OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Facebook invite à la délation http://owni.fr/2012/07/17/facebook-invite-a-la-delation/ http://owni.fr/2012/07/17/facebook-invite-a-la-delation/#comments Tue, 17 Jul 2012 15:14:27 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=116289 social reporting – "signalement social" – pour le réaliser. Lancée en 2011, l’opération consiste à faire des membres de Facebook les petits rapporteurs des violations des conditions générales d’utilisation du réseau. Depuis quelques jours, ils doivent confirmer l'identité de leurs amis utilisant un pseudonyme. Une seule exigence affichée pour cette armée mexicaine : la transparence.]]>

Se reposer sur la bonne volonté des membres pour aider Facebook à rester transparent est une chose. Forcer les utilisateurs à dénoncer leurs petits camarades en est une autre. C’est pourtant ce que propose Facebook dans l’ une des ses nouvelles fonctionnalités récemment décriées en France : quelques personnes ont été sommées de confirmer l’identité de leurs amis utilisant un pseudonyme. Des cas isolés qui illustrent tout de même le manque de discernement de l’entreprise, mettant sur le même plan les dangers d’une publication d’informations dangereuses ou de contenus contraires aux bonnes moeurs et l’utilisation de pseudonymes.

On ne badine pas avec la sécurité chez Facebook. Le réseau traque les contenus haineux, pédophiles, racistes, et plus globalement, toute utilisation frauduleuse des profils, de l’usurpation d’identité au piratage de compte. Lorsque l’entreprise a présenté l’année dernière le signalement social, comme « un outil innovant permettant aux utilisateurs de signaler un abus non seulement à Facebook mais aussi directement à leurs amis, ces derniers pouvant aider à résoudre les problèmes », elle a officialisé un nouveau rôle pour ses membres : celui de chien de garde.

L’utilisateur est alors considéré comme l’un des piliers de la sécurité et se devra d’aider les équipes dans leur recherche. Qu’il se rassure, il pourra remplir les objectifs de sa mission en toute discrétion, puisque ” la personne signalée n’est pas informée de l’identité de l’utilisateur qui a fait le rapport “. Selon un porte-parole de Facebook France, le signalement social est un outil efficace et même nécessaire, qui complète pleinement le travail de l’entreprise :

Les internautes utilisent Facebook pour rester en contact avec leurs amis et leur famille, pour savoir ce qu’il se passe dans le monde et pour partager et exprimer ce qui importe à leurs yeux. Ils tireront le meilleur du site en utilisant leur véritable identité. Cela permet un environnement plus sécurisé et digne de confiance pour tous les utilisateurs.

C’est pourquoi Facebook essaie constamment d’améliorer la sécurité de ses utilisateurs, en mettant à jour certains outils ou en développant de nouvelles fonctionnalités. Afin de lutter contre les faux comptes, Facebook a mis en place un système de signalement social qui permet entre autre aux utilisateurs de signaler les faux comptes sur Facebook.

Pour gérer ces signalements, Facebook a une équipe dédiée qui s’occupe spécifiquement des questions de fausse identité. Cette équipe lit les remarques qui lui sont envoyées, vérifie les signalements d’éventuels faux profils et agit en conséquence.

En réalité, derrières ces louables intentions se cache une réalité beaucoup plus simple : le réseau, dépassé par sa popularité, cherche à faire des économies. En 2010, alors que Facebook ne comptait “que” 500 millions de membres (plus de 900 millions aujourd’hui), les plaintes pour contenus contraires aux politiques générales d’utilisation du site étaient enregistrées par seulement deux équipes, l’une basée en Californie, l’autre en Irlande. En 2012, deux nouvelles équipes au Texas et en Inde sont venues compléter l’effectif mais elles ne semblent pas suffisantes pour assurer une modération globale.

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Done is better than perfect !

Ces méthodes sont pourtant typiques de Mark Zuckerberg qui applique une seule et même devise à l’ensemble de son travail « Done is better than perfect ». Le tâtonnement permanent du jeune milliardaire ne semble pas réjouir les utilisateurs de Facebook aux États-Unis, où les lois régulant la vie privée sont moins contraignantes que les textes européens : 25% d’entre eux avouent entrer de fausses informations sur leur profil afin de protéger leur identité contre 10% en 2010. Les dérives du social reporting n’inquiètent cependant pas encore les associations de défense des libertés numériques telle l’Electronic Frontier Foundation (EFF) car Facebook n’a pas encore officialisé cette fonctionnalité. Mais même les violations ponctuelles des libertés peuvent nuire aux utilisateurs.

Pire encore, cette obsession de la transparence pousse l’entreprise à employer des mesures radicales, peu efficaces mais permettant de mieux contrôler ses ouailles, comme la surveillance des messageries privées. La chasse aux pervers et aux profils dangereux devient une priorité qui prévaut sur le respect de la vie privée et des libertés.

Facebook va tenter de faire son mea culpa en intégrant le Global Network Initiative, un groupe de travail composé d’entreprises, d’investisseurs, d’associations de défense des libertés et de chercheurs et spécialisé dans la protection des libertés d’expression et de la vie privée dans le secteur des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, qui compte déjà dans ses rangs Google, Microsoft et Yahoo. Mais l’on ne sait toujours pas ce que Facebook compte y trouver et encore moins quelles seront les garanties pour les utilisateurs. Une opacité qui remet en cause la bonne volonté affichée de l’entreprise qui exige encore une fois de faire ce qu’elle dit mais pas ce qu’elle fait.


Photo par Camille Chenchai (CC-byncnd) via flickr

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Google Plus, la dictature des vrais noms http://owni.fr/2011/08/08/google-plus-dictature-vrais-noms-anonymat-identite/ http://owni.fr/2011/08/08/google-plus-dictature-vrais-noms-anonymat-identite/#comments Mon, 08 Aug 2011 19:12:49 +0000 Danah Boyd http://owni.fr/?p=75724 Les liens de cet article sont en anglais.

Tout le monde parle des“nymwars” [(contraction des termes anglais Anonym et Wars (guerres)], suite à la décision de Google Plus d’appliquer sa politique qui n’autorise que les comptes utilisant le “vrai nom” de leurs utilisateurs. Au départ, Google Plus a été pris d’une frénésie de suppression, éliminant les comptes qui enfreignaient la règle. Quand la communauté a fait part de son indignation, les dirigeants de Google Plus ont essayé d’apaiser leur colère en détaillant leur “nouveau” mécanisme “amélioré” pour appliquer la règle des “vrais noms” (en évitant de supprimer des comptes). Cela n’a fait qu’intensifier la discussion autour de la valeur du pseudonymat.

Des dizaines d’articles de blogs défendant le pseudonymat sont apparus, chacun détaillant ses arguments. L’un de ces articles, signé Kirrily “Skud” Robert, contenait une liste d’arguments provenant d’un sondage organisé sur son blog.

  • “Je suis un professeur de lycée, ma vie privée est d’une importance cruciale”
  • “J’utilise ce nom dans le cadre de mon travail. Toute ma famille et mes amis connaissent ce nom. Il me permet de participer aux discussions en ligne sans être sujet au harcèlement que j’ai déjà subi et qui avait poussé mes employeurs à changer leur numéro, pour pouvoir recevoir leurs appels.”
  • “Je ne me sens pas en sécurité si j’utilise mon vrai nom sur le Web car on m’a déjà retrouvé en utilisant ma présence en ligne et certains collègues ont envahi ma vie privée.”
  • “J’ai été victime de harcèlement . J’ai survécu à un viol. Je suis fonctionnaire et je n’ai donc pas le droit d’utiliser ma véritable identité en ligne.”
  • “J’ai été victime de harcèlement et ma famille en a souffert, cela fait à peu près 7 ans que j’utilise [mon surnom] en ligne.”
  • “[Ce nom] est un pseudonyme que j’utilise pour me protéger. Mon site peut être assez controversé et cela a déjà été utilisé contre moi”
  • “J’aime prendre part à une conversation ouverte et mondiale, mais je ne souhaite pas que mes opinions offensent certains membres de ma famille, ou certaines de mes connaissances qui sont conservatrices et religieuses. Je ne souhaite pas non plus que la carrière gouvernementale de mon mari souffre des opinions de sa femme, ou que son équipe se sente gênée par mes propos.”
  • “J’ai le souci de ma vie privée car j’ai été harcelée  par le passé. Je ne changerai pas de nom pour une page Google+. Au vue du prix que je pourrais payer, cela ne vaut pas le coup.”
  • “Au blog, nous avons reçu des menaces de mort. Donc, même si je ne m’inquiète pas que des personnes saines d’esprit me retrouvent, je ne veux quand même pas partager trop d’informations et préfère utiliser un nom d’auteur.”
  • “J’ai utilisé cette identité pour protéger ma véritable identité: je suis gay et ma famille habite dans un petit village dans lequel ils auraient des problèmes si on apprenait que leur fils est gay.”
  • “J’utilise un pseudonyme pour des raisons de sécurité. Étant une femme, je suis prudente en ce qui concerne le harcèlement sur Internet.”

Vous noterez qu’une thématique se dégage…

Un autre site, “My Name Is Me”, rassemble des témoignages d’individus qui défendent les pseudonymes. Ce qui est le plus frappant, c’est la liste des individus affectés par les règlements de type “vrais noms”. On y retrouve des survivants de mauvais traitements, des activistes, des membres de la communauté LGBT, des femmes et des jeunes.

À longueur d’articles, les gens désignent Facebook comme un exemple où la règle des “vrais noms” fonctionne. Cela m’amuse énormément. L’une des choses qui m’est apparue manifestement clair dans mes recherches c’est que d’innombrables ados qui ont rejoint Facebook tardivement ont choisi d’utiliser des pseudonymes ou des surnoms. Ce qui est encore plus remarquable dans mes données c’est qu’un pourcentage extrêmement élevé de personnes de couleur utilisent des pseudonymes, comparés aux ados blancs que j’ai rencontrés. Bien sûr, cela pourrait se comprendre…

Les individus qui se fient le plus aux pseudonymes dans les espaces virtuels sont ceux qui sont le plus marginalisés par les systèmes de pouvoir. Les règlements de type “vrais noms” ne sont pas émancipateurs ; ils constituent une affirmation du pouvoir sur les individus vulnérables.

Ces idées et problématiques ne sont pas nouvelles (et j’en ai même déjà parlé), mais ce qui est nouveau c’est que les marginaux se rassemblent et prennent la parole. Et dieu merci.

Ce qui est amusant, à mon sens, c’est qu’on ne semble pas se rappeler d’où vient la culture des “vrais noms” développée par Facebook. Quand les premiers utilisateurs (d’abord les étudiant d’universités prestigieuses…) ont adopté Facebook, c’était une communauté digne de confiance. Ils se sont enregistrés sous le nom qu’ils utilisaient dans leur université ou dans l’entreprise dont ils faisaient partie.

Ils utilisaient le nom qui correspondait au réseau avec lequel ils avaient rejoint Facebook. Ces noms n’étaient pas nécessairement leurs noms d’état civil ; beaucoup d’entre eux ont choisi Bill à la place de William. Mais ils étaient, en tout état de cause, “vrais”. Le site s’est développé, et les gens ont été aux prises avec de nouveaux arrivants et une gêne s’est installée au sujet des normes. Mais les normes étaient fixées, et les gens continuaient de s’inscrire en utilisant le nom par lequel ils étaient communément connus.

Au moment où les célébrités ont fait leur apparition sur le réseau, Facebook n’a pas demandé pas à Lady Gaga de se renommer Stefani Germanotta, mais bien évidemment, elle avait sa “page fan”, et était de fait séparée de la foule. Pendant ce temps là, ce dont beaucoup ne se sont pas rendus compte, c’est que de nombreux jeunes noirs et latinos se sont inscrits sur le réseau en utilisant des pseudonymes. La plupart des gens ne remarque pas ce que font les jeunes noirs et les jeunes latinos sur le Web.

De la même façon, des individus situés en dehors des États-Unis ont commencé à s’inscrire en utilisant des pseudonymes. Là encore, personne ne l’a remarqué puisque les noms traduits de l’arabe ou du malaisien, ou contenant des phrases en portugais, n’étaient pas particulièrement remarquables pour ceux chargés de faire respecter la règle des “vrais noms”. Les “vrais noms” ne sont en aucun cas universels sur Facebook, mais l’importance des “vrais noms” est un mythe que Facebook aime à faire valoir. Et, pour la plupart d’entre eux, les américains privilégiés utilisent leurs vrais noms sur Facebook. Donc, ça “a l’air” correct.

Puis est arrivé  Google Plus, qui croit pouvoir dicter une règle des “vrais noms”. Sauf qu’ils ont commis une grave erreur. Ils ont permis à la communauté technophile de s’inscrire dans les 48 heures qui ont suivi le lancement. Le problème avec cette communauté est qu’elle a une longue histoire d’utilisation de pseudonymes ou autres surnoms. Et c’est cette communauté qui a du définir les premières normes sociales du site, au lieu d’être socialisée à ces normes par des étudiants confiants qui pensaient avoir rejoint un site qui leur était réservé.

Ce n’était pas la bonne recette pour mettre en place un règlement de type “vrais noms”. Au contraire. Le pire pour Google, c’est que les membres de cette communauté sont TRÈS contents de parler FORT quand ils sont énervés. Alors que d’innombrables noirs et latinos utilisent des pseudonymes sur Facebook depuis le début (comme ils le faisaient d’ailleurs sur Myspace), ils n’ont jamais remis en question la politique de Facebook. Il s’agissait plus d’une approche “vivre et laisser vivre”. Google et sa communauté forcée à l’utilisation de vrais noms n’ont pas été aussi chanceux. Les gens sont maintenant EN COLÈRE.

Je suis personnellement enchantée de voir autant d’indignation. Je suis vraiment très heureuse de voir que des individus très privilégiés prennent ce sujet à coeur, parce que, même si ils sont les moins susceptibles de souffrir de cette règle des “vrais noms”, ils ont l’autorité pour s’élever face au pouvoir. Et tout autour du Web, on souligne le fait que ce sujet est plus profond que de simples noms rigolos (et qu’il est beaucoup plus complexe que sa réduction au simple concept d’anonymat, comme le pensait bêtement Randi Zuckerberg de Facebook).

Ce qui est en jeu c’est le droit des individus à se protéger, leur droit de véritablement maintenir une forme de contrôle qui les sécurise. Si des entreprises comme Facebook ou Google sont vraiment engagées à protéger leurs utilisateurs, elles doivent prendre ces critiques au sérieux. Tout le monde n’est pas plus en sécurité en donnant son vrai nom. Au contraire. Beaucoup de gens sont beaucoup MOINS en sécurité en étant identifiables. Et ceux qui sont le moins en sécurité sont souvent ceux qui sont le plus vulnérables.

De même, le problème de la réputation doit être renversé quand on pense aux individus marginalisés. On s’intéresse aux gens qui font usage de pseudonymes pour masquer leur identité et, en théorie, “protéger” leur réputation. L’hypothèse que cela implique est que l’observateur est qualifié pour évaluer la réputation de quelqu’un. Beaucoup trop souvent, et particulièrement avec les individus marginalisés, l’observateur sort l’individu de son environnement et, en se fondant sur ce qu’il trouve en ligne, ne le juge pas convenablement. Je vais tâcher d’expliquer cela en prenant un exemple dont beaucoup d’entre vous ont du entendre parler.

Il y a des années, j’ai reçu un appel en provenance d’un employé d’une université prestigieuse qui voulait admettre un jeune homme noir originaire de South Central [un quartier défavorisé de Los Angeles]. Le jeune homme avait rempli son formulaire d’admission en expliquant qu’il voulait quitter sa communauté infestée par les gangs. Les employés de l’université avait pourtant trouvé sur son compte MySpace des symboles d’un gang.  La question qui m’était posée était “Pourquoi nous mentirait-il alors que l’on peut trouver la vérité en ligne?”. Connaissant cette communauté, j’étais pratiquement sûre qu’il s’était montré honnête envers l’université; il faisait également ce qu’il devait faire pour rester en vie au sein de sa communauté. S’il avait utilisé un pseudonyme, l’université n’aurait pas pu obtenir ces données hors-contexte et le juger mal à propos. Mais ça n’était pas le cas. Ils estimaient que leur cadre de pensée était ce qui importait le plus. J’espère vraiment qu’il est parvenu à intégrer cette université.

Il n’y a pas de contexte universel, peu importe ce que les geeks peuvent vous dire.  Mais si les gens font le nécessaire pour s’adapter à différents contextes afin de protéger leur sécurité, et pour s’assurer de ne pas être jugés en dehors d’un contexte précis, cela ne veut pas dire qu’ils sont tous des escrocs. Il s’agit au contraire d’une réponse responsable et raisonnable aux conditions structurelles de ces nouveaux médias. Et il est inacceptable de voir les plus puissants et les plus privilégiés dire à ceux qui ne le sont pas qu’il est admissible que leur sécurité soit ébranlée. Vous ne garantissez pas la sécurité en empêchant les gens d’utiliser des pseudonymes, vous sapez leur sécurité.

De mon point de vue, mettre en place des politiques visant à ce que les gens utilisent leurs vrais noms au sein des espaces en ligne est donc un abus de pouvoir.


Article initialement publié sur Apophenia
Traduction Marie Telling et Guillaume Ledit
Illustrations CC FlickR: krissen, martin howard, birgerkin

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