RSF : “Toujours plus de filtrage, de contrôle et de surveillance d’Internet”

Le 24 juin 2010

Reporters sans Frontières (RSF) lancera demain un "abri anti-censure" pour les journalistes et blogueurs. Owni les a interrogé sur ce projet. Mais aussi sur l'état de la liberté d'expression en ligne en France, et dans le monde.

Reporters sans Frontières (RSF) lancera demain un “abri anti-censure”, destiné à apprendre aux journalistes et blogueurs “à contourner la censure, sécuriser leurs communications, et conserver leur anonymat en ligne“. Nous les avons interrogé sur ce projet. Et plus généralement sur l’état de la liberté d’expression en ligne en France, et dans le monde.

En quoi consiste l’abri anti-censure ?

Il s’agit d’abord d’un lieu physique hébergé dans les locaux de RSF (1). Y sont mis à disposition trois postes de travail pour les journalistes et blogueurs qui veulent apprendre à protéger leurs communications et conserver leur anonymat. On leur donne accès aux logiciels libres les plus connus, mais aussi à une solution adaptée de VPN gratuit proposée par RSF. Normalement ce VPN, édité par Xero-bank, est payant. Mais dans le cadre de ce partenariat, ils ont accepté de le fournir gratuitement pour les personnes – journalistes, blogueurs, défenseurs des droits de l’homme – considérés comme vulnérables.

Cela fait dix dans qu’on s’intéresse à la question de la liberté d’expression en ligne. Dans de nombreux pays, quand les médias sont sous la coupe du gouvernement, seuls les blogs diffusent des informations indépendantes et objectives. Et il y a une recrudescence de la surveillance d’Internet pour repérer les dissidents et prendre des mesures contre eux. Donc on a pensé que c’était le bon moment pour fournir des outils à ceux qui en ont besoin.

Comment cet accès VPN sera t-il accessible ?

Il sera accessible sur les trois postes, mais on va aussi fournir des clés USB “tout en un” pour que les gens puissent y avoir accès quand ils rentrent dans leur pays. On va également identifier les journalistes, blogueurs et défenseurs des droits de l’homme qui, sur place, dans leur pays, ont besoin de protection, afin de leur faire donner accès à ce service. Cela devrait concerner plusieurs centaines de personnes. Ensuite, on va ouvrir un site Internet qui donnera accès à ce service, mais proposera également une solution d’hébergement pour les contenus censurés. Par exemple des photos ou vidéos censurées qui mettent en cause les autorités, et sont importants pour le droit à l’information. Car leurs auteurs ne savent pas forcément où les héberger.

C’est ce que compte également proposer l’IMMI. Quel est votre regard sur cette initiative ?

C’est une très bonne initiative, et on a appellé le gouvernement islandais à respecter au maximum les engagements pris par le Parlement. Et il est intéressant de voir ce genre de démarches alors que la tendance générale s’inscrit dans l’opposé. Partout dans le monde, les gouvernement vont vers toujours plus de de filtrage, de contrôle et de surveillance d’Internet, les législations vers des lois liberticides. Pour l’IMMI, ils ont travaillé de manière étroite avec WikiLeaks, qui montre à quel point il est crucial d’avoir une protection des sources.

A propos d’anonymat, que pensez-vous de la proposition de loi de Jean-Louis Masson ?

C’est une proposition de loi complètement absurde. et qui démontre une méconnaissance d’Internet en général et des blogs en particulier. Beaucoup de bloggeurs ne s’exprimeraient pas de la même façon si leur nom était connu. On pense à maître Eolas, mais aussi par exemple à des malades du sida qui témoignent anonymement. Dans une émission, interrogé sur le cas d’un malade du sida, Jean-Louis Masson répondait “Pourquoi il veut témoigner ? Ça n’est pas ça qui va le faire guérir !”. Cela témoigne aussi d’une méfiance générale du gouvernement vis-à-vis des blogueurs. Alors qu’il est parfaitement possible, dans le cadre d’une action judiciaire, de remontrer via l’hébergeur à un blogueur qui a commis un acte illégal au regard de la loi française.

Comment voyez vous l’évolution de la liberté d’expression en France  ?

La France a le record européen en termes de mises en examen et de perquisitions. Ca n’est pas très glorieux. Il n’y a qu’a voir l’histoire d’Augustin Scalbert. Cette multitude de pressions et de mises en examen crée un contexte qui n’incite pas les sources à vouloir révéler des contenus sensibles et d’intérêt général. Et donc pas très proprice au journalisme d’investigation basé sur des sources fiables qui ont besoin d’un climat de confiance. D’ailleurs le 18 juin, on a lancé un appel pour la presse libre, pour appeller les journalistes et les citoyens à resister.

(1) L’abri est situé 47 rue vivienne, 75002 Paris. Il sera ouvert de 10h à 18h, du lundi au vendredi. Une réservation par mail est demandée  : abri@rsf.org.

Nos confrères de Mediapart ont interviewé Jean-François Julliard, le secrétaire général de RSF. Il revient sur l’évolution des missions de l’association, en particulier les changements qu’Internet a provoqués.

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