La mort de la mort du journalisme grand format

Le 1 septembre 2010

Les geeks consommateurs d'information ont mis au point des outils qui facilitent la lecture des contenus longs. Internet n'est pas forcément synonyme de brièveté.

Quand nous sommes constamment inondés d’information, via les e-mails, les SMS, les alertes push, les tweets et les mises à jour sur Facebook, il est dur de trouver du temps pour cet article de 5 000 mots du New Yorker que nous avons bookmarké ou ce récit en épisodes [serial narrative] que nous nous promettons sans cesse de lire, sans jamais le faire.

Pour autant que la technologie peut nous distraire du journalisme grand format [long-form journalism], cependant, cela peut aussi constituer une porte d’entrée.

Cinq gars – Nate Weiner de Read It Later, Marco Arment de Instapaper, Max Linsky et Aaron Lammer de Longform.org, et Mark Armstrong de @LongReads – ont trouvé des moyens d’utiliser les outils du web pour raviver l’attention accordée au journalisme grand format, augmenter sa durée de vie et faciliter sa consommation et son partage pour les lecteurs.

Les outils qu’ils utilisent pour créer un environnement de lecture immersif, focalisé, sont les mêmes qui mettent au défi notre capacité à éviter les distractions au travail ou quand nous sortons avec des amis : applications mobiles, sites et Twitter.

Des outils et des applications mobiles qui vous permettent de lire avec moins de distractions

Nate Weiner se décrit lui-même comme un gars avec beaucoup de chose à lire mais pas beaucoup de temps”. Il sait ce que cela fait d’être pris dans une “énigme de connectivité” [conundrum of connectedness]: un schéma dans lequel vous êtes tellement submergé d’information que vous avez rarement le temps de faire une pause et de trouver du sens à tout cela.

Dans le passé, explique-t-il, il survolait les articles longs des magazines qu’il souhaitait lire, mais n’avait pas de bon moyen de les sauvegarder pour plus tard. Pour y remédier, il a créé Read It Later, un outil qui permet aux gens de sauvegarder les articles depuis leur ordinateur, smart phone ou iPad, et qui les rend disponibles à la lecture hors-connexion. L’outil, qui vient d’avoir trois ans, possède plus de trois millions d’utilisateurs.

Read It Later et différent des sites de social bookmarking comme Digg et Delicious, qui sont des outils qui sauvegardent, partagent et organisent les URL. Read It Later sauvegarde la page entière de l’article, ce qui le rend accessible quand vous n’êtes pas connecté et que vous avez du temps libre. Les utilisateurs qui souhaitent une expérience moins distrayante peuvent sélectionner l’option “text view”, qui permet d’afficher uniquement le texte.

Weiner indique qu’il a discuté récemment avec des journalistes et des éditeurs pour déterminer comment faciliter la sauvegarde des articles – en particulier ceux qui sont longs et prennent du temps à être produits et qui de fait peuvent facilement être perdus au milieu d’autres contenus sur un site de news.

La question la plus importante posée par  les éditeurs, c’est : “pourquoi nous voudrions permettre à nos lecteurs de lire les contenus de notre site hors connexion , loin de nos publicités et des autres articles ?”

“Read It Later est essentiellement une seconde chance pour l’article. Cela augmente en fait la probabilité que l’article soit vu”, m’a expliqué Weiner par e-mail. “Si un article est là, c’est parce qu’un utilisateur l’a sélectionné. Et pour qu’un utilisateur l’ait placé là, il faut qu’il ait visité le site de l’éditeur”.

Marco Arment, qui a développé Instapaper, m’a dit, “la meilleure chose que les auteurs et les éditeurs peuvent faire est de fournir au monde de supers contenus à lire. Sans cela, toute cette technologie est sans intérêt.”

Similaire à Read It Later, Instapaper est un outil pour sauvegarder des pages web à lire plus tard, un “DVR [digital video recorder, NDT] pour des contenus web” . On peut aussi de créer un RSS customisé des articles que l’on a sauvegardé sur Instapaper et propose “Editor’s Picks” qui présente les contenus bookmarkés les plus populaires.

Difficile d'organiser ses articles dans la vraie vie

Arment, qui est également le développeur en chef de Tumblr, dit qu’Instapaper.com a trois millions de pages vues par mois et que le service a une petite centaine de milliers d’utilisateurs actifs en tout.

Arment collabore avec des éditeurs pour intégrer les boutons Instapaper et les liens directement vers leurs sites, comme les autres outils de partage que la plupart des sites possèdent. Et il a fait de l’accessibilité mobile aux longs articles une priorité, disant que les apps iPhone et iPad d’Instapaper “jouent un rôle critique” dans son succès.

Certains trouvent peut-être curieux qu’un mobile – une source de distraction pour la plupart d’entre nous, avec ses SMS, ses e-mail et ses alertes – puisse être favorable à la lecture de longs récits. Mais comparé à un portable, un mobile est la meilleure option.

“L’ordinateur moderne est fourni avec des distractions. Vos mains sont en permanence sur les touches de contrôle, attendant de cliquer à côté pour trouver le prochain bit d’information. Très fréquemment, quelque chose bippe ou une pop-up apparait ou un gros chiffre rouge s’affiche”, décrit Arment. “Les contenus longs requièrent une lecture attentive, et la lecture attentive requière un environnement libre de distractions. Vous avez besoin d’éloigner les gens de leurs ordinateurs.”

Un site qui construit sa communauté autour de longs articles

Après avoir découvert Instapaper, Max Linsky et Aaron Lammer ont créé Longform.org, un site qui agrège des contenus journalistiques longs qui remonte aussi loin qu’en 1899. Le but de ce site, disent-ils, c’est de donner aux gens un lieu pour ce type de contenu et leur donner une seconde chance sur le web.

“Nous voulions avoir une poignée de chouettes contenus à lire tout le temps et nous nous sommes dit que les gens aussi en avaient envie”, raconte Linsky, un journaliste freelance.

Lammer, un éditeur qui ne prenait jamais le temps pour lire des contenus magazines longs, dit qu’Instapaper et son travail sur Longform.org ont facilité le partage et la conservation des longs articles. Le site l’a aussi aidé à développer une communauté de gens qui aiment les longs récits, et à en devenir membre.

Les visiteurs du site, que Linsky et Lammer décrivent comme des “accrocs au journalisme grand format”, leur envoient régulièrement des suggestions d’articles à présenter.

“Nous avons un groupe de personnes en contact avec nous qui ont aussi conservé leurs propres archives”, explique Linsky, “les gens les plus connectés ont mis leurs propres archives sur Delicious et les autres dans un dossier, chez eux.”

He’s such a big believer in this that he proposed a South by Southwest Interactive panel called “The Death of the Death of Longform Journalism.”

Le nombre de gens qui se tournent vers le site pour partager des articles plutôt que les classer dans un dossier est une preuve que la technologie apporte un souffle nouveau aux contenus longs, explique Linsky. Il y croit tant qu’il a proposé un panel interactif au festival South by Southwest intitulé “La mort de la mort du journalisme grand format”

Un compte Twitter qui facilite le partage des lectures longues

Longreads
Un exemple de tweets @LongReads

Comme Linsky et Lammer, Mark Armstrong a été inspiré par Instapaper pour démarrer sa propre collection d’articles longs. En avril 2009, il a créé un compte Twitter intitulé @LongReads et a tweeté depuis 1.200 articles.

Chaque jour, Amstrong tweete des liens vers environs 5 lectures longues récentes, certaines trouvées grâce au hashtag #longreads qu’il a créé. Le compte @LongReads possède environs 4.500 followers, -il s’est fortifié après la sortie de l’iPad-, et continue d’augmenter d’environ 15% par mois. (Longform.org a aussi un compte Twitter avec à peu près 1.700 followers.)

Armstrong, directeur des contenus chez Bundle, dit que Twitter est un bon endroit pour poster des contenus longs car les gens peuvent facilement retweeter les liens vers les articles et améliorer leur exposition. Il a expliqué le but de @LongReads dans une interview par téléphone.

“Je pense qu’au bout du compte, 1) nous voulons apporter plus de trafic au éditeurs qui proposent ce type de travail, et 2) encourager les gens pour aider à organiser le web d’une manière qui facilite la découverte de ces contenus”, a dit Armstrong, qui utilise Instapaper et encourage ses followers à en faire de même.

Tous ces outils sont connectés; en tant que lecteur, vous pouvez suivre @LongReads, sauvegarder l’article sur Instapaper ou Read It Later, et l’envoyer à Lammer et Linsky pour le poster sur Longform.org.

Armstrong dit qu’au fond il aimerait voir les sites commencer à utiliser un tag “longue lecture” pour agréger tous les contenus longs qu’ils publient. Inspiré par @LongReads, The Awl permet de faire une recherche sur le mot “long reads”.

“Ce développement m’excite plutôt, raconte Armstrong, et je pense que nous allons commencer à voir plus d’éditeurs suivre l’initiative de The Awl en organisant leurs sites afin de remonter en surface des contenus longs, avec de la substance.”

Alors que plus de gens apportent du trafic au journalisme grand format via le web, Twitter et les applications mobiles, cela donnera peut-être plus de raisons aux éditeurs de le produire.

“Nous touchons un point où, heureusement, le trafic justifiera le degré d’effort fourni pour faire des reportages et les écrire”, dit Armstrong… “Ils ne sont pas jetables.”

Article initialement publié (en anglais) sur Poynter.org

Illustration CC FlickR par emdurso, yellobagman

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