La déclaration des droits numériques et moi

Le 30 juin 2009

Hier, notre Ministre de la Défense, Hervé Morin, présentait sa la déclaration des droits fondamentaux numériques. Ayant été invité à participer à la table ronde (plutôt en L) de l’après-midi et surtout à un diner des forts en gueule, avec le courageux Ministre, j’ai dû un peu potasser le sujet pour vous livrer mes réflexions. Réflexions [...]

Hier, notre Ministre de la Défense, Hervé Morin, présentait sa la déclaration des droits fondamentaux numériques. Ayant été invité à participer à la table ronde (plutôt en L) de l’après-midi et surtout à un diner des forts en gueule, avec le courageux Ministre, j’ai dû un peu potasser le sujet pour vous livrer mes réflexions.
Réflexions qui aideront, je l’espère le groupe derrière cette déclaration à aller plus loin car je le dis : L’idée est bonne … MAIS …

NDLR: Comme je sais la critique facile et puisque l’on me demande mon avis, je vais me permettre de le donner … au risque d’apparaître encore comme le stroumph grognon … mais c’est pour la bonne cause !

Tout d’abord, je dois dire qu’à la première lecture du texte, il y a quelques semaines, je n’avais pas été “transporté”. Le sujet m’avait peut-être été “sur-vendu” … Mais comme référence était faite à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à la déclaration universelle des droits de l’homme, j’avais du mal à en retrouver l’élan, la noblesse et la hauteur de vue.

Ensuite, je me suis fais expliqué la chose et j’y ai vu un intérêt certain. En informatique on parle souvent de Yet Another (yacc …), pour expliquer que l’on a droit à une nouvelle version, totalement révolutionnaire et géniale qui est simplement la N-ième interprétation d’un même sujet. La démarche d’Hervé Morin est intéressante en cela qu’elle ne propose pas Yet Another Law, dans un paysage déjà largement fourni. Mieux, elle est sensée proclamer affirmer de nouveaux droits, qui devraient être suffisamment de bon sens pour que personne n’en vienne à les contrarier. Effectivement l’entrée de notre société dans l’ère du numérique implique, pour moi, aussi de prendre un peu de hauteur pour mieux réfléchir le sujet et travailler de façon dépassionnée, en dehors de la pression des uns ou des autres.

Le texte ne me passionnait pas trop, il comporte des imprécisions ou des erreurs (on va le voir pour la plus importante), mais provoquer la discussion, lancer l’idée pour qu’elle soit appropriée par le plus grand nombre est une méthode louable, dont il convient déjà de saluer l’existance. Nous ne sommes pas mis devant le fait accompli. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de lobby ou de cause cachée derrière (soyons beau joueur et ne voyons pas toujours le verre à moitié vide), aussi ne boudons pas notre plaisir.

Ceci dit, le billet de Manhack m’a fait re-réfléchir. Il a pour mérite de dire tout haut ce que j’ai beaucoup entendu ces derniers jours. Les envolées  nobles “Toute personne a le droit d’accéder et d’utiliser librement le réseau Internet, neutre et ouvert” … semblent tomber sous le contre coup d’un sévère rappel à l’ordre : “… sous réserve de ne pas porter atteinte à l’ordre public et aux droits d’autrui.”

J’ai essayé de contribuer en séance au mieux et en particulier à lever une ambiguité qui me semble préjudiciable dans toute la réflexion :

on confond l’Internet avec un type d’internet formaté
par la vision que veulent nous en donner l’usage de certains sites web

Aussi l’article 1er est totalement à revoir et peut-être à scinder en deux pour lever l’ambiguité entre
LA TECHNOLOGIE d’un coté et l’usage qui en est fait de l’autre :

Article 1 : Réseau Internet

L’Internet est un réseau d’échange, neutre, symétrique et ouvert. Ce qui n’est pas neutre et ouvert n’est pas de l’Internet.

Article 1bis : Usage du réseau

Toute personne à le droit d’accéder, de contribuer à l’Internet, sans contrôle à priori, sous réserve du respect de la déclaration unverselle des droits de l’homme.

Article 6 : Anonymat numérique :

Le droit à l’anonymat numérique est reconnu à toute personne, mais aussi la libre expression sous son propre nom. L’usage de l’un ou de l’autre est laissé à l’appréciation de l’intéressé, qui doit être formé à en comprendre les enjeux, sous réserve du respect de la déclaration universelle des droits de l’homme. Les technologies de chiffrement doivent être librement utilisables, de façon au moins identique avec ce que proposent les Etats-Unis pour leurs ressortissants.

Article 4 : Propriété numérique

Même si je comprends l’idée derrière, il faut quand même que le texte puisse s’appliquer. En l’occurence, de nombreuses sociétés investissent en amont et offrent leurs services, en échange qu’un jour peut être une commercialisation de quelque chose puisse avoir lieu. Si on dénie une certaine appartenance à ces sociétés, on risque purement et simplement de rendre certaines initiatives impossibles ou de les repousser ailleurs … et de ne rien changer car les utilisateurs auront toujours autant d’appétence et d’envie d’utiliser ces services et signeront virtuellement des chartes d’usages qui contreviendront à cet article 4. Ma proposition est de repenser le sujet.

Article 8 : Identités numériques

Toute personne a droit a une ou plusieurs identités numériques, qui lui appartiennent définitivement. Le secteur public, autant que le secteur privé doit pouvoir émettre ces identités et en assurer la protection.

In finé, à la fin de l’après-midi d’explication, je me suis demandé pourquoi ce texte devait-il être accompagné du brio oratoire des avocats participants à la session ? Ne manque-t-il pas d’un soupçon de je ne sais quoi de plus mobilisateur ? L’idée, je le redis est louable, mais je ne suis pas certain que la plupart des internautes d’aujourd’hui se lèveraient tous pour …

Et si c’était plutôt un article “numérique” a ajouter à la déclaration universelle des droits de l’homme ?

Et si, au delà de ce texte, on travaillait sur des sujets mobilisateurs et qui feraient réellement avancer le sujet “numérique”, par exemple :

  • la lutte contre la pédophilie / pédo-pornographie …
  • le partage de valeur de la création dans une économie numérique
  • les infrastructures
  • l’éco-système du numérique, pour favoriser l’émergence de nouveaux champions Français, à l’international
  • l’éducation au numérique … de 7 à 77 ans …

Article initialement publié sur le blog de Jean-Michel Planche

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