement pédagogique. Quand on pense qu’il y a un an ce jeune maître de conf’ s’occupait d’atomes froids… En fait, s’il explique qu’il n’y a rien de neuf, c’est qu’on connaît presque tout du graphène depuis…1947, sur le papier. Le problème est qu’on pensait que ce cristal ne serait jamais stable en deux dimensions, et qu’il voudrait se mettre en tube (nanotube) ou en boule (fullerène). Soudain c’est la panne de projecteur. Pas de problème pour le brillant orateur, il continue au tableau, comme un prof (dont les élèves sont presque tous plus âgés que lui !).

Petit à petit, le graphène révèle ses secrets, ses mystères et ses belles propriétés. “On ne sait pas comment l’appeler. Ce n’est ni un métal, ni un semiconducteur, ni un isolant”, explique le chercheur. Et, il avertit : “attention aux notations. Chacun utilise les siennes. J’ai mis du temps à le comprendre”. J’avoue que je commence à lâcher prise…

A la fin de l’exposé, les questions fusent. “Et si on le dope ? (le graphène, pas l’orateur)”. “Et si on met du désordre ?”. Quelles drôles de questions…

Mise en pratique

A la pause, l’enthousiasme est palpable. Certains poursuivent les discussions à une table sur du papier. Quelques uns sont contents de se retrouver. Il y a des curieux, pas encore familiers du graphène, comme ces physiciens travaillant sur des gaz d’atomes froids ou sur des gaz d’électrons à deux dimensions. A la reprise, c’est un cours de cuisine, sur trois façons de faire du graphène. Il y a la méthode “historique”, la plus simple : une mine de crayon à papier et du scotch. Avec le scotch on arrache feuille par feuille des tranches de graphite et dans le lot on espère trouver une monocouche de graphène. Comme ce n’est pas si facile, la start-up anglaise qui en fabrique fournit un petit plan avec une croix à côté de l’endroit où se trouve le fameux graphène…

Konstantin Novoselov, qui a co-inventé cette technique et vient d’obtenir le prix Nobel, en profite aussi pour ré expliquer des choses vues dans le premier exposé. D’une autre façon !

La seconde recette est franco-américaine : on met deux heures au four à 1400 degrés du carbure de silicium et hop, le silicium s’en va laissant des plans de carbone en surface. C’est très rapide à faire mais d’après l’assistance ça ne fait pas le même graphène !?! La troisième recette est vraiment française et utilise de la colle (“On en a testé des dizaines avant de trouver la bonne”, raconte l’orateur). Du graphite est collé sur une surface puis retourné et pressé sur une autre. D’un coup de scalpel on enlève le support et à coup de scotch, on exfolie le graphite jusqu’à avoir du graphène. L’avantage est que la couche est très plate.

Puis, j’ai abandonné les physiciens à leurs exposés qui se compliquaient de plus en plus…

>> Billet initialement publié sur le blog “À la source”.

Illustration FlickR CC par qwertyuiop.

]]>
http://owni.fr/2010/10/05/plongee-au-coeur-du-graphene/feed/ 0
Hommage à Georges Charpak et sa chambre à fils http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/ http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/#comments Sun, 03 Oct 2010 17:48:00 +0000 Benjamin Bradu http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/ Georges Charpak nous a quitté cette semaine et je veux lui rendre hommage, à lui et à sa fameuse chambre à fils inventée au CERN en 1968.

L’homme

Georges Charpak fut un des symboles d’intégration pour la France. Immigré polonais dans les années 30, il devint résistant pendant la seconde guerre mondiale et fut déporté dans le camp de concentration de Dachau. Il survécut et rentra en France à la libération où il fut naturalisé français en 1946 et intégra l’école des Mines. Il fit ensuite son doctorat de physique avec Frédéric Joliot-Curie, rentra au CNRS puis au CERN (Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire à Genève) en 1963. En 1968, il inventa sa fameuse chambre à fils et obtint le prix Nobel de physique en 1992. C’est ce que j’appelle un succès d’intégration pour la France qui devrait rester une terre d’accueil et d’éducation comme l’a si souvent dit Charpak.

Georges Charpak était apprécié de tous et était un homme modeste mais engagé dans la Science et dans la société où il luttait contre les armes nucléaires et supportait de nombreux projets d’éducation avec son projet la main à la pâte. Je ne vais pas vous faire une biographie complète ici mais pour ceux qui veulent mieux connaitre cet homme de science, je vous suggère cette vidéo de 20 minutes faite l’année dernière à l’occasion de son 85ème anniversaire au CERN où Charpak nous raconte rapidement sa vie.

Avant Charpak : les chambres à bulles

Jusque dans les années 70, la physique des particules se faisait « à la main » dans le sens où les collisions de particules issues des accélérateurs étaient principalement réalisées dans des chambres à bulles.

Une chambre à bulles consiste à remplir de liquide une enceinte close. On utilisait généralement de l’hydrogène liquide qui était maintenu en dessous de -253°C pour rester liquide. On faisait en sorte de réaliser les collisions devant ces chambres où les particules laissaient de petites bulles dans leurs sillages.

On prenait alors des photos de ces bulles pour identifier la trajectoire des différentes particules. Par la suite, la courbure des trajectoires et la densité des bulles permettaient d’identifier les différentes particules. Évidemment, toutes ces mesures se faisaient à la main sur des tables de projection où les différentes photos pouvaient défiler rapidement.  La plus grande chambre à bulles du CERN, BEBC (Big European Bubble Chamber) qui mesurait 3,7 m de diamètre et 4 m de haut a fourni durant sa vie 6,3 millions de photographies (3 000 km de film) analysées entre 1973 et 1984 par près de 600 chercheurs dans le monde.

Charpak : la chambre à fils

A la fin des années 60, les premiers systèmes électroniques à base de transistors apparaissent et font miroiter des possibilités gigantesques en termes de traitement automatique des données: c’est le balbutiement de l’informatique. Or, les physiciens des hautes énergies réalisent de grandes expériences produisant de très nombreuses données encore difficiles à traiter comme avec les chambres à bulles.

En 1968, Georges Charpak qui était chercheur au CERN invente  alors  un nouveau genre de détecteur de particules qui allait tout simplement révolutionner l’avenir de la physique des particules : la chambre proportionnelle multifilaire, ou plus simplement la chambre à fils, pour laquelle Charpak sera récompensé par le prix Nobel de physique en 1992.

Le principe est en somme relativement simple et facile à concevoir. Une enceinte (chambre) est remplie d’un gaz noble (comme de l’Argon) puis des fils électriques parallèles sont tendus à l’intérieur de manière à faire une sorte de maillage dans un plan. L’extrémité des fils est ensuite connectée à un générateur de tension électrique à une borne positive (anodes) et des plaques conductrices sont intercalées entre les plans des fils et sont reliées à une borne négative (cathodes).

Lorsqu’une particule chargée (c’est-à-dire portant une charge électrique comme un électron ou un muon) traverse la chambre, cette particule ionise le gaz noble (elle « casse » des atomes de gaz en électrons chargés négativement et en ions chargés positivement). Les électrons sont alors attirés par les anodes (reliés à une borne positive) et les ions par les cathodes (reliés à une borne négative). Au bout de l’anode, on place un amplificateur pour permettre la mesure du courant électrique engendré par le déplacement des électrons dans le fil. La mesure de courant sur chaque fil peut être par la suite analysée dans un ordinateur afin de reconstruire la trajectoire de la particule comme avec une chambre à bulles mais de manière automatique.

Ce nouveau type de détecteur a permis de multiplier par un facteur 1000 la vitesse de traitement des données par rapport aux chambres à bulles où il fallait compter « à la main » les particules.

Les chambres à fils aujourd’hui

Le dernier accélérateur de particules du CERN dénommé Large Hadron Collider, ou LHC, permet de produire pas moins de 40 millions de collisions par seconde pendant plusieurs heures. Ces collisions sont réalisées au centre de 4 gigantesques détecteurs. Les détecteurs du LHC utilisent différentes techniques dont des chambres à fils pour détecter des particules chargées comme les muons.

Toutes les collisions du LHC sont  triées automatiquement par des systèmes électroniques puis analysées et reconstruites en 3 dimensions par des systèmes informatiques mobilisant plus de 100 000 processeurs répartis sur 170 centres de calcul dans 34 pays à travers le monde. A chaque seconde, le LHC fournit ainsi autant de données que la grande chambre à bulles BEBC aurait pu fournir pendant 60 ans d’exploitation.

Le principe de la chambre à fils a trouvé d’autres applications en dehors de la physique des particules comme en imagerie médicale. En effet, une méthode très innovante basée sur le principe des chambres à fils permet aujourd’hui de reconstruire en 3D  la colonne vertébrale et le bassin d’un patient avec une précision inégalée (voir ce lien pour plus de détails).

»» Ce billet a été publié initialement sur le blog “La Science pour tous”.

Illutration FlickR CC-by-nc-sa : tlukejones. WikiMedia Commons CC-By : Studio Harcourt

]]>
http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/feed/ 1